En plus de concevoir des bâtiments, quelques architectes conçoivent des plans… de cours. Enseignant en technologie de l’architecture, Jean-Nicolas Pitre fait partie de ceux et celles qui se consacrent à la formation de la relève.
Une fois sa maîtrise en poche, en 2005, Jean-Nicolas Pitre est demeuré proche de son alma mater, l’École d’architecture de l’Université Laval, où il a agi entre autres comme critique invité. Huit ans plus tard, son intérêt pour la transmission des savoirs l’a incité à répondre à une offre d’emploi du Département de technologie de l’architecture du cégep du Vieux Montréal. « J’avais déjà travaillé avec des technologues, et le côté pratico-pratique de cette formation me plaisait, raconte-t-il. À ma première session comme enseignant, à l’hiver 2013, j’ai eu un coup de cœur ! »
Depuis, il a donné plusieurs cours portant sur la construction, le dessin, l’administration et l’histoire de l’architecture. Sa préférence va aux cours de conception, « parce qu’ils se rapprochent du travail de l’architecte », explique-t-il, travail qu’il continue par ailleurs à exercer au sein de la coopérative Hauteur 233 (voir « Le modèle coopératif inspire la relève », ci-dessous).
« Même si ma carrière me demande toute une gestion du temps, l’enseignement nourrit la pratique et la pratique nourrit l’enseignement, constate-t-il. Enseigner nous oblige à mettre constamment nos savoirs à jour, alors que travailler assure que nos anecdotes sont toujours d’actualité », dit-il en riant.
À une époque où les sources de divertissement et de distraction se multiplient, l’enseignement doit en effet faire face à une rude concurrence pour retenir l’attention des jeunes. « Mon défi est de cultiver la curiosité des étudiants et d’avoir des approches dynamiques, précise l’architecte. Je dois les faire vibrer. »
« Ses cours sont une bouffée d’air frais », confirme son collègue du cégep, l’enseignant et technologue Luc Arsenault. « Jean-Nicolas est créatif dans ses modes de communication, tout en étant organisé et rigoureux. » Ainsi, la musique occupe une place de choix dans la salle de classe de Jean-Nicolas Pitre, tout comme les images de projets à faire rêver.
Il contribue également à ce que les étudiantes et étudiants contemplent de près les merveilles architecturales des grandes villes du monde, de Chicago à Berlin, en passant par Barcelone. « Le voyage parascolaire que nous organisons chaque année est en plein le genre de projets qui les motivent et qui contribuent à développer leur culture de l’architecture », fait valoir celui qui a coorganisé cette escapade de 2015 à 2019, avant que la pandémie mette cette tradition sur pause.
En constante évolution
« Depuis une dizaine d’années, les sources d’information et les méthodes de construction se sont multipliées, observe Jean-Nicolas Pitre. On ne peut pas tout transmettre dans les trois ans du programme. Nous cherchons donc à donner une base solide sur laquelle nos étudiants pourront construire plus tard. »
Ainsi, l’ensemble des cours comportent des notions de développement durable, que l’architecte estime incontournables à notre époque. C’est d’ailleurs « l’élément qui allume le plus les étudiants », selon lui.
Les outils informatiques constituent un autre domaine qui a fortement évolué. « Le logiciel 3D Revit devient la norme dans les bureaux, donc, dans un avenir proche, on veut commencer à l’enseigner dès la première session », dit-il.
Ce changement s’inscrit dans l’attention particulière qu’on porte de plus en plus à la préparation au marché du travail, car si environ la moitié des finissants et finissantes s’inscrivent à l’université, les autres se trouvent plutôt des emplois. « Leur taux de placement est très bon, assure l’enseignant. Contrairement à nous au tournant des années 2000, ils savent que du travail les attend à la fin de leurs études. » Selon les plus récentes données du ministère de l’Enseignement supérieur, 87,8 % des personnes ayant obtenu leur diplôme en technologie de l’architecture en 2016-2017 occupaient un emploi dans leur domaine de formation au 31 mars 2018.
« Jean-Nicolas et moi avons eu plusieurs discussions sur la pratique versus l’enseignement, conclut Luc Arsenault. On a constaté que, quand on fait de l’architecture, on lègue des bâtiments, alors que quand on l’enseigne, on lègue notre passion aux gens qui vont en concevoir plus tard. L’impact est exponentiel. » ●
Le modèle coopératif inspire la relève
Jean-Nicolas Pitre est l’un des cinq membres qui ont fondé la coopérative d’architecture montréalaise Hauteur 233 (un clin d’œil à l’élévation du mont Royal). À ses côtés dans cette entreprise lancée en 2019 – la deuxième du genre au Québec – figurent sa conjointe Sophie Boulianne, technicienne en architecture, et trois collègues du cégep, Luc Arsenault, Omar Nevarez Morlet et Pierre-Alexandre Rhéaume, lui aussi architecte.
« Dans un bureau traditionnel, il aurait fallu que les deux architectes membres de l’Ordre aient des parts majoritaires, alors qu’on voulait que ce soit le moins hiérarchique possible, souligne Jean-Nicolas Pitre. Et le fait qu’on soit une coop envoie un message sur nos valeurs et le genre de projets que l’on souhaite réaliser. » Comprendre : des résidences unifamiliales urbaines, des maisons multigénérationnelles et des projets communautaires, notamment.
Le modèle coopératif intéresse d’ailleurs les technologues en herbe, remarque Luc Arsenault. « Dans mon cours de gestion de projet, les étudiants doivent former une entreprise fictive, explique-t-il. Cette année, à peu près le tiers des équipes ont choisi la forme coopérative, qui colle à leurs valeurs d’équité, de collaboration et d’impact social. »