Denis Lemieux a consacré toute sa carrière à l’amélioration de la qualité de l’architecture québécoise et à l’intégration de la culture dans les approches de développement durable au Québec. Une œuvre qui lui vaut en 2021 la médaille du Mérite de l’OAQ.
En 1988, un simple mandat change le cours de la vie de Denis Lemieux. Il enseigne alors l’aménagement du territoire au Collège de Matane depuis 12 ans en plus de travailler en pratique privée. Le ministère des Affaires culturelles du Québec (l’an-cêtre du ministère de la Culture et des Communications) lui propose un contrat de trois mois… qui se transformera en une aventure de 25 ans.
« C’était une époque très dynamique au ministère, car le programme de subvention des équipements culturels avait pris de l’ampleur depuis son instauration en 1984 », souligne-t-il. Des municipalités souhaitaient construire des bibliothèques et des salles de spectacle, et des organismes sans but lucratif voulaient bâtir des musées ou des centres d’exposition, mais toutesces organisations ne possédaient pas l’expertise nécessaire. Les projets n’étaient pas bien planifiés, les budgets étaient souvent mal ficelés, et les firmes d’architectes étaient choisies pour des raisons politiques ou simplement sur la base de l’expérience.
L’implantation des concours
Le ministère des Affaires culturelles devait accompagner les municipalités et les organismes culturels, mais ne possédait lui-même que peu d’outils pour y arriver.
Convaincu qu’une meilleure façon de travailler est possible, Denis Lemieux pense qu’il faut s’inspirer de la France, où la tenue de concours d’architecture donne de bons résultats. Il décide d’adapter l’approche au contexte québécois. « Les concours permettent de choisir un concept plutôt qu’une firme », rappelle-t-il.
L’architecte lance donc une dizaine de projets pilotes afin d’expérimenter la démarche dans la conception d’équipements culturels. En 1991, le premier projet à en bénéficier est le Centre d’interprétation du Parc du Bourg de Pabos, en Gaspésie. Le jeune cabinet Cormier, Cohen, Davies, architectes sort vainqueur. « Les concours organisés par Denis Lemieux ont offert la chance à de jeunes architectes de se faire valoir », se rappelle l’architecte Anne Cormier, qui a signé une lettre en appui à sa candidature à la médaille du Mérite.
En 2000, l’aménagement du Centre d’interprétation du Parc du Bourg de Pabos figurait dans la liste des 20 plus importants projets nationaux du 20e siècle, dressée par le magazine Canadian Architect. « Le succès de ces projets pilotes a contribué à établir l’obligation de tenir un concours dans la réalisation d’équipements culturels au Québec », estime Anne Cormier.
Architecture verte
Très engagé dans sa région d’origine, le Bas-Saint-Laurent, Denis Lemieux prend un congé sans solde du ministère de la Culture et des Communications (MCC) entre 1999 et 2003 pour cofonder et diriger le Festival international de jardins à Grand-Métis. Il s’inspire de nouveau de ce qui se fait en France, au Festival international des jardins du domaine de Chaumont-sur-Loire.
Deux ans plus tard, il contribue au démarrage de la plateforme d’innovation Design Montréal à la Ville de Montréal et agit comme auteur principal des Cahiers des bonnes pratiques en design de la Ville. Puis, en tant que conseiller en développement durable au MCC, il prépare et met en œuvre le plan d’action du ministère dans ce domaine et collabore à l’élaboration de la Stratégie gouvernementale de développement durable. Il coordonne aussi l’Agenda 21 de la culture au Québec.
« Au Québec, la définition du développement durable reposait alors sur trois piliers : social, économique et environnemental, mais pas sur la culture, raconte-t-il. Je souhaitais voir la culture reconnue en tant qu’axe de développement durable. » Il s’appuie alors sur l’Agenda 21 pour la culture, plan d’action adopté en 2004 par l’organisation internationale Cités et gouvernements locaux unis. Il contribue ainsi à faire accepter l’architecture, le design et les paysages comme instruments de déploiement du développement durable.
« L’héritage de Denis Lemieux perdure au MCC, mais également à la Ville de Montréal, qui est devenue un grand donneur d’ouvrage en concours, et même au ministère des Affaires municipales, qui les favorise aussi », souligne Jacques White, architecte et directeur de l’École d’architecture de l’Université Laval.
Selon lui, la personnalité de Denis Lemieux a joué un grand rôle dans sa réussite. « C’est un homme d’influence, mais qui reste très humble, poursuit-il. Il est généreux et possède une belle capacité d’écoute, ce qui lui permet d’aider les gens à se dépasser. »
