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La conception collaborative est courante lorsqu’il est question de grands projets d’infrastructure, souvent réalisés en mode partenariat public-privé ou clés en main. Pour éviter les conflits, le rôle de chaque membre de l’équipe doit être soigneusement balisé sur le plan contractuel.

Dans le contexte d’un processus de conception intégré (PCI), qui met en commun l’apport de toutes les parties prenantes lors de la phase de conception d’un projet de construction, la rédaction du contrat doit faire l’objet d’une attention particulière, d’autant qu’il n’y a pas encore de norme établie pour définir les responsabilités et les limites de chaque équipe professionnelle. 

« Chaque contrat est un cas d’espèce », explique Me Marie-Pierre Bédard, directrice du service des sinistres à la direction du fonds d’assurance de l’OAQ. Certaines questions doivent cependant être traitées avec soin. « Il faut que les rôles et les responsabilités de chacune des parties soient clairement définis. Par exemple, on doit prévoir une structure décisionnelle claire, spécifier l’imputa­bilité de chaque partie pour les livrables et inclure des clauses de responsabilité, de prise en charge de la défense en cas de poursuite. » 

Stéphanie Caron, syndique à l’OAQ, souligne aussi que la vigilance est de mise lors de la rédaction des contrats qui lient les membres de l’équipe. « Il faut s’assurer que la façon dont on décrit le travail de chaque professionnel ne limite pas les obligations et les devoirs déontologiques liés à l’exercice de la profession de l’architecte », recommande-t-elle (voir le texte « Qu’en est-il de la déontologie ? », ci-dessous). Elle encourage même les architectes à recourir à un avocat ou une avocate pour examiner le contrat. 

Michel Broz, l’architecte associé principal du consortium qui a réalisé la phase finale du CHUM, relate qu’il devait justement travailler dans le contexte serré d’un volumineux contrat en partenariat public-privé, qui détaillait avec minutie les exigences techniques et opérationnelles de chaque aspect du bâtiment. « C’était un contrat extrêmement rigide, explique-t-il. Nous devions travailler avec des données précises, et il était hors de question de faire des compromis, d’autant plus que nous étions surveillés par un avocat. Ce cadre légaliste n’était pas toujours plaisant, mais il fallait collaborer étroitement avec les autres professionnels, car ils partageaient avec nous certains risques financiers et professionnels. » 

Jusqu’ici tout va bien 

Me Marie-Pierre Bédard, indique que la direction du fonds d’assurance de l’OAQ, qui reçoit près de 300 réclamations par année, n’a jamais eu à gérer une récla­mation causée par un conflit dans un projet mené en mode multidisciplinaire. « Les causes des réclamations sont beaucoup plus souvent liées à des problèmes de conception, de surveillance de chantier, de coordination, d’insatis­faction du client ou de blessures, précise-t-elle. Peut-être que ce mode de fonction­nement est encore trop récent pour tirer des conclusions du point de vue de la responsabilité professionnelle. »

Qu’en est-il de la déontologie ? 

L’architecte doit toujours s’assurer d’appliquer toute la réglementation qui encadre l’exercice de sa profession, de même que les devoirs et obligations qui en découlent. Voici quelques aspects déontologiques à surveiller en contexte multidisciplinaire. 

AVEC LA COLLABORATION DE VALÉRIE LEVÉE 

1.  Faire respecter son champ de pratique 

L’architecte doit s’assurer que les non-architectes n’empiètent pas sur son champ de pratique en cours de projet. « Chaque intervenant a sa compétence. L’architecte ne se mettra pas à faire de l’ingénierie. Il ne doit pas non plus permettre que des designers d’intérieur agissent dans son champ d’exercice exclusif », illustre Stéphanie Caron, syndique à l’OAQ, se reportant à l’article 4 du Code de déontologie. 

2.  Assumer son rôle de coordination 

L’architecte doit coordonner les autres parties prenantes du projet, quel que soit le mode de réalisation, à moins bien sûr qu’il ou elle ait reçu un mandat restreint à un aspect précis du projet, comme la signalétique. En règle générale, il revient donc à l’architecte d’assurer la bonne communication entre les membres de l’équipe, de centraliser l’information et de la présenter au maître de l’ouvrage ou à son représentant ou sa représentante.  

3.  Communiquer avec le maître de l’ouvrage 

L’architecte a le devoir de rendre des comptes au maître de l’ouvrage et de l’accompagner du début à la fin du projet. Cela dit, dans le contexte d’un projet clés en main, il est normal que l’architecte traite avec l’entrepreneur en ce qui a trait au suivi du projet. En vertu de l’article 23 du Code de déontologie, l’architecte doit pouvoir communiquer avec le maître de l’ouvrage quand survient une problématique particulière, pour s’assurer de bien lui communiquer les enjeux. 

4. Être disponible 

Selon l’article 22 du Code de déontologie, l’architecte doit faire preuve de disponibilité et d’une diligence raisonnable. « Les problématiques arrivent souvent à la suite d’un bris de communication. Il est essentiel de bien communiquer et de clarifier les choses par écrit. Établir un plan de communication avec le client et les parties prenantes est une bonne pratique », conseille Stéphanie Caron. 

5.  Faire preuve d’indépendance 

L’article 37 du Code de déontologie énonce explicitement que l’architecte ne doit pas se laisser influencer au préjudice du maître de l’ouvrage. « Par exemple, il ne peut pas favoriser un élément d’ingénierie qui l’avantagerait en vue d’une collaboration ultérieure avec un ingénieur, en particulier si cet élément ne correspond pas au souhait du client », commente Stéphanie Caron.

À lire également 

Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver sur le plan déontologique quand des personnes ou des organisations agissent comme intermédiaires entre l’architecte et le maître de l’ouvrage, comme c’est souvent le cas dans les projets multidisciplinaires. Voici deux lectures pour y voir plus clair :  

•  L’article du bureau de la syndique « Contrats : Qu’est-ce qu’un projet clés en main ? ».