Prix d’excellence en architecture 2022, catégorie Mise en valeur du patrimoine
La gare Windsor, située dans le centre-ville de Montréal, était en piètre état et défigurée. Le travail de DMA architectes lui a rendu ses éléments décoratifs et tout son lustre.
Quand le promoteur immobilier Cadillac Fairview a acquis la gare Windsor en 2009, il ne savait pas l’ampleur des travaux de réhabilitation
qui l’attendait. « L’achat devait être conclu rapidement, et la vérification diligente avait été sommaire », relate Jocelyn Bélanger, directeur de projet chez Cadillac Fairview. Mais lorsque, en 2013, la Régie du bâtiment du Québec a adopté le nouveau Code de sécurité, qui exige l’inspection des façades, l’état de dégradation de l’édifice est apparu au grand jour.
Sur la toiture, des ardoises étaient fêlées, de l’eau s’était infiltrée dans les murs, et le gel avait fait éclater des pierres et des joints. « Il y avait des pierres désolidarisées qu’on pouvait sortir, illustre Jozef Zorko, architecte principal et associé de DMA architectes. Les cadres de fenêtres étaient dans un état de putréfaction avancé et les revêtements de cuivre étaient endommagés, laissant l’eau s’infiltrer en dessous. L’armature en fonte de la porte principale tombait en morceaux. »
Ces dégradations ne découlaient pas seulement de l’usure du temps, mais aussi de défauts dans la conception initiale et de restaurations inadaptées. Ainsi, les déversoirs de la tour nord évacuaient l’eau en la laissant ruisseler le long du mur, au détriment des sculptures. Autre exemple : on avait réparé des joints à l’aide d’un mortier à base de ciment Portland plus dur que la pierre; le gel avait donc fait éclater les pierres plutôt que les joints. « En maçonnerie, c’est le mortier qui est sacrificiel », rappelle Jozef Zorko. Enfin, les ateliers du Canadien Pacifique avaient fabriqué des fenêtres en bois, mais sans prévoir les détails relatifs à l’évacuation de l’eau.
Devant ces constats, un chantier de réhabilitation a démarré en 2017, révélant toujours de nouveaux dommages. « On a commencé à travailler sur la façade de la rue Saint-Antoine, rapporte Jocelyn Bélanger. Il y avait des dégradations, mais on pouvait respecter le budget. En arrivant sur les autres façades, on a découvert des surprises, et chaque fois, je devais contacter le siège social à Toronto pour convaincre Cadillac Fairview d’investir plus d’argent que prévu. »
Retrouver les matériaux perdus
Désignée bâtiment patrimonial, la gare Windsor a dû être réhabilitée selon les Normes et lignes directrices pour la conservation des lieux patrimoniaux au Canada et avec l’approbation du ministère de la Culture et des Communications. Ces lignes directrices, qui visent à préserver les matériaux d’origine ou à les réparer le plus fidèlement possible, préconisent de ne les remplacer que si leur état de dégradation l’impose.
La démarche a entraîné des recherches afin de dénicher des pierres de même qualité que celles qui étaient retirées et de retrouver la recette de l’ancien mortier. On a fabriqué des fenêtres en bois qui comportent une face intérieure en chêne et une face extérieure en acajou pour maximiser leur longévité. Il fallait aussi arriver à se procurer un verre thermique, et donc légèrement opaque, qui ne s’éloigne pas trop du verre clair initial. « Trouver des solutions était un défi quotidien et il fallait toujours avoir l’approbation du ministère », relate Jocelyn Bélanger.

Photo : Damien Ligiardi
Et, bien sûr, il a fallu repérer les manufacturiers et les artisans et artisanes capables de tailler et sculpter la pierre, de poser des ardoises, de travailler le cuivre et de fabriquer les fenêtres sur mesure.
Après cinq ans de travaux, la gare a retrouvé sa noblesse d’origine et elle reprend vie. « Avant les travaux, le bâtiment commençait à être délaissé. Après les rénovations, il s’est rempli », constate Jocelyn Bélanger, ce qui démontre qu’investir dans la réhabilitation crée de la valeur.
Commentaires du jury
À l’heure où tant de bâtiments patrimoniaux du Québec périclitent, le jury tient à souligner la colossale opération de restauration dont a bénéficié cette ancienne gare. Ce mandat exigeant, appuyé sur une solide recherche historique, a été mené avec minutie et inventivité, notamment pour concilier d’importantes exigences techniques avec le caractère ancien de l’édifice. Ce travail attentif et de longue haleine a le grand mérite de pérenniser la forte présence de la gare Windsor au cœur de la métropole et dans l’imaginaire collectif.

Illustration : DMA architectes
▶ EMPLACEMENT
Montréal
▶ MAÎTRE D’OUVRAGE
Cadillac Fairview
▶ ARCHITECTE
DMA architectes : Jozef Zorko
▶ INGÉNIERIE
Structure : SDK, NCK
Mécanique, électrique et éclairage : BPA