Laurent McComber et son équipe en vidéoconférence. Image : L. McComber
Depuis le début de la pandémie, Laurent McComber, architecte principal et fondateur de L. McComber, se rend seul au bureau. Le reste de l’équipe est en télétravail. Photo : Laurent McComber

Quelques jours après le décret de fermeture des entreprises non essentielles, quatre architectes patrons ont témoigné de leur expérience de la crise sanitaire sur le site de l’OAQ. Un mois plus tard, alors que le Québec se prépare au « déconfinement », ils nous redonnent de leurs nouvelles. Les propos ont été recueillis du 27 au 29 avril 2020.

Jean-Yves Montminy, architecte associé principal chez STGM Architectes

(Montréal et Québec; 5 associés principaux; 130 employés)

Jean-Yves Montminy, architecte associé principal, STGM Architectes

Notre équipe s’adapte bien au confinement. Nous communiquons plus qu’avant ! Les chantiers de nos projets sont encore fermés. Heureusement, nos clients sont surtout dans le secteur public, où des appels d’offres continuent d’être publiés, alors nous travaillons à des offres de services. Cela dit, nous avons dû mettre à pied de 5 à 10 % de notre personnel environ. Nous ressentons une certaine insécurité, mais nous sommes optimistes : les chantiers vont probablement rouvrir prochainement; nous nous préparons à la reprise.

L’expérience du télétravail

Auparavant, mes associés et moi avions cette idée selon laquelle l’architecture est incompatible avec le télétravail. Mais la pandémie nous a forcés à en faire l’expérience, et c’est intéressant ! Je gagne au moins une heure par jour en n’ayant pas à me rendre au bureau. Les interruptions sont moins fréquentes. Le télétravail nous pousse à planifier finement le travail et sa distribution entre les employés. Nous avons ainsi un meilleur suivi des dossiers. Je ne passe plus mes lundis à « éteindre des feux » ! Il faudra attendre pour mesurer l’effet réel sur la qualité et l’efficience de notre travail, mais la crise a estompé mes préjugés sur le télétravail.

Occuper l’espace autrement

Vendredi dernier, lors de la réunion hebdomadaire de notre « comité COVID », mes associés et moi avons discuté des mesures à adopter en vue du retour au bureau. Outre les achats de désinfectant pour les mains et le protocole de nettoyage, faudra-t-il installer des panneaux de plexiglas entre les bureaux ? Prévoir différents quarts de travail pour limiter le nombre d’employés sur place ? Conserver une portion de télétravail ? Nous explorons différentes possibilités.

La situation actuelle est anxiogène, mais c’est aussi une belle occasion de remettre en question et d’améliorer nos pratiques, comme architectes et plus largement dans nos sociétés.

Laurent McComber, architecte principal et fondateur de L. McComber

(Montréal; 3 associés, 5 employés)  

Laurent McComber, architecte principal et fondateur de L. McComber
Photo :  Cindy Boyce

La semaine dernière [du 20 au 24 avril] a été très occupée. Nous avons signé de nouveaux contrats, dont un gros projet multilogement. C’est encourageant ! D’autres clients ont par contre mis leur projet résidentiel sur pause.

En plus de mon propre travail, je dois effectuer certaines tâches administratives dont Pascale [Barrette-Brisson], ma femme et associée, se charge habituellement, parce qu’elle s’occupe de notre famille.

Après avoir réduit les heures de travail à la fin mars et en avril, nous prévoyons revenir à 35 heures la semaine prochaine, tout en demeurant flexibles, parce que chacun réagit différemment à ce contexte étrange. L’essentiel est que chacun préserve son équilibre.

Les mesures d’aide

Nous nous prévalons de tout ce qui est offert ! Pascale reçoit la Prestation canadienne d’urgence. Nous avons demandé et reçu le prêt de 40 000 $ que les banques accordent aux PME avec le soutien du gouvernement fédéral; c’est efficace pour pallier le manque de liquidités. Nous comptons aussi profiter du soutien financier à la formation du gouvernement québécois.

