Dix ans après l’incendie qui l’avait en grande partie détruit, le manège militaire Voltigeurs de Québec a rouvert ses portes en mai 2018. Ce projet d’envergure est le fruit d’une réflexion poussée sur la prise en charge du patrimoine bâti et son arrimage à l’environnement contemporain.
« Dès le départ, nous voulions préserver autant que possible la valeur patrimoniale du bâtiment datant de 1887, tout en lui donnant une nouvelle vocation », explique Jean-Benoît Saint-Laurent, gestionnaire du programme de conservation du patrimoine à Services publics et Approvisionnement Canada.
Un immense défi, alors que seuls la façade et quelques bouts de murs de l’unique bâtiment militaire canadien reconnu comme lieu historique national tenaient encore debout. Avec son équipe, Jean-Benoît Saint-Laurent a rempli six conteneurs de matériel tombé au sol, qu’il a fallu identifier et cataloguer. Ensuite, en plus d’entreprendre une réflexion avec le consortium A49/DFS/SGTM, on a organisé une consultation publique. Ces démarches ont mené à l’adoption d’un projet qui dépassait la simple reconstruction.
Il s’agissait de redonner à la population un bâtiment et un site dont l’usage avait jusqu’alors été surtout militaire. Le programme prévoyait une salle multifonctionnelle, des bureaux construits dans une nouvelle aile, un foyer d’accueil et un hall commémoratif consacré au régiment des Voltigeurs de Québec, ancien occupant du manège. Le projet devait aussi ouvrir le site sur son environnement urbain et créer un lien piétonnier permettant aux promeneurs de circuler entre la Grande Allée et les plaines d’Abraham.
Un travail de moine
La réalisation du projet a exigé sept années de travail méticuleux. Moderniser un bâtiment dépourvu de système mécanique – sauf pour un vieux dispositif de chauffage à vapeur – représentait tout un casse-tête. Avant l’incendie, l’endroit où se situe aujourd’hui la salle multifonctionnelle reposait sur une dalle de béton recouverte d’asphalte. Il a fallu creuser jusqu’à une profondeur de 6 m sur 70 % de la surface pour installer une salle mécanique, des corridors de service et une cuisine d’appoint, notamment.
Consolider les vieux murs de pierre du manège afin qu’ils puissent soutenir la lourde toiture avec couverture de cuivre ne représentait pas non plus une mince affaire. Les murs ont été précontraints avec des tiges métalliques descendant du haut des contreforts jusque dans le roc.
70 000 heures de labeur
Mais le grand souci des architectes restait de reconstituer l’essence du manège dans le nouvel édifice autant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Ils ont donc adopté une charte d’intervention patrimoniale dotée d’un principe central : « Nous avons établi que tout élément qui ne mettait pas en péril la sécurité ou la technique du projet serait conservé », dit Stéphan Langevin, architecte et concepteur principal chez STGM. Ainsi, on peut apercevoir de vieilles taches de plâtre sur certaines pierres, alors que des bouts de bois brûlé surgissent des murs à divers endroits.
Au total, près de 700 personnes ont contribué à la reconstruction. À eux seuls, les services en architecture ont totalisé quelque 70 000 heures de travail. « Tous les participants, que ce soient les professionnels, le client ou les sous-traitants, se sont investis à fond dans le projet », affirme Stéphan Langevin.
Le jeu en valait la chandelle. « L’ajout d’une salle multifonctionnelle d’une capacité de 1300 personnes exerce un fort impact à Québec », souligne Alain Girard, président de l’Hôtel Château Laurier Québec et de son service de traiteur le George V, et promoteur de la salle multifonctionnelle du manège.
« Il ne s’agit pas seulement d’une question de capacité d’accueil, ajoute-t-il. L’acoustique de la salle, son excellente insonorisation et ses équipements techniques constituent d’incroyables atouts pour attirer de nouveaux évènements à Québec. »
Commentaires du jury
La qualité du projet de réhabilitation et d’agrandissement du manège militaire Voltigeurs de Québec, à la suite de l’incendie qui l’a ravagé en 2008, a fait l’unanimité parmi les membres du jury. Par son recours au bois et au cuivre, par la réutilisation des pierres noircies par le temps de même que par le rattachement d’une aile résolument contemporaine à l’édifice patrimonial de style château, l’intervention manifeste un souci de raconter les chapitres successifs de l’histoire du bâtiment. Elle ne se contente cependant pas de documenter ces épisodes. Elle transcende le legs historique du lieu et redonne celui-ci à la population en ouvrant sa salle multifonctionnelle au public. L’ajout contemporain forme d’ailleurs avec le bâtiment de 1887 un tout équilibré sur le plan volumétrique. Ce projet d’envergure démontre une expertise globale alliant la mise en valeur du patrimoine, la réflexion fructueuse sur le programme architectural et la prise en compte des attentes d’aujourd’hui.
LIEU
Arrondissement de La Cité-Limoilou, Québec
CLIENT
Services publics et Approvisionnement Canada
ARCHITECTES
A49/DFS/STGM (consortium)
STGM : Jean-Yves Montminy,
Paule Bourdon, Stéphan Langevin
Architecture49 : Isabelle Julien,
Julien Dallaire
DFS : Pascal Létourneau, Suzie Houle
INGÉNIERIE
Génie civil et structure : Tetra tech QB
Électrique, plomberie, protection incendie, sécurité physique : Stantec
Mécanique : Pageau Morel et Associés
ARCHITECTURE DU PAYSAGE
Option Aménagement
ACOUSTIQUE
Audiofax
SCÉNOGRAPHIE
Productions Artéfact