Au printemps 2013, mon prédécesseur, André Bourassa, appelait sur cette page à un mouvement collectif en faveur de la mise en œuvre d’une politique québécoise de l’architecture. « Une telle politique devrait être basée sur la qualité des aménagements et des bâtiments. Celle-ci, rappelons-le, est loin d’être l’apanage des architectes ou d’une élite intellectuelle. Elle influe au quotidien sur la qualité de vie de tous les citoyens », écrivait-il. Quatre ans et demi plus tard, le message a fait du chemin !
Dans un effort sans précédent, l’OAQ a effectué cette année, avec l’aide de l’Institut du Nouveau Monde, une tournée de 13 villes pour entendre les citoyens s’exprimer sur cette question. Les commentaires recueillis, que nous vous présentons dans le dossier de ce numéro d’Esquisses, confirment que le fruit est mûr. En gros, les citoyens soulignent que la notion de qualité architecturale gagnerait à être mieux connue du grand public et des décideurs. Ils veulent aussi plus de cohérence dans la réglementation et souhaitent que l’architecture reflète davantage les caractéristiques locales en matière de climat, de culture et de ressources. Efficacité énergétique, respect du patrimoine, accessibilité des espaces publics et participation citoyenne sont d’autres thèmes qu’une politique québécoise de l’architecture permettrait de mettre en relation dans une vision globale. En parallèle, l’idée de cette politique a reçu l’appui officiel d’une quarantaine de villes et d’arrondissements réunissant une population de plus de 3,5 millions de personnes.
De plus, à la suite de consultations publiques auxquelles nous avons participé, le projet de politique québécoise de la culture, dévoilé à la fin de juin par le ministère de la Culture et des Communications, prévoit le lancement de travaux en vue de la création d’une stratégie gouvernementale pour la qualité architecturale. On ne sait pas encore ce que contiendra cette stratégie, mais vous pouvez compter sur l’OAQ pour se positionner comme un interlocuteur de premier plan au cours de son élaboration. C’est du moins ce que nous avons exprimé au ministre à la rentrée, lors de la deuxième ronde de consultations portant sur le projet.
Toutefois, convaincre le gouvernement ne suffit pas. Il faut aussi intensifier le dialogue avec le secteur privé. L’argument qui portera le plus sera sans doute celui du rendement de l’investissement. À ce chapitre, je tiens à saluer la volonté de l’Association des architectes en pratique privée du Québec de s’associer aux universités afin de produire des études de cas démontrant la valeur de l’architecture de qualité. Cet exercice, je l’espère, permettra de générer des données sur lesquelles les défenseurs de la qualité pourront s’appuyer.
L’idée d’un dialogue entre les parties prenantes du cadre bâti est justement ce qui fait avancer la cause de la qualité architecturale dans certains pays. Ainsi, l’État allemand a créé une fondation vouée à ce qu’on appelle la Baukultur, ou « culture du bâti », afin de sensibiliser les citoyens, les acteurs de la construction et les différentes instances sur tout le territoire. Cela a donné lieu à des projets à valeur ajoutée, comme un dispositif de protection contre les inondations qui s’harmonise avec le paysage dans une ville en bordure du Danube.
En France, où la réglementation sur l’architecture vient d’être resserrée, une stratégie nationale prévoit entre autres la création des Journées nationales de l’architecture et la mise en place d’activités de formation sur les questions liées à l’architecture pour les fonctionnaires et les élus. Une mission d’études sur la valeur économique de l’architecture figure également au programme.
C’est vrai ici aussi : les architectes ont beau y croire, pour qu’une architecture de qualité prenne forme, leurs clients et le public doivent être convaincus qu’il s’agit d’un investissement rentable pour l’avenir, et non d’un luxe.
C’est dans cet esprit de dialogue que l’OAQ organise le Forum pour une politique québécoise de l’architecture, le 28 septembre prochain. Ce sera l’occasion de découvrir des politiques architecturales d’ailleurs, de discuter du contenu de celle que nous voudrions voir adopter au Québec et de peaufiner une déclaration officielle qui donnera encore plus de force à notre message.
Alors que j’entame cet automne mon troisième et dernier mandat à la présidence de l’OAQ, j’entends tout faire pour que se concrétise cette politique québécoise de l’architecture et, surtout, pour qu’émerge une qualité architecturale qui profite à tous.