André Bourassa fêtera bientôt ses 40 ans de carrière comme architecte. Véritable précurseur, il défend depuis ses débuts les principes de l’architecture écologique, aujourd’hui une tendance forte. Il a aussi largement contribué au rayonnement de sa profession en se mettant pendant 22 ans au service de l’OAQ, qui lui décerne cette année la médaille du Mérite en reconnaissance de l’ensemble de sa carrière.
Alors que d’autres y verraient un aboutissement, André Bourassa considère ce prix, qui le « touche profondément », comme une incitation à continuer le travail. Pour l’associé de la firme Bourassa Gaudreau (anciennement Bourassa Maillé), il y a encore tellement à faire qu’il n’est pas question de s’arrêter.
Provoquer le changement
Reconnu pour son franc-parler, l’homme n’a jamais hésité à monter au front, « quitte à recevoir des tomates », dit-il. L’ancien président de l’OAQ ose se camper à contre-courant des tendances. Ses positions sur le recours excessif au vitrage dans les immeubles, qui entraîne de plus grands besoins de chauffage et de climatisation, de même que ses réserves quant aux toitures vertes sont bien connues. En effet, pour lui, aménager un toit vert est un non-sens. « Cela augmente les risques de dommages par l’eau en plus de nuire à l’entretien préventif du bâtiment, dit-il. Il faut savoir distinguer ce qui semble écologique de ce qui ne l’est pas. » Il déplore en outre le surcoût associé aux certifications LEED et, surtout, le fait « qu’elles ne tiennent pas compte de la notion de cycle de vie du bâtiment ».
Durant ses mandats à l’OAQ, d’abord en tant que membre du conseil d’administration, puis, de 2005 à 2013, à titre de président, il a fait avancer plusieurs dossiers. Il s’est notamment prononcé sur les partenariats public-privé, sur la règle du « plus bas soumissionnaire », sur la conception du nouveau pont Champlain et sur la nécessité d’adopter une politique nationale de l’architecture. « J’ai été une bougie d’allumage à bien des occasions », reconnaît-il.
Parmi les travaux qu’il a menés à l’OAQ, il souhaite qu’on retienne surtout la mise en place, en 2008, de l’Examen des architectes du Canada (ExAC), le nouvel examen d’accès à la profession, et le déménagement du siège social de l’Ordre au 420, rue McGill, à Montréal, qui s’est concrétisé en 2013. Ces deux réalisations ont exigé des années de travail – « c’est toujours plus long qu’on le voudrait » – et ont eu un impact majeur sur l’OAQ et sur la profession.
« L’acquisition du bâtiment de la rue McGill représentait un risque financier, mais c’était l’occasion de s’installer dans un lieu qui était plus adapté aux besoins de l’Ordre et qui contribuerait à son rayonnement sur la place publique. Ce déménagement nous a aussi permis de regrouper à une seule adresse plusieurs organismes liés au design et à l’architecture, pour une plus grande synergie », explique André Bourassa.
Pour lui, il était essentiel de reprendre le contrôle de l’examen d’accès à la profession. « L’ancien NCARB américain [l’examen du National Council of Architectural Registration Boards] était mal adapté à la réalité des architectes québécois, rappelle-t-il. Plusieurs stagiaires renonçaient à le passer et du coup ne pouvaient se joindre à l’Ordre. La situation a changé avec l’ExAC, ce qui a apporté du sang neuf à la profession. Je n’en suis pas peu fier. » En effet, alors que le nombre de membres de l’OAQ stagnait autour de 2700 depuis plusieurs années, il est passé à plus de 3000 en 2009-2010 et n’a cessé de croître depuis, ayant franchi le cap des 4000 en 2018.
L’architecte l’avoue d’emblée : il n’aurait pas pu mener à bien ces dossiers tout seul. « Bernard McNamara a été mon “ministre de la relocalisation des bureaux de l’Ordre” et Nathalie Dion a été ma “ministre de l’ExAC” », dit-il en parlant de ces deux membres bien connus de l’OAQ, qui ont été administrateurs sous sa présidence.
Passion, courage et convictions
Bernard McNamara, qui a lui aussi été président de l’OAQ, se souvient de plusieurs batailles qu’il a menées aux côtés d’André Bourassa, qu’il connaît depuis l’université. « Certaines se sont révélées de véritables courses à obstacles. Heureusement, André est bon pour défendre les dossiers en lesquels il croit. À de nombreuses reprises, il a défendu son point de vue devant des commissions parlementaires ou d’autres instances. L’implication publique, ça demande du courage, et André a démontré qu’il en a. Il est aussi passionné, et ce sont les gens passionnés qui font avancer les choses. »
« André Bourassa a beaucoup aidé à faire évoluer la conception de bâtiments en bois. »
Michel Beaudoin, président-directeur général de la Régie du bâtiment du Québec
« C’est un homme de conviction », affirme pour sa part Michel Beaudoin, président-directeur général de la Régie du bâtiment du Québec, qui a invité André Bourassa à siéger au conseil d’administration de l’organisme en 2012. Le rapport Beaulieu, visant à favoriser la construction en bois, venait alors d’être publié. « J’ai toujours aimé le personnage et ce qu’il défend, notamment la recherche constante de la qualité en construction et l’utilisation du bon matériau au bon endroit, ajoute Michel Beaudoin. André Bourassa a beaucoup aidé à faire évoluer la conception de bâtiments en bois. Il n’a pas peur de dire ce qu’il pense, mais ses critiques sont constructives. C’est un homme qui est ouvert aux nouvelles idées. Son leitmotiv est : essayons d’innover ! »
André Bourassa poursuit encore cet objectif. Il veut « continuer de brasser la cage », autant dans sa pratique que lors de ses conférences où il parle de « matériaux biosourcés » ou de « frugalité heureuse en architecture ».
Face à l’urgence climatique, ce défenseur de l’architecture durable est plus convaincu que jamais de la nécessité de changer les façons de faire. Il nourrit aussi des projets de publication, à propos desquels il reste toutefois discret.
Chose certaine, André Bourassa n’a pas fini de faire entendre sa voix !