Le 7 novembre dernier, à Montréal, avait lieu le colloque Architecture durable : objectif 2030 – vers des bâtiments à faibles émissions de carbone, organisé par le Conseil du bâtiment durable du Canada-Québec. L’évènement a réitéré l’urgence d’adapter le secteur du bâtiment aux défis que pose le réchauffement climatique. Voici ce que nous en avons retenu.
Efficacité énergétique — Mesurer le passif
Maxime Boisclair, ingénieur mécanique et directeur du développement durable pour la firme de génie-conseil GBi, a voulu lancer un appel aux architectes en présentant la notion d’intensité de la demande en énergie thermique (IDET), connue en anglais sous l’acronyme TEDI, pour Thermal Energy Demand Intensity. Selon la norme Bâtiment à carbone zéro (BCZ), l’IDET « fait référence à la perte de chaleur annuelle par l’enveloppe et la ventilation d’un bâtiment, après avoir tenu compte de tous les gains et pertes de chaleur passifs ». On l’exprime généralement en kWh/m2/année.
Dans une optique d’efficacité énergétique, l’IDET fait ressortir l’importance de recourir aux mesures passives que sont l’orientation, le pourcentage de fenestration, la résistance thermique et la volumétrie, des éléments qui relèvent directement de la conception architecturale. Par exemple, une volumétrie complexe peut faire augmenter l’IDET de 32 % par rapport à une volumétrie simple. « La mesure de l’IDET est effectuée par le modélisateur énergétique qui, la plupart du temps, est ingénieur. Or, c’est l’architecte qui détient la solution pour réussir à atteindre la cible », dit Maxime Boisclair.
« Un bâtiment avec une bonne IDET aura tendance à conserver une température confortable sur une plus longue période en cas de bris d’équipement électromécanique. »
– Maxime Boisclair
Fixer une cible IDET ambitieuse permet de réduire la dépendance d’un bâtiment envers les systèmes électromécaniques, poursuit-il. Il s’agit d’une mesure durable, puisque « les équipements électromé-caniques peuvent se dérégler avec le temps, en raison, par exemple, d’une intervention humaine, et cela peut entraîner un accroissement de la consommation énergétique. Toutefois, les mesures passives demeureront effectives pour toute leur durée de vie ». La résilience du bâtiment s’en trouve également bonifiée : « Un bâtiment avec une bonne IDET aura tendance à conserver une température confortable sur une plus longue période en cas de bris d’équipement électromécanique. »
Maxime Boisclair a commencé à s’intéresser à l’IDET alors qu’il travaillait sur le projet de l’école Curé-Paquin, à Saint-Eustache. « On s’est rendu compte en cours de route que le projet était très proche de la cible BCZ. » En effet, l’IDET du bâtiment atteint 33 kWh/m2/année, tandis que la norme BCZ fixe la cible IDET à un maximum de 34 kWh/m2/année pour le sud du Québec. L’école, conçue par Leclerc architectes, a d’ailleurs été certifiée BCZ en février dernier. Il s’agit du premier bâtiment québécois à obtenir le label.
« Complètement inconnue au Québec », selon ce que constate l’ingénieur, l’IDET est néanmoins prise en compte par les villes de Vancouver et de Toronto ainsi que par la Colombie-Britannique dans des plans de décarbonisation du secteur du bâtiment adoptés depuis 2016.
Alors que la lutte contre le carbone s’impose comme jamais, il serait temps que le Québec emboîte le pas.
Références : Ville de Vancouver, Zero Emissions Building Plan, juillet 2016; Ville de Toronto, Zero Emissions Buildings Framework, mars 2017; Colombie-Britannique, BC Energy Step Code, 2017; « Certification BCZ – La chasse au carbone est ouverte », Esquisses, printemps 2018; « École Curé-Paquin – Oser le carbone zéro », Esquisses, été 2018.
Living Building Challenge — Cinq projets inscrits au Québec

Photo : Lemay
Le Québec accueille maintenant cinq projets inscrits à l’exigeante certification Living Building Challenge. Plutôt que de chercher à limiter les effets négatifs du bâti sur l’environnement, cette certification vise à générer des effets positifs, allant de l’autonomie en énergie au bien-être des occupants. De plus, contrairement aux autres certifications environnementales, elle est attribuée en fonction de la performance du bâtiment après 12 mois d’exploitation, non pas d’après des modélisations.
Projets inscrits
• Maison SaSe, rénovation patrimoniale dans le quartier Sainte-Rose, à Laval, par Zaraté + Lavigne Architectes
• CEntre VIvant Asteris (CEVIA), rénovation d’un édifice commercial dans le Vieux-Longueuil, par Zaraté + Lavigne Architectes
• Le Phénix, bureaux de Lemay aménagés dans un ancien entrepôt à Montréal, par Lemay
• Écogîte Entrelacs, dans les Laurentides, par François Linteau, technologue professionnel, et FLÉcotech
• Pavillon horticole écoresponsable de l’Institut de technologie agroalimentaire, Saint-Hyacinthe, par ONICO architecture
Un évènement portant sur le Living Building Challenge est prévu les 4 et 6 juin à Montréal et à Québec.
Pour obtenir plus de renseignements, inscrivez-vous à l’infolettre : [email protected].
Ou suivez le Collaboratif Montréal du Living Building Challenge sur sa page Facebook à
www.facebook.com/CollaboratifMontreal/.
Mise en service — Se dépasser avec confiance

