Soucieux de tisser des liens entre le public, les architectes québécois et leurs confrères du monde entier, Alexander Reford a donné une renommée internationale aux Jardins de Métis. Le lauréat 2020 du prix Ambassadeur de la qualité en architecture de l’OAQ démontre par son travail l’apport de l’architecture à l’horticulture.
Alexander Reford a grandi dans une maison d’architecte, à Ottawa, et ses parents tenaient un magasin de meubles scandinaves. Il était donc déjà imprégné d’architecture et de design quand, en 1995, il est devenu le directeur des Jardins de Métis, créés par son aïeule Elsie Reford à Grand-Métis dans le Bas-Saint-Laurent.
Historien de formation, Alexander Reford connaissait déjà le rôle de l’architecture dans les jardins européens. « Quand on visite un jardin en Angleterre, en France ou en Italie, on voit que l’architecture a toujours été une composante extrêmement importante, en arrière et en avant-plan pour les plantes et l’horticulture », dit-il. Pour lui, ajouter un volet architectural aux Jardins de Métis allait de soi. C’est ainsi qu’en 2000 il créele Festival international de jardins, un concours appelant les architectes et les architectes paysagistes du monde à déployer leur créativité sur un site naturel face au Saint-Laurent.
Aujourd’hui, dans ce petit village de la rive sud du fleuve, les concepteurs se bousculent pour installer leurs créations, et les touristes se pressent pour les découvrir. C’est cette mise en valeur de l’architecture qui vaut cette année à Alexander Reford le prix Ambassadeur de la qualité en architecture, par lequel l’OAQ salue les actions d’une personne (non architecte), d’une entreprise ou d’un organisme ayant contribué à rehausser et à valoriser la qualité de l’architecture au Québec.

Le dernier petit cochon, Jardins de Métis, APPAREIL architecture
Photo : Martin Bond
Laboratoire et vitrine de l’excellence
Exempt des contraintes habituelles des concours, le Festival invite les architectes à donner libre cours à leur imagination. « Il y a une grande liberté, une grande latitude laissée au créateur », remarque l’architecte Pierre Thibault. « On peut réaliser ici des projets qui seraient jugés fous ailleurs », estime Alexander Reford.
Mais, pour la poignée de projets sélectionnés parmi les quelque 200 propositions que reçoit chaque année le concours, fou doit rimer avec qualité. « Des firmes parmi les plus reconnues au monde sont venues aux Jardins », souligne Pierre Thibault. On compte parmi elles la Sud-Coréenne Livescape, l’Australienne Terragram et l’Américaine Balmori Associates.
Le Festival devient ainsi un lieu d’échanges entre les architectes d’ici et d’ailleurs, et une vitrine de la qualité architecturale autant pour la population que pour les étudiants en architecture. Chacun découvre la diversité des créations et leur insertion dans le paysage, avec en prime la possibilité d’explorer les installations, d’y toucher, voire d’y grimper. « C’est une sorte d’initiation à l’architecture », estime Samuel Bernier-Lavigne, professeur à l’École d’architecture de l’Université Laval.
Pierre Thibault en parle aussi comme d’un laboratoire : « C’est intéressant de voir comment une parcelle peut être utilisée complètement différemment deux années de suite. C’est un évènement qui se renouvelle constamment et qui montre aux étudiants que la création est infinie. »
Si le public répond bien aujourd’hui, ce n’était pas le cas au début du Festival. « Les visiteurs étaient scandalisés. Il y avait cette idée qu’investir dans l’architecture était inutile, que c’était du gaspillage, se souvient Alexander Reford. Vingt ans plus tard, ça a complètement changé. On est passé de personnes outrées à des personnes charmées. La population commence à comprendre le rôle de l’architecte. Depuis plus de 20 ans, je prêche pour l’architecture, et recevoir un prix de l’Ordre des architectes est un bel honneur. »
Au-delà du Festival
L’engagement d’Alexander Reford envers l’architecture est loin de se limiter
au Festival international de jardins.
Sur le terrain des Jardins de Métis, en collaboration avec le Créneau Écoconstruction, qui promeut l’écoconstruction dans le Bas-Saint-Laurent, le directeur a fait construire la Maison ERE 132, une maison-modèle de la construction écologique, certifiée LEED platine.

Alexander Reford a également confié à l’Atelier Pierre Thibault le mandat de concevoir la Résidence des stagiaires, elle aussi érigée sur le site des Jardins. Lauréate d’un Grand Prix du Design en 2018, elle accueille, entre autres, les concepteurs qui viennent installer leurs œuvres et des étudiants en architecture qui y suivent des cours d’été. « C’est un bel exemple d’une architecture contemporaine inspirée de l’architecture vernaculaire », dépeint Pierre Thibault.
Pour mieux recevoir les créateurs qui viennent travailler aux Jardins, le directeur a de nouveau fait appel à l’Atelier Pierre Thibault afin d’aménager des bâtiments existants pour en faire l’Atelier du futur, un lieu propice aux échanges, aux expérimentations et aux interactions avec les visiteurs. « On veut le rendre accessible au public pour que les visiteurs voient en direct le travail des créateurs », explique-t-il.
À Sainte-Flavie, avec les citoyens et l’École d’architecture de l’Université Laval, Alexander Reford participe à un projet de recherche pour repenser l’habitat de bord de mer. « Alexander est au courant des problèmes concrets que pose l’érosion et il est capable de faire le lien entre la population locale et les chercheurs », précise Samuel Bernier-Lavigne, qui collabore au projet.
C’est sans compter les expositions comme Les chambres blanches, présentée à l’École d’architecture de l’Université Laval, et les jardins extra-muros installés à Toronto, à Montréal et même à Londres.
« Derrière tout ça, il y a Alexander, un catalyseur extraordinaire, témoigne Samuel Bernier-Lavigne, quelqu’un d’extrêmement allumé qui saisit toutes les occasions de promouvoir l’architecture de qualité. »