Prix d’excellence en architecture 2022, catégorie Bâtiments industriels - ex æquo
La Ville de Montréal devait implanter la nouvelle prise d’eau du canal de l’Aqueduc en milieu urbain, un projet qui posait un risque sur le plan de l’acceptabilité sociale. Avec l’équipe de conception, elle a donc misé sur l’esthétique pour susciter l’adhésion de la population riveraine.
La prise d’eau est construite dans le parc linéaire qui longe le canal de l’Aqueduc, à la vue des quartiers résidentiels adjacents. Elle abrite des turbines et un système de filtration qui nettoie l’eau avant de l’envoyer, 900 m plus loin, à l’usine de filtration Atwater, qui produit 40 % de
l’eau potable de Montréal. « On était très conscients de l’empreinte du bâtiment dans le milieu et on avait une volonté qu’il s’intègre sur le plan architectural afin d’obtenir un accueil favorable de la population », se souvient Jean-François Dubuc, chef de la division Infrastructures réseau principal, au Service de l’eau de la Ville de Montréal. Au défi de l’acceptabilité sociale s’ajoutait celui de l’étroitesse des lieux, le site étant situé entre le canal et le boulevard Champlain, en plus d’être traversé par une piste cyclable et une ligne à haute tension.
Smith Vigeant Architectes a relevé le défi et adopté la vision de la Ville pour soigner l’esthétique de cette infrastructure industrielle. De son côté, l’arrondissement de Verdun a demandé que le projet passe par le comité consultatif d’urbanisme pour être présenté à la population. « Les citoyens sont toujours un peu réfractaires à l’idée d’avoir un bâtiment industriel à côté de chez eux, souligne Daniel Smith, architecte principal chez Smith Vigeant Architectes. Nous voulions faciliter ce processus d’acceptabilité en donnant une valeur esthétique et d’animation dans le parcours récréatif. »
Horizontal comme l’eau
L’étude préliminaire suggérait de donner de la transparence au bâtiment avec des murs en lamelles de verre verticales. Toutefois, pour des raisons de sécurité et de performance énergétique, les architectes ont proposé de fermer le bâtiment avec un revêtement métallique. Comme une structure sans fenêtre peut être assez morne, l’équipe de conception a ensuite travaillé sur le thème de l’eau pour lui donner vie. « À l’équilibre, l’eau est un élément qui se met toujours à niveau, dépeint Daniel Smith, et on l’a illustré graphiquement avec des lignes horizontales. On a aussi joué avec les tonalités du blanc au bleu foncé pour rappeler les différents états de l’eau. »
Les architectes n’ont cependant pas abandonné les lamelles de verre, mais en ont fait une double peau fermant une coursive extérieure et dotée d’un éclairage intégré. Toujours pour évoquer l’horizontalité, le mur de fondation est paré de briques minces et allongées de deux tons.

Photo : David Boyer
Le bâtiment s’intègre aussi à son environnement grâce à son toit végétalisé, qui compense son emprise sur le parc linéaire. « C’est un élément qui a aidé à l’acceptabilité du projet, car des condos ont une vue en plongée sur la prise d’eau », commente Daniel Smith. Quant au mur de briques côté rue, il disparaîtra sous un treillis végétal.
Avec ses dégradés de bleu, l’édifice s’harmonise avec la neige et le ciel. Le soleil joue sur le verre et le métal, créant des effets de lumière changeants au gré des heures. Les lamelles de verre verticales et les panneaux métalliques horizontaux dynamisent les façades selon un rythme qui évolue aussi avec la lumière. « [Le bâtiment] devait animer le parcours récréatif, et chaque fois que je le vois, je découvre des effets qu’on n’avait pas anticipés », confie Daniel Smith.
L’intrigante construction bleutée cache bien sa nature industrielle. « On n’est pas habitué à ce que ce genre de bâtiment soit esthétique. On est bien content du résultat », dit Jean-François Dubuc.
Commentaires du jury
Le jury salue la volonté partagée du maître d’ouvrage et de l’équipe de conception de dépasser une simple commande d’infrastructure d’utilité publique. Il en résulte un bâtiment dont l’architecture expressive se distingue par son intégration sensible au parc qui borde le canal, par ses élégantes proportions et par une matérialité étudiée qui en change les perceptions selon l’heure du jour, les conditions atmosphériques et les saisons. Cet intrigant objet architectural contribue de façon remarquable au paysage de ce secteur de la ville et à l’architecture industrielle de Montréal.

Illustration : Smith Vigeant Architectes
▶ EMPLACEMENT
Montréal
▶ MAÎTRISE D’OUVRAGE
Ville de Montréal, Service de l’eau, Direction de l’eau potable
▶ ARCHITECTE
Smith Vigeant Architectes : Daniel Smith
▶ COLLABORATIONS
Anik Malderis, Mariana Segui, Jennifer Dykes, Stéphan Vigeant
▶ CONSULTATION
HATCH