Le retour sur les chantiers

Mon associé Olivier Lord et moi avons visité trois chantiers cette semaine. Nous avons rédigé notre propre politique en lien avec la pandémie, inspirée des lignes directrices de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail et de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec. Notre responsabilité est double. D’une part, informer les entrepreneurs quant à leurs responsabilités en matière d’hygiène et de distanciation. D’autre part, respecter nous-mêmes les règles d’hygiène, favoriser les communications à distance et éviter les documents papier.

Le retour au bureau

Nous nous préparons à retourner au bureau dès que ce sera autorisé. Au sein de l’équipe, c’est partagé : certains ont hâte, d’autres sont bien en télétravail. Nous avons l’intention de permettre les deux.

La situation est difficile, mais nous sommes pleins de ressources et nous nous en sortons bien ! C’est beau de voir la capacité d’adaptation de chacun : notre équipe, les clients, le gouvernement, la société en général. Je suis impressionné !

Suzanne Bergeron, associée chez Louise Amiot et Suzanne Bergeron, architectes

(Québec; 2 associées, 8 employés)

Suzanne Bergeron, associée, Louise Amiot et Suzanne Bergeron, architectes

Moi qui ne suis pas à l’aise avec les technologies de l’information, j’ai réussi avec l’aide de nos employés à les apprivoiser et je suis fière de l’autonomie que j’ai développée ! Malgré le contexte un peu décourageant, notre équipe garde le moral et fait preuve d’humour.

Des projets retardés

Certains projets sont au ralenti, voire compromis, en raison de l’impossibilité de tenir des consultations citoyennes. Par ailleurs, nous ne savons pas toujours comment concilier les décrets gouvernementaux avec nos responsabilités professionnelles. Dans un projet pour lequel la poursuite des travaux est autorisée, nous ne savons pas si la reprise inclut la surveillance de chantier par l’architecte au dossier. Logiquement oui, mais nous n’avons pas obtenu de réponse claire à cette question.

Les prochains mois

Nous ne sommes pas inquiètes pour l’entreprise. Après 40 ans de pratique, mon associée et moi avons la notoriété suffisante pour que les mandats continuent de se présenter d’eux-mêmes. Nous voulons surtout que nos employés se sentent en sécurité. Je ne vois pas l’incertitude des prochains mois comme un problème. Nous aurons à composer avec une réalité encore inconnue, tout simplement.

Bryan Fecteau-Berman et Anaïs Duval associés, AURA Architecture & Design

 (Sainte-Marie; 2 associés, 1 employée)

Bryan Fecteau-Berman, associé, AURA Architecture & Design
Anaïs Duval, associée,AURA Architecture & Design

Bryan Fecteau-Berman (BFB) : Tout est au ralenti autour de nous et nos deux plus gros projets sont sur pause. Au moins, les municipalités continuent de donner des permis et d’examiner les demandes de dérogation mineure. La principale bonne nouvelle, c’est que nous avons de nouveaux projets : multilogement, résidences, bâtiments agricoles.

La motivation en priorité

Anaïs Duval (AD) : Nous nous préoccupons beaucoup de la motivation de notre employée. Nous tenons à elle ! Nous veillons à diversifier ses tâches et à la tenir au courant de l’avancement des projets. Si jamais il y a un ralentissement, nous allons en profiter pour qu’elle suive des formations – nous en suivrons aussi, d’ailleurs – grâce au programme de subvention du gouvernement québécois [le Programme actions concertées pour le maintien en emploi].

Des projets se transforment

BFB : Fait intéressant, certains de nos projets se transforment pour tenir compte des consignes de distanciation. Par exemple, un client industriel nous demande maintenant de prévoir deux mètres de distance entre les travailleurs dans la configuration des espaces de travail.

La reprise des activités

AD : Tous les projets risquent de redémarrer en même temps, ce qui va être difficile pour notre petite équipe. Déjà, cet hiver, nous voulions embaucher un employé supplémentaire, mais c’est difficile en région… Au moins, jusqu’à maintenant, la survie de notre jeune entreprise n’est pas menacée. On touche du bois !