Que fait-on avec une grande cour ombragée qui ne sert qu’à garer une voiture ? C’est ce que se demandait Hervé Holdrinet lorsqu’il a poussé la porte d’Architecture Microclimat. La réponse des architectes va bien au-delà de la question de base : elle se penche sur le patrimoine urbain de demain.
Hervé Holdrinet n’est pas un promoteur comme les autres. « Il est propriétaire d’un triplex qu’il a acheté il y a 25 ans, explique l’architecte et cofondateur de Microclimat, Guillaume Marcoux. Il a toujours résidé au rez-de-chaussée et souhaitait éventuellement faire de l’ajout de logements dans sa cour un projet de retraite, sans savoir combien de logements au juste. »
Hervé Holdrinet avait toutefois une certitude : sa volonté de confier le projet à une firme du quartier qui l’a vu grandir, Le Plateau-Mont-Royal. C’est pourquoi il s’est tourné vers Microclimat. « Nous avons apporté au projet une sensibilité et une compréhension plus large, estime Guillaume Marcoux. Nous avons créé de petits logements hautement fonctionnels qui s’intègrent bien au contexte environnant, sans trop recourir aux réflexes classiques d’aménagement montréalais. »
Quatre logements, quatre styles
Les architectes ont conçu quatre logements distincts. Chacun offre sa propre expérience de la relation avec l’extérieur, de la lumière naturelle et de la notion d’intimité. « Nous avons aussi aménagé une cour centrale dans laquelle les éléments sont légers et transparents, pour donner encore plus de vie et de lumière. »
L’intégration de nouveaux appartements dans le deuxième quartier le plus densément peuplé en Amérique du Nord vient évidemment avec son lot de défis. « Nous nous sommes assurés de générer le moins de nuisance possible, en dessinant une succession de petites cours depuis le grand porche de la rue Resther jusqu’à la rue Berri. Ainsi, nous avons morcelé le volume, tout en créant des lieux d’intimité et en favorisant les espaces extérieurs. Nous avons aussi disposé l’escalier principal à l’extérieur, pour diminuer encore le volume », explique le cofondateur de Microclimat.
Un travail d’équipe
Guillaume Marcoux estime que la qualité de l’ensemble du Multilogement Berri repose sur deux éléments : son client et sa propre équipe. « Nous avions une belle collaboration. En construction, même quand les plans et devis sont clairs, on doit parfois réviser ses choix. Hervé Holdrinet était toujours réceptif à nos propositions. »
Microclimat mise par ailleurs sur une gestion horizontale. « Nous sommes de jeunes patrons qui faisons confiance à nos employés. Je pense que ce projet montre la richesse de cette approche. Nous avons tous persévéré malgré les embûches, jusqu’à la livraison. »
« Les architectes et moi avons beaucoup échangé sur la vision du projet en cours de route, alors le produit fini ressemble à ce que j’avais en tête », confirme Hervé Holdrinet. Le propriétaire déplore néanmoins le manque d’ouverture de son arrondissement à l’égard des nouveaux bâtiments résidentiels. « Le processus d’approbation a pris presque un an et demi », souligne-t-il.
Optimiste, Guillaume Marcoux voit surtout les bons côtés de ce va-et-vient. « Nous préconisons une pratique de terrain et nous sommes impliqués auprès des différents partenaires. Je pense qu’en fin de compte, les discussions avec l’administration municipale ont joué en faveur de la qualité du résultat. Elles nous ont aussi permis de développer notre réputation. »
Avec des réalisations comme le Multilogement Berri, Microclimat souhaite montrer ce que l’on peut construire dans le Montréal d’aujourd’hui pour bâtir le patrimoine de demain.
Commentaires du jury
Dans cette catégorie, la cuvée 2019 se caractérise par une abondance de petits plex et une surprenante rareté de grands immeubles à logements. Parmi ces candidatures, le Multilogement Berri a ravi le jury par sa facture à la fois retenue et astucieuse. Imbriquant quatre logements dans un espace restreint à l’arrière d’un lotissement étroit, sans négliger l’apport en éclairage naturel, le projet répond avec ingéniosité au besoin de densification de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, un quartier quasi saturé où les contraintes de construction sont nombreuses. L’intérêt du projet tient aussi à son langage ludique et novateur, qui convoque plusieurs éléments de l’imaginaire des ruelles montréalaises, dont la clôture en mailles de chaîne et le revêtement en plaques d’acier galvanisé. S’inscrivant dans la volonté de densifier l’occupation des zones urbaines, ce projet donne l’exemple par un mode d’intervention prometteur.
LIEU
Arrondissement du Plateau-Mont-Royal, Montréal
CLIENT
Hervé Holdrinet
ARCHITECTES
Architecture Microclimat :
Guillaume Marcoux
Olivier Lajeunesse-Travers
Maggie Cabana
Ariane Côté-Bélisle
COLLABORATEURS
Marc-André Tellier
David Giraldeau
Josianne Ouellet-Daudelin
INGÉNIERIE
Géniex