La boîte à lumière

Dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, à Montréal, les architectes de nature humaine ont rénové et agrandi une modeste shoebox pour en faire une oasis urbaine baignée d’une abondante lumière naturelle. Un souhait des propriétaires, aux anges devant le résultat.

Par Sylvie Lemieux

Depuis la rue, il est difficile de deviner que derrière la façade traditionnelle de cette shoebox – type de maison d’un étage à toit plat habitée à l’origine par la classe ouvrière – se cache une habitation qui allie fonc­tionnalité, esthétique et confort. « Les clients avaient une bonne idée de ce qu’ils voulaient, relate Stéphane Rasselet, cofondateur et architecte principal chez _naturehumaine. Com­me ils aiment cuisiner et recevoir, ils ont demandé que la cuisine et la salle à manger soient le cœur de la maison. Ils souhaitaient aussi disposer d’un espace de vie capable d’intégrer harmonieusement leurs œuvres d’art. Toutefois, le plus important pour eux, c’était que la maison soit très lumineuse. »

Un défi qui n’est pas simple à relever dans une construction mitoyenne. Pour y arriver, les architectes ont imaginé une faille traversante au niveau du toit, surmontée d’un lanterneau continu, qui diffuse la lumière venant du sud sur une surface courbe, plâtrée en blanc. « C’est le geste architectural le plus important du projet, affirme Stéphane Rasselet. On s’est inspiré des puits de lumière du musée Miró, à Barcelone, qui sont construits sur le même principe. Cette configuration permet une diffusion optimale de la lumière jusqu’au cœur de la maison. »

La faille, qui s’étire sur plus de 7 m, éclaire aussi l’escalier central, dont les marches et le limon sont faits d’un pliage d’acier. Tout blanc, il devient un point focal qui relie les espaces tout en maximisant la lumière descendante.

Le projet devait aussi prévoir un agrandis­sement. « L’ajout d’un étage sur la struc­ture existante a été placé en recul de la façade, ce qui nous a permis d’aménager une terrasse végétalisée sur le toit. Les occupants y accèdent par la chambre principale attenante. L’arrondissement a accepté notre proposition de surhausser le parapet du toit de la shoebox afin de protéger cet espace de verdure des regards des passants », explique l’architecte.

Un autre ajout de deux étages en fond de lot abrite un atelier, un sauna ainsi qu’une suite avec cuisinette à l’étage, pratique pour accueillir les invités. C’est une des pièces préférées des propriétaires. « C’est notre chalet à la maison, lance Joël Beaulieu. Le sol et plusieurs murs sont recouverts avec des planches de bois de la maison d’origine récupérées par l’entrepreneur. On y a installé un poêle en fonte, typique des chalets que l’on a souvent loués. On n’a plus besoin d’aller très loin pour changer complètement d’atmosphère. »

Au rez-de-chaussée, un passage vitré de près de six mètres relie les deux parties de la maison, entre lesquelles on a également aménagé une cour intérieure très intime. « Pour éviter de gêner les voisins immédiats en termes d’ombres portées, le lien inté­rieur entre la partie avant et arrière du projet a été restreint à un seul étage, souligne l’architecte. On a installé un écran végétal en fils d’acier qui sert de garde-corps et préserve l’intimité du voisin. »

La nouvelle construction comprend un sous-sol, où sont installés les équipements mécaniques, des espaces de rangement de même qu’un cellier en partie visible de l’étage grâce à un plancher vitré. Un potager trône sur le toit, auquel il ajoute un autre élément de verdure.

Les propriétaires ont emménagé dans leur nouvelle maison il y a plus d’un an. Ils sont enchantés de leur espace de vie et de leur expérience avec les architectes, une première pour eux. « Du début à la fin, ils ont été à l’écoute de nos demandes et de nos besoins. Ils étaient aussi dévoués; notre projet devenait leur projet », soutient Joël Beaulieu.

Lui et sa conjointe, Nathalie Bruneau, ont décidé de quitter la banlieue nord pour s’établir à Montréal et se rapprocher des enfants qui y sont désormais installés. « On a visité plusieurs maisons avant de trouver cette shoebox, qui avait l’avantage d’avoir un grand terrain à l’arrière. Cela permettait de faire ce que j’avais en tête, raconte-t-il. Pour concrétiser mon projet, l’inspecteur en bâtiments m’a toutefois recommandé de faire appel à un architecte. Une décision qu’on n’a pas regrettée. » La boîte à lumière a changé leur mode de vie. « Je suis devenu casanier, lance Joël Beaulieu. Si je n’ai pas besoin de sortir, je suis extrêmement heureux de rester à la maison. On adorait aller au restaurant, mais maintenant on préfère inviter les amis et préparer un bon repas. Mon souhait, c’est d’y habiter le plus longtemps possible. Si en vieillissant, on a de la difficulté à monter les escaliers, il sera possible d’aménager une chambre avec salle de bain dans la partie arrière de la maison. Toute la tuyauterie a déjà été installée en prévision de cela. »

Commentaires du jury
Par cette métamorphose d’un archétype tardivement valorisé, les architectes ont su transcender les contraintes pour tisser des connexions éloquentes entre les espaces intérieurs et leurs extensions extérieures, offrant une oasis au cœur même de l’urbanité. Un projet digne d’éloges, tant par sa sobriété que par sa réalisation méticuleuse.