Prix d’excellence en architecture 2022, catégorie Aménagement intérieur - ex æquo
Pour le nouveau siège social d’Électricité EG, l’architecte Jean Verville a modifié son approche plusieurs fois – et dans l’urgence – pour répondre aux impératifs d’un chantier bouclé en quatrième vitesse.
Au printemps 2021, avant qu’elle ne déménage ses bureaux et son entrepôt dans un bâtiment industriel désaffecté de Saint-Jérôme, l’entreprise en travaux électriques devait composer avec une échéance quasi insurmontable : le bail de ses installations de Saint-Laurent prenait fin dans quelques mois. « Il fallait faire vite, et nous étions en pleine pandémie de COVID-19, ce qui compliquait singulièrement l’approvisionnement en matériaux », explique Samuel G. Labelle, vice-président d’EG.
Vincent R. Drapeau, le président de l’entreprise, contacte alors Jean Verville, qui avait réalisé sa résidence, ainsi que d’autres espaces commerciaux comme la clinique dentaire St-Charles et le siège social d’Armoires Cuisines Action, tous deux à Longueuil.
Après les échanges d’esquisses habituels, l’architecte, l’entrepreneur et le client se sont lancés dans une véritable course contre la montre : il fallait clore le chantier en trois mois et demi (les travaux s’étireront en fin de compte quelques semaines de plus). « Je les ai pris au pied de la lettre, et ils m’ont avoué, après coup, qu’ils n’y croyaient pas, confie Jean Verville. Personne ne s’habitue à cette cadence en temps normal. »
Amplifier la verticalité
Pandémie oblige, Jean Verville a aussi dû se contenter de visiter les anciennes installations à distance, avec une caméra 3D, pour comprendre le fonctionnement de l’entreprise et conceptualiser les volumes nécessaires du futur espace.
Fasciné par l’aspect industriel de l’immeuble, il propose un aménagement simple, avec des bureaux offrant une vue en plongée sur l’entrepôt et les espaces d’accueil, comme s’il s’agissait d’un immense loft. Il décide également d’amplifier la verticalité des lieux en exploitant les plafonds de 5 m et en perçant des puits de lumière pour éclairer les bureaux des 40 membres du personnel.
« J’ai rapidement misé sur les matériaux disponibles localement pour éviter les délais de livraison, aggravés par la pandémie et les problèmes de chaîne d’approvisionnement que l’on connaît, dit-il. Beaucoup de ces matériaux étaient utilisés par le client dans ses propres projets. Je voulais les magnifier pour créer des espaces déambulatoires répondant à une esthétique minimaliste et ludique. »
L’architecte multiplie les cloisons translucides, expose les surfaces brutes et les blocs de béton, et récupère des éléments métalliques comme des systèmes modulaires pour le passage de fils électriques.
« J’ai notamment choisi des matériaux accessibles immédiatement, comme de l’acier inoxydable, dit-il. L’acier ordinaire aurait coûté moins cher, mais il aurait fallu le repeindre. Et ça a donné un matériau qui avait une signature, une brillance dans l’espace, qui offrait aussi un sympathique jeu de lumière. »
Client devenu fournisseur

Photo : Félix Michaud
Plusieurs matériaux sont commandés directement par le client… qui devient fournisseur du chantier ! Une complicité entre l’architecte, le client et l’entrepreneur s’installe rapidement. L’entrepreneur, d’abord sceptique, prend vite part aux discussions sur le choix des finis, qui se modifie à mesure que le chantier avance.
« Je les sollicitais continuellement, reprend Jean Verville. C’est devenu un terrain de jeu collectif. J’avais une sorte de mandat de maître du jeu. On partait sur des délires sur Zoom. Puis, on s’arrêtait sur un matériau qui respectait les délais, l’exécution et, surtout, le budget. »
L’architecte loue la grande générosité de l’entrepreneur, C.A.L. Construction, et celle de ses clients : « Ces gens incarnent le client parfait : ils forment une équipe soudée qui accueille les idées surprenantes de son architecte », souligne-t-il.
« Jean Verville et son équipe nous mettaient en confiance, commente Samuel G. Labelle. La communication, dans ce genre de projet, c’est capital. Ils ont traduit plus qu’adéquatement nos demandes. Ils s’adaptaient instantanément pour faire avancer les choses. Aujourd’hui, nous évoluons dans un immeuble que nous adorons, qui se démarque, qui répond parfaitement à nos besoins et à notre image, où notre personnel se sent bien. Nous sommes très heureux qu’il ait gagné un prix d’architecture. »
Commentaires du jury
Cette inventive réhabilitation d’un bâtiment industriel de Saint-Jérôme, occupé par une entreprise de services électriques, propose une scénographie qui déjoue les perceptions. L’intervention a été menée sous la double contrainte d’un échéancier serré et d’une pénurie de matériaux. Elle a bénéficié de l’engagement considérable du client pour arriver à réinventer l’arrimage entre les espaces de travail et d’entreposage, dans une atmosphère mystérieuse au riche potentiel évolutif.

Illustration : Studio Jean Verville architectes
▶ EMPLACEMENT
Saint-Jérôme
▶ MAÎTRISE D’OUVRAGE
Vincent R. Drapeau, Samuel G. Labelle
▶ ARCHITECTE
Studio Jean Verville architectes : Jean Verville
▶ COLLABORATIONS
Tania Paula Garza Rico, France Goneau, Rémi St-Pierre, Samuel Landry, Camille Asselin, Jacob Éthier
▶ INGÉNIERIE
Ross Commodari