Les Prix d’excellence 2023 de l’Ordre des architectes du Québec ont été marqués par une nouveauté de taille : l’abolition des catégories dans lesquelles les projets étaient auparavant regroupés. Retour sur les tenants et aboutissants de cette décision.
Chaque année, au comité des prix, quand on prépare l’année suivante, on s’interroge sur les catégories, on les remet en question, dit Jacques White, conseiller technique des Prix d’excellence en architecture (PEA) depuis 2013. L’an dernier, quand la discussion sur les catégories est revenue, j’ai levé la main pour proposer de les abolir, tout simplement ! Il faut mettre l’accent sur ce qui compte, ce qui rend un projet méritoire, en arrêtant de “s’ostiner” sur les catégories ! »
Finie, donc, la classification en bâtiments « culturels », « institutionnels » ou « industriels ». Les projets soumis sont désormais évalués dans leur ensemble.
Les membres du comité se sont vite ralliés à la proposition, selon Anne-Marie Blais, architecte associée chez Groupe A / Annexe U et présidente du comité des prix. « Avec les Prix d’excellence, nous voulons faire valoir l’architecture auprès du plus grand nombre et rendre plus visible l’architecture de qualité. Nous nous sommes dit que l’abolition des catégories serait une bonne façon de mettre davantage l’accent sur les critères d’évaluation de la qualité, quels que soient l’usage et l’envergure du projet. »
La vision de l’OAQ
Les critères d’évaluation des candidatures ont aussi été remaniés en fonction du nouveau plan stratégique de l’Ordre. « Il s’agissait de les rattacher davantage à la vision de la transition socioécologique de l’OAQ », explique Anne-Marie Blais.
Les 11 critères mis de l’avant s’inspirent par ailleurs des principes directeurs de la qualité architecturale énoncés dans la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire, présentée en juin 2022 par le gouvernement du Québec.
En tête de liste, on trouve ainsi « l’environnement », suivi du « coût du cycle de vie » et de la « pérennité du bâti ». L’accessibilité universelle est également du nombre. Désormais incontournables, les critères à portée écologique et sociale ne sont plus considérés comme de simples atouts et font l’objet d’attentes explicites.
« Je crois que cet accent mis sur les critères clarifie le travail à mener pour le jury, estime Anne-Marie Blais. Cette liste sert aussi à orienter les architectes dans la préparation de leurs dossiers. »
Venu s’adresser aux membres du jury au début des délibérations, le 7 mars dernier, le président de l’Ordre, Pierre Corriveau, a également souligné l’importance des critères environnementaux et sociaux dans l’évaluation des projets. « Le message à passer, c’est que l’excellence passe par là, a-t-il insisté. Si on ne se préoccupe pas de l’avenir de nos enfants, même si les photos du projet sont magnifiques, ce n’est pas excellent. Il faut atteindre l’équilibre entre la beauté et les exigences de développement durable. »
L’interprétation des critères demeure toutefois ouverte et s’inscrit dans une appréciation globale de chaque projet. « On n’impose rien; aucun critère n’est éliminatoire », précise la présidente du comité des prix.
Pleins feux sur les projets
Pour Jacques White, le principal effet de l’abolition des catégories sur les délibérations a été une économie de temps. « Chaque année, on passe environ de 10 à 15 % du temps à parler des catégories », estime-t-il. Comme elles sont devenues hors propos, l’ensemble des discussions a pu porter sur les projets à évaluer.
Le fait que le jury a accordé moins de prix cette année, soit 10 (dont deux Grands Prix) contre 13 l’an dernier, peut-il être attribué à cette mesure ? Le conseiller professionnel des Prix d’excellence ne le croit pas. « Je pense que c’est un concours de circonstances. Ce jury a décidé qu’avec ces projets, il avait établi un bassin d’excellence. »
Une expérience concluante
Anne-Marie Blais dresse un bilan positif de ce nouveau fonctionnement sans catégorisation des projets. « Nous espérions recevoir davantage de dossiers, et cet objectif est atteint. » En effet, les membres du jury ont eu à examiner cette année 99 soumissions, contre 79 l’an dernier. Selon la présidente du comité, l’abolition des catégories a pu contribuer à cette augmentation en encourageant non seulement le dépôt de dossiers présentant des projets atypiques, mais aussi des candidatures dans les domaines où la compétition est en général particulièrement relevée, comme les résidences unifamiliales.
Jacques White se réjouit lui aussi des retombées de sa proposition. « Les discussions ont pu porter davantage sur la notion de qualité et sur les réalisations extraordinaires. Je pense donc que c’est tout positif ! »
Les critères d’évaluation
Les projets soumis aux Prix d’excellence en architecture 2023 ont été évalués d’une part en fonction de la liste de critères suivants :
- L’environnement
- Le coût du cycle de vie
- Le patrimoine culturel
- La pérennité du bâti
- La localisation
- Le contexte d’implantation
- La réponse aux besoins
- L’inclusivité et l’accessibilité universelle
- L’expérience
- La santé et le confort
- La sécurité
D’autre part, le jury a tenu compte de critères « spécifiques au projet », définis dans le règlement comme des « critères [qui] se rapportent principalement aux circonstances, aux intentions, aux stratégies et aux solutions particulières à chaque projet soumis, témoignant d’un effort de justesse et d’exemplarité ».
Membres du jury
Présidente
Renée Daoust
Architecte, OAQ, OAA, FIRAC, urbaniste OUQ, associée principale, Daoust Lestage Lizotte Stecker
À la fois architecte et urbaniste, Renée Daoust encadre des projets de toutes envergures, allant de l’échelle de l’objet à celle de la ville, en passant par l’intervention architecturale. Elle a notamment agi comme idéatrice pour le Quartier international de Montréal et comme chargée de projet principale pour l’édifice Jacques-Parizeau, premier bâtiment LEED Or du Québec. Renée Daoust a également participé au projet d’aménagement du Quartier des spectacles à Montréal et dirige tous les projets de transport de l’agence, dans lesquels elle assume le leadership du « Design Excellence ». Avec Réal Lestage, elle a reçu le prix Ernest-Cormier en 2016 et elle s’est vu décerner la médaille du Mérite de l’OAQ en 2022.

