Mairesse de la ville de Hudson et architecte, Chloe Hutchison a toujours privilégié les meilleures pratiques. Son bagage architectural lui permet aujourd’hui de poser un regard neuf sur la politique municipale.
Ayant travaillé au sein de grandes firmes telles que MSDL Architectes, Groupe Cardinal Hardy, DCYSM ou encore Provencher_Roy, Chloe Hutchison mène depuis près de vingt ans une riche carrière d’architecte. Celle qui a aussi touché à l’architecture de paysage, au design urbain et à l’aménagement intérieur a développé une expertise qui se révèle précieuse pour le conseil municipal de Hudson, une municipalité d’environ 6000 résidents et résidentes, qui borde le lac des Deux-Montagnes, où elle demeure depuis 2011.
« En 2014, on m’a demandé de me joindre au Comité consultatif d’urbanisme (CCU) de Hudson », raconte-t-elle. Ce nouveau comité, formé après la mise au jour de cas de fraude à la municipalité et des nombreuses démissions qui ont suivi, traverse alors une période houleuse. « Les deux premières rencontres du CCU m’ont fait réaliser que les promoteurs immobiliers menaient la barque, et les questions délicates que j’ai posées sur cette réalité semblaient déranger. C’est comme ça que mon implication a vraiment commencé », explique la mairesse.
De l’architecture à la politique
Conseillère municipale du district 3 (Hudson-Centre) à partir de 2017, l’architecte se rend compte que les promoteurs visent principalement les milieux naturels d’intérêt et ne s’intéressent que peu ou pas du tout au réaménagement du territoire. Elle se penche donc sur le dossier, ce qui ne fait pas particulièrement le bonheur des élus et élues qui l’entourent. « Cette situation m’a conduite à améliorer mon argumentaire et à favoriser de meilleures pratiques en termes d’analyse de dossiers et de communication auprès des élus etdu public. »
Chloe Hutchison note rapidement un manque de transparence qui nuit aux conseillers et conseillères de la Ville. Elle remarque entre autres « une forme de travail “en coulisses” » et un faible esprit d’équipe. Lasse de tourner en rond, elle remet sa démission en 2020.
Un peu plus d’un an plus tard, coup de théâtre : Chloe Hutchison remporte les élections municipales et devient mairesse de Hudson. En présentant sa candidature, elle souhaitait montrer qu’elle n’était pas une « vendeuse de rêve », mais une alliée à l’écoute, prête à restaurer la confiance du public en développant de manière concrète les projets sur la table de la mairie. Son implication politique vient avec de nombreuses responsabilités, puisqu’elle est également vice-présidente du Conseil des arts et de la culture de Vaudreuil-Soulanges et présidente de la Commission de la culture et du patrimoine de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Chloe Hutchison n’a pas pour autant mis de côté la pratique de l’architecture. Elle continue en effet d’exercer à son compte et poursuit actuellement une maîtrise en urbanisme à l’Université de Montréal.
« Quand j’ai remporté les élections, j’avais une quinzaine de projets en cours. Maintenant, j’ai environ cinq mandats sur la table. Je travaille sur des projets de réaménagement et de relocalisation de bureaux, sur l’agrandissement de la mairie à Sainte-Marthe, et j’ai aussi des contrats comme dessinatrice qui totalisent une vingtaine d’heures par mois. On m’approche souvent pour des projets locaux, mais je me suis engagée à ne pas prendre de projets à Hudson pendant mon mandat pour éviter les conflits d’intérêts », précise-t-elle.
Architecture et leadership
La profession d’architecte de Chloe Hutchison influence sa manière de diriger la mairie, en particulier en ce qui concerne la collaboration et le déroulement des projets. « Dans notre profession, nous travaillons régulièrement avec d’autres, nous montons des équipes de projets. Nous partons d’un concept, le testons à chaque étape, pour finalement le mettre en œuvre. »
Son expérience de travail au sein de grandes firmes d’architecture l’aide à interagir avec les parties prenantes dans les dossiers d’aménagement, notamment les promoteurs. « Je comprends d’où ils viennent et je sais qu’ils ont un ratio de rentabilité et des délais à respecter. Ma profession me permet d’échanger avec eux de manière plus franche à propos des projets en développement et des options à considérer. »
Les discussions autour de thèmes comme le génie civil ou les tests de sol se trouvent également facilitées par les connaissances et la formation de la mairesse. « Cela me permet de poser des questions sur l’échéancier et les étapes d’avancement sans qu’on ait à me le rappeler », ajoute-t-elle.
Gérer le bien commun
En devenant mairesse, Chloe Hutchison voulait donner à la municipalité de Hudson la chance de rééquilibrer le développement résidentiel et la protection des espaces naturels, dans une optique de meilleure gestion du bien commun. « Dès le début de mon mandat, nous avons mis en place un programme temporaire pour protéger 38 % de notre territoire. Ma plateforme, c’est de travailler avec ce que nous avons déjà, notre bien commun. C’est une tâche colossale », dit-elle en déplorant que la réglementation actuelle protège surtout le privé.
La mairesse architecte travaille justement à une refonte de la réglementation qui, par sa désuétude [elle date des années 1990], cause beaucoup de discordances. « Il s’agit d’un plan de réaménagement équilibré selon nos valeurs, notre culture locale, la notion d’abordabilité et notre appréciation du paysage. C’est bien beau de construire des condos, mais comme la population est vieillissante, nous voudrions aussi attirer des services à cet égard. »
La mairesse prend tout de même soin de ne pas confondre son rôle de mairesse et ses préférences particulières en tant qu’architecte dans les projets d’aménagement de sa municipalité. « C’est sûr que j’ai une sensibilité face au patrimoine et à l’architecture qui va toujours influencer mes préférences. Et dans un sens, elle a joué en faveur de mon élection. Mais j’essaie de garder une certaine séparation entre mon rôle politique et ma profession. »
Dans son rôle de mairesse, Chloe Hutchison croit être arrivée à un moment de sa carrière où tout lui semble possible. « Je suis prête à accueillir n’importe quel projet et je saurai comment le décortiquer, comme je l’ai fait pendant mes années dans les bureaux d’architecture. »