Tour de retransmission et hôtel Ještěd
Tour de retransmission et hôtel Ještěd, République tchèque, Karel Hubáček
Photo : elPadawan

Certaines innovations architecturales peuvent donner des migraines aux propriétaires. Petit tour dans les souliers d’un gestionnaire immobilier afin d’éviter de potentielles frustrations lors de l’exploitation.

Un immeuble habillé d’une double peau composée de persiennes fixes en aluminium oxydé, c’est du plus bel effet. Sauf quand vient le temps du nettoyage.

« La façade de ce bâtiment pose des problèmes d’entretien, car il est presque impossible de nettoyer entre les deux peaux, d’autant que le matériau n’est pas habituel », note Steve Poulin, directeur adjoint au soutien de la gestion immobilière à la Société québécoise des infrastructures (SQI). Un exemple parmi d’autres de problèmes de maintenance engendrés par la conception d’un bâtiment une fois les clés remises à leur propriétaire ou à leur gestionnaire, dit-il.

Fervent partisan de l’innovation et de l’amélioration des pratiques en construction, Steve Poulin se réjouit du fait que les exploitants et les employés soient « de plus en plus consultés » en amont de la réalisation des projets, notamment ceux qui font l’objet d’un processus de conception intégrée (PCI). Mais bien qu’il encourage les architectes à innover, il estime que ceux-ci devraient davantage tenir compte des préoccupations de maintenance et d’entretien.

Un détail aussi anodin que le remplacement d’appareils d’éclairage peut entraîner de sacrés casse-tête… de même que des factures aussi salées que récurrentes. Le gestionnaire cite l’exemple de l’agrandissement d’un autre édifice public, où les architectes ont opté pour un plafond de 8 m dans le hall d’entrée. Or, le remplacement des tubes fluorescents exige une gymnastique de haute voltige, car des échafaudages particuliers sont nécessaires pour les atteindre. « Ça coûte environ 1 500 $ de frais de main-d’œuvre pour changer un néon valant 50 $ ou 60 $. Conséquemment, on procède au remplacement préventif de tous les néons une fois par an, même s’ils n’ont pas atteint leur fin de vie. »

Aide-mémoire

Pour mieux évaluer l’impact de l’innovation pour le propriétaire, Steve Poulin suggère aux architectes de garder trois aspects en tête :

1. Le fonctionnement des équipements Les employés pourront-ils faire fonctionner les équipements mécaniques, par exemple ? Faut-il prévoir une formation ?

2. L’entretien Comment accéder aux composants ? Dans le  cas d’une double peau en façade, par exemple, prévoir des façons de démonter les éléments, en tenant compte des coûts d’exploitation.

3. Le vieillissement et la pérennité Comment vieilliront les innovations ou les matériaux, notamment en façade ? Risquent-ils d’être altérés par la rouille dans 10 ou 15 ans, ce qui entraînera des coûts d’exploitation pour les remplacer ?

Enfin, le gestionnaire souligne l’importance de réfléchir à la flexibilité des espaces au gré de l’évolution des usages. « Plusieurs innovations se gèrent très bien quand on a ces critères en tête lors de la conception », assure-t-il.

Gare fluviale de Lévis, un projet de la SQI,
Gagnon Letellier Cyr Ricard Mathieu & associés Architectes
Photo : Michel Gamache, ing., MBA – directeur de projets SQI

Virage à la SQI

L’innovation est au cœur des orientations la Société québécoise des infrastructures (SQI) pour les cinq prochaines années, révèle son premier plan stratégique, publié en mars dernier.

Concrètement, la SQI compte adopter de nouvelles façons de planifier et de réaliser les projets, précise-t-on. La société cible notamment la réalisation de 8 projets (de 5 M$ et plus) en mode MDB 3D d’ici la fin de 2019 et de 15 projets d’ici le 31 mars 2021. En outre, dès le printemps 2019, elle prévoit d’instaurer le processus de conception intégrée dans tous ses projets de 5 M$ et plus.

L’organisme souhaite aussi « renforcer la culture de l’innovation et du développement durable » et veut « faire preuve d’exemplarité à long terme et (…) profiter pleinement des initiatives d’ici et d’ailleurs ».

Le respect du budget et des échéanciers fait aussi partie des engagements de l’organisme. Espérons que ces paramètres tiendront compte de l’innovation !