Membres architectes
Isabelle Beauchamp
Architecte OAQ, IRAC, PA LEED, associée, Blouin Tardif Architectes
Isabelle Beauchamp a pratiqué l’architecture en Suisse avant de se joindre à Blouin Tardif Architectes en 2007. Associée depuis 2017, elle agit principalement à titre de chargée de projet et de conceptrice, en plus d’être mentore auprès de la relève de la firme. Entre autres récompenses, mentionnons les Prix d’excellence en architecture de l’OAQ que ses réalisations ont mérités : Monument, en 2017, Förena Cité thermale, en 2020, et Queen Alix, en 2022. Elle est membre du comité des prix de l’OAQ et du comité de l’Examen des architectes du Canada (ExAC).

Rami Bebawi
Architecte et cofondateur, KANVA
Rami Bebawi est devenu un acteur important de l’architecture contemporaine par sa quête du potentiel créatif de chaque réalisation. Son parcours unique et sa créativité lui ont valu de nombreux honneurs, publications, prix et distinctions. Épaulé par une équipe dynamique et fidèle, il développe une nouvelle forme de pratique alliant architecture, créativité artistique et expertise en construction. Il valorise le partage interculturel et interdisciplinaire des expériences et des connaissances afin de créer des récits riches et des approches sensibles. Il croit que tout projet d’art ou d’architecture devient un protagoniste social contribuant aux valeurs communautaires, historiques et environnementales.

Vladimir Topouzanov
Architecte, FIRAC, OAQ, associé, Saia Barbarese Topouzanov
Diplômé de l’École polytechnique de Sofia (Bulgarie), Vladimir Topouzanov est associé depuis 2002 chez Saia Barbarese Topouzanov, firme à laquelle il s’est joint en 1991. Il est responsable du design des principales réalisations de la firme, dont le Centre sportif de la Petite Bourgogne, les Habitations Benny Farm (médaille du Gouverneur général en 2002), le Palais des congrès de Montréal, le nouveau pavillon de Polytechnique Montréal, le Complexe des sciences Pierre-Dansereau de l’UQAM et les Habitations Saint-Michel Nord (prix d’excellence en architecture de l’OAQ en 2021). En 2019, la firme a été lauréate du concours du théâtre jeunesse Les Gros Becs à Québec. Depuis 2000, Vladimir Topouzanov enseigne à l’École d’architecture de l’Université de Montréal. Il a également été conférencier et critique invité dans de nombreuses universités.

Représentante du public
Laure Waridel
Écosociologue, Ph. D., professeure associée à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM
Pionnière du commerce équitable et de la consommation responsable au Québec, Laure Waridel est cofondatrice d’Équiterre, coauteure du Pacte pour la transition et co-instigatrice du mouvement Mères au front. Elle a écrit plusieurs livres, dont Acheter, c’est voter, L’Envers de l’assiette et La transition, c’est maintenant, en plus de tenir une chronique dans Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec. Laure Waridel cumule les distinctions, dont un doctorat honoris causa de l’Université du Québec à Rimouski, l’Insigne du mérite de l’Université de Montréal, l’Ordre du Canada, l’Ordre national du Québec et le titre de Chevalier de l’Ordre de la Pléiade de l’Organisation internationale de la Francophonie.
