Le Centre de transport Bellechasse représente un bel exemple de synergies créées par la
multidisciplinarité du cabinet Lemay, selon Eric Pelletier. « On a travaillé cette élévation – le toit –,
mais en réfléchissant aux impacts urbains, environnementaux, paysagers et architecturaux. »
Illustration : Lemay

La décision de former une équipe multidisciplinaire pour un projet d’architecture peut relever de la culture de la firme, des exigences particulières du projet ou encore du maître de l’ouvrage. Regard sur trois approches.

L’approche maison 

Chez Lemay, la multidisciplinarité a toujours été présente, mais elle s’est concrétisée plus fortement après 2014, avec l’acquisition de trois filiales du Groupe IBI. « Il a fallu rebrasser les cartes, réorganiser nos façons de faire, mais c’est toute une valeur ajoutée que d’avoir un accès facile, en interne, à des professionnels de l’urbanisme, du design urbain ou du développement durable, entre autres, pour enrichir notre pratique et développer une approche commune des projets », explique Eric Pelletier, associé principal Conception chez Lemay. 

L’avantage d’avoir ces « porteurs disciplinaires » comme collègues, comme les appelle Eric Pelletier, est de pouvoir couvrir tout le spectre d’un projet en puisant à même les ressources de la firme. « On gagne aussi en efficacité, ajoute-t-il, car on n’a pas besoin de temps pour s’apprivoiser. On connaît nos gens, leurs complémentarités, et on sait comment ils peuvent enrichir et nourrir le projet à partir de la ligne directrice pour le rendre plus cohérent. » 

Côtoyer continuellement des personnes aux compétences variées permet en outre d’élargir le champ des connaissances de la firme. « Parfois, on s’appelle pour un problème et on va le résoudre au café ! Et de là, on discute de tous les possibles », souligne Eric Pelletier. 

Selon lui, le rôle de l’architecte au sein d’une équipe multidisciplinaire ressemble à celui du réalisateur ou de la réalisatrice de cinéma. « Il doit s’assurer que la vision du projet et sa direction sont partagées par toute l’équipe et coordonner les efforts de tous afin de réaliser un projet cohérent », ajoute l’associé. 

L’approche à la carte 

Le recours à des personnes issues de disciplines complémentaires peut aussi se révéler nécessaire pour un projet précis, pour répondre à la demande d’un client ou une cliente ou être exigé par un concours. Stephan Chevalier et Sergio Morales, les deux principaux associés de la firme Chevalier Morales, connaissent bien cette approche. « Nous avons notre réseau de professionnels que l’on peut convoquer pour former une équipe multidisciplinaire qui rassemble ingénieurs, architectes, acousticiens, etc., selon les besoins, avance Stephan Chevalier. Dans le cadre d’un concours, on doit présenter cette équipe avec notre candidature. » 

Comment s’assurer du succès de cette équipe ad hoc ? Comme les autres approches, celle-ci exige que l’architecte fasse preuve de leadership en vue de concrétiser les objectifs du projet. « Sinon, chacun travaillera à l’intérieur de son petit jardin », dit Stephan Chevalier. Par contre, la cohésion de l’équipe est à bâtir chaque fois : « Il faut expliquer à toutes les personnes autour de la table pourquoi l’interdisciplinarité est la bonne voie et faire valoir qu’elles vont même s’y nourrir professionnellement. » 

Le succès de tels projets repose sur des aptitudes particulières. « Chacun doit enrichir le projet de sa posture professionnelle pour que s’ouvre un nouvel horizon, croit Sergio Morales. On doit faire preuve chaque fois d’ouverture et de neutralité, et surtout de beaucoup de respect et d’écoute. L’architecte de l’avenir est celui qui sait écouter ! » 

Bibliothèque de Pierrefonds, Montréal, Chevalier Morales et DMA Architectes en consortium
Photo : Chevalier Morales

L’approche imposée 

Dans certains projets, c’est le donneur d’ouvrage (ou la personne qui le représente) qui choisit les ressources professionnelles, parfois en raison d’une réglementation ou de certaines exigences techniques. C’est le cas notamment du gouvernement du Québec lors de la conception d’établissements de santé ou de la rénovation d’édifices patrimoniaux. 

Benoit Laforest, architecte et associé principal chez Provencher_Roy, pilote depuis de nombreuses années de vastes projets d’hôpitaux et a travaillé récemment à celui des Maisons des aînés. « C’est l’État qui rassemble les dizaines de personnes autour de la table, du futur usager au gériatre, en passant par l’expert en climatisation, les préposés sur le plancher et le designer d’intérieur », explique-t-il. 

Quand les parties prenantes sont aussi diversifiées, débordant même du domaine de la construction et de l’aménagement, le rôle pivot de l’architecte est encore plus élargi. « Avec ces vecteurs d’idéal de toutes origines, on nous invite à nous nourrir des inputs de chaque personne pour conceptualiser et dessiner les réflexions du groupe en projet concret, précise Benoit Laforest. Il peut être difficile d’établir une vision commune avec une telle équipe, c’est donc à l’architecte de s’assurer que toutes les parties sont conciliantes et se dirigent vers la réalisation du projet. » 

Benoit Laforest estime qu’une telle façon de faire augmente inévitablement la durée du projet en amont. « Cependant, les retombées s’arriment mieux aux besoins réels, et il y a moins de déceptions une fois le projet terminé, car les gens y ont participé et comprennent donc le processus de consultation qui a été privilégié. La réussite de cette grande multidisciplinarité, pour l’architecte, passe par l’écoute et l’ouverture. » Des capacités d’ailleurs essentielles, quelle que soit la manière dont les équipes sont constituées.