Projet Royalmount Mont-Royal
Projet Royalmount, Mont-Royal
Illustration : Carobonleo

Sur le plan commercial, la tension centre-périphérie se fait aussi sentir dans la métropole. Le pharaonique projet Royalmount en est l’illustration parfaite.

La coïncidence ne manque pas d’ironie. Si tout va bien, la première phase des travaux de réfection et de réaménagement de la rue Sainte-Catherine, cœur de l’activité commerciale montréalaise, sera complétée en 2021. Mais cette même année, un concurrent de taille risque de lui faire de l’ombre de l’autre côté du mont Royal : l’ensemble Royalmount, qui prévoit un centre commercial, des bureaux, deux hôtels, un parc aquatique, des cinémas et une salle de spectacle à l’angle des autoroutes 15 et 40. L’inauguration de ce projet de 1,7 milliard de dollars (G$) du promoteur Carbonleo (qui gère notamment le Quartier DIX30) est aussi prévue pour 2021.

Alors que la Ville de Montréal adoptait en août dernier la Stratégie centre-ville, qui vise à orienter la croissance de la région métropolitaine en misant sur son cœur, la rivalité commerciale avec les municipalités voisines demeure une réalité. La région métropolitaine se tire-t-elle dans le pied ?

Logique fiscale

L’enjeu n’est pas simple, explique Pierre Prévost, chargé de cours au Département de science politique de l’UQAM et consultant en affaires municipales. Même si le projet Royalmount a reçu en 2015 l’aval des élus de Mont-Royal – la municipalité défusionnée qui doit l’accueillir –, le conseil d’agglomération de Montréal doit l’entériner. Or, les représentants de la Ville de Montréal qui y siègent détiennent environ 87 % des voix, tandis que ceux des 15 villes reconstituées s’y partagent les 13 % restants.

Est-ce à dire que le conseil d’agglomération de Montréal pourrait rejeter le projet ? Pierre Prévost n’y croit pas, tout en précisant qu’il n’a pas étudié le dossier en détail. « L’enjeu, ici, en est un de rétention commerciale. Ce n’est pas “Montréal contre les autres villes” : à l’échelle métropolitaine, on se partage la même tarte fiscale. » En effet, la moitié de chaque dollar de taxes foncières récoltées par Mont-Royal est reversée à l’agglomération, dit-il. Pour le Royalmount, les retombées fiscales annuelles sont estimées à 1,5 G$, affirme pour sa part le maire de Mont-Royal, Philippe Roy.

D’ailleurs, le projet avance rondement, précisait le maire lors d’une entrevue réalisée au début de janvier : le plan particulier d’urbanisme (PPU) est achevé, les plans et devis ont été déposés au Service des permis et la décontamination des terrains est terminée. Seul obstacle restant : un dossier d’expro-priation qui est toujours devant le tribunal administratif au moment de publier.

Progrès et incertitude

L’élu est convaincu que Royalmount représente un « super projet pour toute la ville » et rejette l’idée qu’il aura un impact négatif sur la vitalité commerciale de la rue Sainte-Catherine. « C’est un projet axé sur le divertissement qui concurrencera davantage le Centropolis ou le Carrefour Laval que le centre-ville de Montréal. »

En outre, la municipalité a fait pression sur Carbonleo afin d’inclure une passerelle pour piétons au-dessus de l’autoroute Décarie et, ainsi, relier le complexe à la station de métro De la Savane, poursuit l’élu. Selon lui, environ le tiers des futurs visiteurs de Royalmount s’y rendront en transport en commun. Le projet prévoit tout de même 8000 places de stationnement.

Où en est l’étude du projet Royalmount au conseil d’agglomération de Montréal ? Nos nombreux messages aux bureaux de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, ainsi qu’au Service du greffe sont demeurés sans réponse. Rappelons que, dans un mémoire déposé devant l’Office de consultation publique de Montréal en octobre 2016 – un an avant son élection majoritaire à l’hôtel de ville de Montréal –, le parti Projet Montréal s’inquiétait de la concurrence que le projet Royalmount risquait de faire au centre-ville.

En ce qui concerne la Stratégie centre-ville, l’administration municipale précisera sous peu les interventions prioritaires, indique un porte-parole.