Photo : Hamid Vossoughi
L’architecte Marie-France Bélec, du cabinet de services professionnels WSP, a présenté son expertise en mise en service de l’enveloppe, un processus qui consiste à vérifier et à documenter l’exécution d’un projet pour s’assurer de bien répondre aux exigences du client.
Dans le contexte du développement durable, la démarche est particulièrement indiquée lorsqu’on fait appel à l’innovation en vue de dépasser les normes du Code de construction. En effet, qui dit innovation dit risque, qu’il s’agisse de performance énergétique en deçà des attentes, d’infiltration ou de condensation intramurale.
« Une innovation qui traverse ce processus avec succès a de bonnes chances de fonctionner, explique Marie-France Bélec. On vérifie une multitude de détails, on mène entre autres des tests en laboratoire et des tests sur place – la thermographie par exemple – suivant une méthodologie qui permet de déceler les problèmes le plus tôt possible. Ça ne garantit pas la réussite, mais ça réduit les risques. » La construction en bois de grande hauteur, l’isolation d’un bâtiment patrimonial ou encore l’emploi d’un nouveau matériau ou d’un nouveau système sont autant de situations où la mise en service peut se révéler avantageuse. Les programmes qui sollicitent fortement l’enveloppe, comme les piscines, sont aussi de bons candidats.
« On regarde l’enveloppe à la loupe pour offrir une perspective que les bureaux d’architectes ne peuvent pas toujours avoir étant donné qu’ils ont beaucoup d’autres contraintes à gérer. »
– Marie-France Bélec
En Colombie-Britannique, la mise en service est devenue obligatoire dans la foulée de la commission Barrett, menée à la suite de la crise des condos endommagés par l’infiltration d’eau dans plusieurs immeubles construits durant les années 1980 et 1990. Elle gagne en popularité un peu partout en Amérique du Nord grâce aux exigences en efficacité énergétique mises de l’avant dans les codes du bâtiment et les normes comme ASHRAE 90.1, NBEC et LEED V4. Elle est toutefois encore relativement peu répandue au Québec.
De façon générale, estime Marie-France Bélec, la mise en service de l’enveloppe est utile dès qu’une firme d’architecture obtient un mandat dont l’envergure dépasse ce qu’elle a l’habitude de faire. « On regarde l’enveloppe à la loupe pour offrir une perspective que les bureaux d’architectes ne peuvent pas toujours avoir étant donné qu’ils ont beaucoup d’autres contraintes à gérer. C’est un peu comme faire appel à un consultant en code. En plus d’être à jour sur le plan des normes, on voit ce qui se passe sur le terrain. Si quelque chose s’est mal déroulé dans un projet, on est en mesure d’en tirer des leçons qui vont profiter à d’autres. »
Quelques-uns des aspects pris en compte dans la mise en service de l’enveloppe du bâtiment :
• La continuité des systèmes de gestion de l’eau (pare-pluie, pare-eau), la barrière thermique, les systèmes pare-vapeur et pare-air avec analyse des transitions
• La faisabilité au chantier, la séquence des opérations
• L’acoustique, selon l’enjeu du projet
• La compatibilité des matériaux (chimique et physique)
• L’entretien, notamment l’accessibilité des composantes à entretenir
• La durabilité de façon générale
L’exemple de la Suède — Un code à l’avant-garde

Photo : MKB
Marie-Claude Dubois, architecte, professeure agrégée à l’Université de Lund et spécialiste en environnement au cabinet White, a présenté les ambitieuses normes d’efficacité énergétique intégrées au code de construction suédois depuis le 1er janvier 2019.
• Par ces normes inspirées de la certification Passivhaus, la Suède vise à se conformer aux exigences de l’Union européenne qui entreront en vigueur à la fin de 2020, selon lesquelles tous les nouveaux bâtiments devront afficher une consommation énergétique quasi nulle.
• Il s’agit de normes de performance et non de normes prescriptives : elles n’indiquent pas d’exigences quant aux matériaux d’isolation, par exemple, elles fixent plutôt des valeurs à ne pas dépasser quant à la performance énergétique, à la puissance installée pour le chauffage, au coefficient de transfert thermique moyen et au débit de fuite moyen.
• Pour obtenir un permis de construction, les promoteurs doivent présenter une simulation énergétique démontrant que leur projet respectera les normes.
• Une fois le bâtiment construit, les propriétaires doivent en mesurer la performance énergétique pendant trois ans.
• La performance énergétique doit être affichée à l’entrée du bâtiment et être communiquée lors de sa mise en vente.