Je suis très heureux que ce numéro d’Esquisses traite du patrimoine sous l’angle des ensembles. C’est d’ailleurs le sujet que l’Ordre a choisi pour son colloque organisé avec l’Association des architectes paysagistes, du 16 au 19 novembre 2020.
Le patrimoine bâti est une part essentielle de notre identité collective, et c’est pourquoi il faut le faire vivre et le protéger. Ce n’est pas qu’une question d’apparence. C’est surtout une question d’appartenance.
Car, au fond, qu’est-ce que le patrimoine ? C’est ce à quoi nous tenons collectivement, ce que nous décidons de préserver parce que notre existence s’inscrit dans une continuité.
Nous occupons le même territoire que nos prédécesseurs et nous le léguerons aux générations futures en y ayant laissé les traces de notre passage.
Je suis personnellement convaincu que cette approche tournée vers les ensembles est essentielle pour comprendre ce que nous sommes.
Des bâtiments de valeur, éparpillés çà et là sur le territoire, font l’objet d’actions engagées contre les menaces de détérioration ou de démolition. Ces démarches sont essentielles à la sauvegarde de ces témoins irremplaçables d’un passé plus ou moins lointain. Le présent numéro d’Esquisses s’y intéresse, mais s’ouvre aussi à une approche plus globale, qui touche le contexte de ces bâtiments. On y explore le groupement des éléments qui entourent les lieux architecturaux et les liens qui les unissent afin de leur conférer davantage de sens sur le plan communautaire. Il est donc question ici de l’esprit du lieu, cette atmosphère difficile à expliquer, mais que tout le monde peut ressentir et qui génère toutes sortes de retombées, tant sociales que culturelles ou économiques.
Je suis personnellement convaincu que cette approche tournée vers les ensembles est essentielle pour comprendre ce que nous sommes. Elle a aussi l’avantage de constituer un début de solution à l’état dramatique du patrimoine immobilier dont faisait état le Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2020-2021, paru en juin dernier.
Des élans collectifs
Comme architectes, nous aimons dire que nous créons le patrimoine de demain. C’est vrai, et d’autant plus lorsque nous contribuons à consolider l’identité d’un quartier ou d’un village. Notre formation nous a enseigné à révéler l’intérêt du contexte. C’est là une grande part de ce qui définit notre profession. Servons-nous-en pour mettre en valeur ce contexte, soit en le préservant, soit en le faisant évoluer avec la société, dans le respect de ce que nous avons été.
Si nous voulons exploiter cette possibilité, des partenaires d’autres professions peuvent nous prêter main-forte, notamment les architectes paysagistes et les urbanistes. S’il est vrai que c’est souvent nous qu’on appelle en premier lorsqu’un projet se profile, c’est à nous d’enrichir nos interventions en ayant recours à toutes les expertises pertinentes. L’idée n’est pas de nous placer au-dessus des autres professions sous prétexte de coordination, mais bien d’entreprendre des échanges stimulants qui peuvent faire la différence entre un projet banal et un projet rassembleur et pérenne.
Cela dit, comme architectes, nous avons aussi un devoir d’interaction avec les municipalités, que ce soit avec les élus, les fonctionnaires ou les membres des comités consultatifs d’urbanisme. Il est important que nous comprenions bien la vision qu’ils ont définie pour leur milieu. La réglementation peut parfois sembler pointilleuse, mais c’est à nous de savoir lire le fondement des exigences afin de proposer des solutions intelligentes, quitte à recourir aux dérogations si elles améliorent la réponse au contexte.
Nous avons aussi, et peut-être surtout, un rôle à jouer dans les exercices de participation citoyenne, en étant à l’écoute des communautés où nos projets s’enracinent, en ouvrant le dialogue sans idées préconçues et en adaptant nos propositions de manière à répondre aux préoccupations avec le plus de justesse possible.
Enfin, nous avons parfois à faire cheminer les propriétaires qui retiennent nos services en leur faisant comprendre qu’une mauvaise insertion risque d’avoir un impact négatif sur la perception qu’aura d’eux la communauté à laquelle ils veulent pourtant s’intégrer. Une fois que l’architecte se retire, il reste l’architecture. Et celle-ci ne fait pas qu’intégrer les bâtiments; elle contribue également à tisser les liens sociaux. C’est aussi ça, participer à l’identité collective.