Chambre de maison des aînés, Francis Alphonso, étudiant à la maîtrise en architecture. Image : Francis Alphonso
Chambre de maison des aînés,
Francis Alphonso, étudiant à la maîtrise en architecture.
Image : Francis Alphonso

Jardins collectifs, salles communautaires, garderies : les étudiants et étudiantes de la maîtrise en architecture à l’Université de Montréal étaient invités, pendant la session d’automne 2020, à concevoir une maison des aînés. Des projets qui ne se réaliseront pas, mais qui ont été conçus dans les règles.

Pendant tout l’été 2020, Ariane Beauregard Rivard a travaillé dans une résidence pour personnes âgées. Cette expérience a fortement influencé l’approche de cette étudiante lorsque, l’automne dernier, elle et ses collègues en première année de maîtrise en architecture ont dû concevoir, en atelier, les plans d’une maison pour aînés. L’implantation devait être imaginée sur un terrain situé à deux pas du campus MIL, à l’intersection des avenues Champagneur et Ducharme, dans l’arrondissement montréalais d’Outremont.

« Constatant le manque de contacts interpersonnels des aînés, j’ai opté pour des plans architecturaux favorisant au maximum les relations avec la famille, les visiteurs et les travailleurs », explique Ariane Beauregard Rivard. Ainsi, la jeune femme a prévu dans chaque chambre du mobilier intégré, incluant un lit escamotable pour les proches désirant rester pour la nuit. Dans ses quatre maisonnées de 12 unités, l’étudiante a misé sur de multiples aires partagées. Cuisine, salle à manger et salons se déploient donc autour d’une grande ruelle couverte, décrit-elle. « Pour certains résidents, la simple arrivée d’un visiteur, même s’il n’est pas là pour eux, devient un évènement. Le fait de créer des noyaux communs aussi vastes renforce les interactions sociales et dynamise les lieux. »

Mais surtout, Ariane Beauregard Rivard a disposé 16 studios pour étudiants et étudiantes aux étages supérieurs de la résidence. Ces jeunes pourraient habiter un logement à bas prix en échange d’heures de bénévolat, suggère-t-elle. Ce concept, qui existe aux Pays-Bas, en Finlande et en Suède, favorise les contacts, notamment dans les espaces partagés. « Les recherches montrent que cette cohabitation est bénéfique pour briser l’isolement des personnes âgées et rapprocher les générations », indique-t-elle.

Travaux pratiques

Les 69 étudiants et étudiantes de cet atelier devaient respecter le programme général de la Société québécoise des infrastructures, indique Bechara Helal, professeur adjoint et directeur par intérim de l’École d’architecture de l’Université de Montréal. « Ils ont été confrontés aux vraies questions auxquelles les architectes font face dans leur pratique, par rapport au Code du bâtiment, par exemple », explique-t-il.

« L’objectif était de faire réfléchir au rôle social de l’architecte, alors que ce type d’habitation doit favoriser l’inclusion sociale et éviter l’isolement des aînés. »

– Catherine Milanese

Le groupe devait proposer un concept permettant non seulement d’assurer le bien-être des usagers et usagères ainsi que du personnel, mais aussi de créer des liens avec la communauté, mentionne pour sa part l’architecte Catherine Milanese, de la firme MOA, qui a agi comme tutrice dans cet atelier. « L’objectif était de faire réfléchir au rôle social de l’architecte, alors que ce type d’habitation doit favoriser l’inclusion sociale et éviter l’isolement des aînés », dit-elle.

La cohorte avait donc carte blanche pour doter chaque projet d’un programme supplémentaire. Cela a donné lieu à des propositions presque aussi variées que les étudiants et étudiantes, note Catherine Milanese. « Plusieurs ont décidé d’utiliser ces mètres carrés pour consacrer des espaces à certains soins, comme de la physiothérapie », illustre-t-elle, ajoutant que d’autres ont opté pour des lieux ouverts à la communauté, tels une médiathèque, une salle polyvalente ou des jardins collectifs.

« Beaucoup ont travaillé sur la qualité des espaces destinés au personnel, alors qu’on a vu à quel point c’était important avec la crise de la COVID-19 », poursuit l’architecte. C’est ainsi qu’Ariane Beauregard Rivard a aménagé des salles dotées de lits afin d’offrir un lieu de répit à celles et ceux qui enchaînent les quarts de travail, tandis que d’autres projets ont inclus un service de garde pour les enfants du personnel, par exemple. Se rappelant à quel point la température pouvait grimper pendant l’été dans ces bâtiments, l’étudiante a aussi prévu des ouvertures favorisant la ventilation naturelle transversale.

Perspective d’une maison des aînés surmontée de logements pour étudiants, conçue par l’étudiante à la maîtrise en architecture Ariane Beauregard Rivard. Image : Ariane Beauregard Rivard
Perspective d’une maison des aînés surmontée de logements pour étudiants, conçue par l’étudiante à la maîtrise en architecture Ariane Beauregard Rivard.
Image : Ariane Beauregard Rivard

Une note de vert

Plusieurs projets, comme celui qu’a conçu Francis Alphonso, font une large part à la biophilie, avec leurs multiples espaces végétalisés au sol et sur le toit. Grâce à des placettes, des jardins, des terrasses et même une serre, l’étudiant propose de planter des espèces indigènes variées. Une grande cour intérieure vitrée occupe aussi une place centrale dans les maisonnées qu’il a aménagées afin de tisser des liens avec la nature.

« Je voulais utiliser un langage architectural apaisant et offrir aux résidants différentes vues sur les espaces végétalisés, pour éviter l’impression d’être à l’hôpital », résume-t-il. Alors que la population vieillit, les aînés et aînées vivent dans ce type d’habitation de plus en plus longtemps, estime le jeune homme. « C’était donc important pour moi de replacer le bien-être au centre de l’aménagement. »

En plus d’avoir recours à des matériaux chaleureux comme le bois, l’étudiant a dessiné un toit en pente évoquant celui d’une maison unifamiliale. Les chambres ne sont pas réparties le long d’un grand corridor, mais donnent directement sur un salon commun. Une façon de favoriser l’esprit de voisinage, explique-t-il. « Ceux qui se déplacent moins facilement peuvent simplement ouvrir la porte et avoir vue sur cet espace. »

Cet exercice tout indiqué, surtout en temps de pandémie, a braqué les projecteurs sur les conditions de vie des personnes aînées, souligne Bechara Helal. « Les étudiants ont pu poser un regard plus personnel sur les questions [que soulève un tel projet], en saisir les nuances et réfléchir aux différents enjeux, au-delà du seul aspect technique. » Car avant tout, le vieillissement est un phénomène humain.