Le confinement commence à nous peser, même si on en voit poindre la fin.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le confinement commence à nous peser, même si on en voit poindre la fin. Le contact avec mes collègues de travail me manque, et je ne suis pas le seul à trépigner. Certes, il est de notre devoir de suivre les prescriptions de santé publique – la santé collective est en jeu. Mais il me semble que les êtres de communication que nous sommes ne pourront pas demeurer ainsi encore très longtemps sans virer un peu fous.
Comme architectes, nous sommes capables de répondre à la plupart de nos obligations en télétravail. Il reste que nous avons un viscéral besoin d’échanges impromptus, de spontanéité, de discussions de machine à café qui nous détendent, nous inspirent et nous instruisent parfois à notre insu. Alors qu’il y a quelques semaines, un simple déplacement au sein d’un espace de travail pouvait amener à maints échanges productifs, il faut maintenant un prétexte pour entrer en « contact ».
Cette crise nous aura fait prendre conscience de l’importance de la qualité de nos espaces de vie et de travail.
Nous sommes certainement plus agiles dans l’utilisation des différentes plateformes qui nous permettent de collaborer à distance. Mais on aurait tort de les considérer comme des infrastructures publiques, même si elles sont souvent gratuites. Rappelons-nous qu’elles appartiennent à des sociétés privées qui prospèrent grâce à nos données personnelles… Une réflexion s’impose sur la manière dont on les utilise, en attendant qu’elles soient mieux réglementées.
Quoi qu’il en soit, à long terme, j’espère que ces outils n’en viendront pas à nous détourner du bonheur de travailler ensemble.
Et les espaces dans tout cela ?
Cette crise nous aura d’ailleurs fait prendre conscience de l’importance de la qualité de nos espaces de vie et de travail. Dans la mesure où ils ont été bien conçus, les quatre murs qui nous entourent auront atténué l’impression de contrainte. Mais tous, soit par manque de ressources ou par manque d’intérêt, n’ont pas cette chance.
La promiscuité peut avoir des effets désastreux, et malheureusement, les clivages sociaux font que certains en pâtissent plus que d’autres. Au retour à la normale, j’espère sincèrement que notre société aura compris sa responsabilité d’offrir des logements décents à chacun.
La planète doit respirer
Le Grand Confinement aura eu un aspect positif : la diminution radicale des émissions de CO2. Avant la crise, nous nous demandions comment modifier nos modes de vie pour limiter les changements climatiques. Nous l’aurons fait bien malgré nous.
Quand la pandémie sera terminée, comment ferons-nous pour ne pas retomber dans les mêmes habitudes qui nous mènent droit vers une crise encore bien pire ? Peut-être y réfléchirons-nous à deux fois avant de prendre la voiture ou l’avion pour assister à une réunion dans une ville éloignée ? La vidéoconférence dont nous avons maintenant le réflexe sera-t-elle alors moralement préférable ?
Pour les déplacements quotidiens, nous devrons continuer de chercher ensemble des solutions durables pour remplacer la voiture individuelle. Il faudra tout faire pour faciliter et encourager le transport actif en toutes saisons. On doit aussi améliorer sans tarder l’offre de transports collectifs, quitte à imputer les dépenses à la COVID-19, qui aura coûté bien plus de milliards que les rêves les plus fous de métros, de tramways ou de services rapides par bus.
Pour y arriver, nous devrons persister dans la densification urbaine, même si cela peut sembler contre-intuitif à l’heure actuelle. En effet, le succès de la lutte au virus ne dépend pas tant de la densité d’un territoire que du respect des règles d’hygiène et de distanciation physique. À ce chapitre, de meilleurs aménagements urbains peuvent nous aider, soit dit en passant. Par ailleurs, du moment où la densité permet de se ravitailler sans avoir à changer de quartier, elle contribue d’une certaine manière à ralentir la contagion.
On nous dit que rien ne sera plus comme avant après cette crise. Mais au regard de ce qui nous sera proposé, gardons notre esprit critique : adoptons ce qui constitue un réel progrès et refusons tout ce qui pourrait faire de nous des humains sans humanité.