Dans un projet de construction, il ne suffit pas de former une équipe « multidisciplinaire » pour que celle-ci travaille en multidisciplinarité. Le soin accordé à sa composition et à la communication entre les membres du groupe joue pour beaucoup dans l’efficacité de la collaboration.
L’équipe gagnante
Pour travailler en équipe, il faut commencer par bien s’entendre. C’est particulièrement crucial pour l’architecte qui coordonne le développement d’un projet. « L’architecte a un rôle de leader. Dans un monde parfait, on devrait pouvoir monter une équipe avec laquelle on a de l’affinité et de la complémentarité », dit Jonathan Bisson, architecte, associé principal chez CIRCUM architecture.
« Dans la réalité, ajoute-t-il, si on fait une proposition pour un musée, on va choisir un ingénieur qui a fait beaucoup de musées afin de bâtir l’équipe qui a le plus de chances de gagner. On est davantage dans la stratégie et non dans l’idée d’assembler l’équipe qui a le plus d’affinité et d’expérience de collaboration. »
Dans les projets réalisés en mode clés en main (ou conception-construction), c’est l’entrepreneur qui engage les professionnels et professionnelles, mais l’architecte peut parfois avoir son mot à dire. Michel Broz, architecte, associé principal chez Jodoin Lamarre Pratte architectes, donne l’exemple de la phase 3 du CHUM pour lequel il était cochargé de projet. Le constructeur Pomerleau a fait appel à des firmes d’ingénieurs et d’architectes qui avaient déjà travaillé ensemble. « Si on n’avait pas été certains du choix des ingénieurs, on en aurait discuté avec le constructeur parce que la multidisciplinarité et la coordination auraient été plus difficiles avec des gens qu’on ne connaît pas. »
Se rencontrer
Les membres de l’équipe ont beau se connaître, la collaboration restera partielle si l’ensemble des personnes ne se rencontrent pas aux moments décisifs de la conception d’un projet. C’est le risque dans les projets où l’entrepreneur est intégré après la phase de conception – la situation la plus courante dans les projets publics. « L’entrepreneur va faire des propositions pour modifier la conception, décrit Jonathan Bisson. Le chantier ressemble un peu à une confrontation avec chacun dans son camp et le client au milieu. » En revanche, « le mode collaboratif où tout le monde est sur le même pied d’égalité pour prendre les décisions au fur et à mesure du développement du projet est moins conflictuel », estime Michel Broz.
Il faut encore que les rencontres soient productives, ce qui demande de les planifier avec un échéancier raisonnable. « Si les rencontres sont trop rapprochées, les gens n’ont pas le temps de se préparer. Si elles sont demandées à trop brève échéance, les gens peuvent ne pas être disponibles. Si les réunions sont bien planifiées, il n’y a pas de frein à la multidisciplinarité », selon Jacques Morency, expert technique au CHUM et directeur associé au projet du CHUM. Les échéanciers trop serrés nuisent aussi à la multidisciplinarité. « Plus les projets sont rapides, plus on court pour produire les documents et moins on a le temps de communiquer. La rapidité des projets a un impact négatif sur la qualité des relations entre les architectes, les ingénieurs et les entrepreneurs », relève Michel Broz.
Adopter le bon système
La manière dont on communique a aussi une incidence sur le travail en équipe. « Il faut un système de gestion des communications qui enregistre tout et dans lequel on peut retracer n’importe quel document. C’est par ce processus qu’on coordonne les besoins du client et la proposition du constructeur », soutient Jacques Morency, en parlant d’un projet réalisé en mode clés en main. De même, les outils de conception permettent de partager les maquettes 3D, mais Jonathan Bisson observe que l’ensemble des intervenants et intervenantes n’ont pas la même maturité technologique, ce qui entrave la collaboration multidisciplinaire.
Michel Broz reconnaît l’utilité des outils technologiques, autant pour la conception que pour la communication. Il observe cependant que les plateformes d’échange entraînent une surdose d’information parfois difficile à gérer. Il craint aussi un risque de décrochage, voire de détachement, lors des réunions virtuelles par rapport aux rencontres en personne. Selon lui, « il n’y a rien de mieux que d’être présents face à face pour créer une synergie. On se connaît mieux et on communique mieux ainsi ».
Comme quoi, pour maximiser la collaboration, il faut cultiver les liens humains…