Aménagements publics, jardins sur les toits, dans les commerces ou les bureaux; l’agriculture urbaine n’est plus marginale. Des projets de petite et grande envergure poussent un peu partout sur la planète. En voici quatre dignes de mention.

Jagtvej 69, Copenhague

Jagtvej 69 – Projet de logements temporaires pour les sans-abri et jardins urbains, Copenhague (Danemark), WE Architecture Illustration : WE Architecture

Logements nourriciers

Dans le quartier Nørrebro de Copenhague, un projet inusité combinera agriculture urbaine et logement social. WE Architecture et Erik Juul ont été mandatés par l’organisme à but non lucratif Vendepunktet (le point tournant) pour concevoir le site Jagtvej 69, nommé d’après l’adresse du lieu.

Le village de 2000 m2 sera composé de 19 conteneurs blancs par-dessus lesquels s’empileront des échafaudages recouverts de verdure. Il comportera des logements pour sans-abri, ainsi qu’un mur végétal, des cours et des potagers.

« Cet aménagement temporaire permettra de revitaliser un espace inoccupé, puis de reconstruire le tout ailleurs. Le volet vert est venu du fait que le Danemark compte de nombreux jardins communautaires, qui sont extrêmement populaires, mais aussi très chers », explique Marc Jay, partenaire-fondateur de WE Architecture.

« Le projet donnera une deuxième chance à des jeunes défavorisés, un endroit où ils pourront habiter, terminer leur formation et travailler tout en ayant le soutien de psychologues et d’éducateurs », souligne ce dernier. Les voisins pourront aussi prendre soin des plantes et des légumes en socialisant avec les occupants.

Les conteneurs pourront s’adapter à différentes fonctions : chambre, cuisine, serre, café, bureau ou même studio de yoga. On y tiendra des activités communautaires.

Les architectes espèrent commencer les travaux dans les prochains mois, mais l’opposition est vive. Les anciens occupants craignent que le terrain soit utilisé à des fins commerciales. « Les discussions sont en cours, assure Marc Jay, qui avoue que c’est le plus grand obstacle à surmonter. Sinon, il y a d’autres sites vacants en ville. »

La Caverne, Paris

La Caverne, Paris, Cycloponics
Illustration: Cycloponics

Sous les pavés, les légumes

S’il n’en tenait qu’à Théophile Champagnat et Jean-Noël Gertz, les Parisiens du 18e arrondissement s’approvision-neraient dorénavant en légumes de toutes sortes dans un stationnement souterrain. Les cofondateurs de Cycloponics ont séduit le jury de Parisculteurs, un appel à projets d’agriculture urbaine lancé par la mairie de Paris en 2016.

Leur idée ? Convertir un garage de 3500 m2 en ferme. Alors que des jardins voient le jour sur les toits, en bâtir un au deuxième sous-sol d’un immeuble de 300 logements sociaux peut paraître saugrenu. « On répond à une problématique, explique Théophile Champagnat. L’occupation des stationnements en ville est en diminution. On se retrouve avec de grandes surfaces sous-occupées dont personne ne sait que faire et des problèmes de squats. »

L’espace, bien protégé des intempéries, permet de contrôler plus facilement le climat et de cultiver des plantes potagères toute l’année. Trois types de productions sont au programme. « La Caverne » abritera légumes, champignons et micropousses sous des ampoules DEL, qui remplaceront le soleil.

Les défis ne manquent pas pour la petite équipe. « Il y a tout un tas de démarches administratives, comme l’obtention d’un permis de construire. La technique agricole dans un milieu confiné est aussi tout un défi. Il faut contrôler l’humidité, le taux de CO2, la température, etc. » Quelque 800 000 € devraient être investis dans cette exploitation sans pesticide ni OGM.

Les premières récoltes sont attendues cet été. « Nous commencerons sur une petite échelle de 500 m2 », précise Théophile Champagnat. À terme, le projet produira 40 tonnes de nourriture par an et permettra de recycler 20 tonnes de déchets organiques provenant de la ville pour les transformer en substrats pour la culture des champignons. Les habitants de l’immeuble bénéficieront d’ailleurs d’un tarif réduit à l’achat de produits. ‘

The Plant, Chicago

The Plant
Photo : Liz Lyon

Rien ne se perd

De l’extérieur, le bâtiment industriel qui abrite désormais la communauté d’entreprises agroalimentaires The Plant et l’organisme à but non lucratif Plant Chicago offre peu d’indications sur ce qui s’y trame. Aussitôt le seuil franchi, toutefois, on peut observer une économie circulaire en pleine action.

« L’idée vient de John Edel, qui gère Bubbly Dynamics, la compagnie propriétaire du bâtiment de 8686 m2. Il a repris un concept qu’il avait déjà appliqué aux artisans (menuisiers, fabricants de vélos) et l’a appliqué à la nourriture. L’idée est de regrouper plusieurs petits entrepreneurs sous un même toit », raconte Kassandra Hinrichsen, directrice du volet éducation et des relations avec la communauté de Plant Chicago. 

Parmi les locataires de The Plant figurent notamment des fermes hydroponiques, une boulangerie, un microbrasseur, un producteur de kombucha, un torréfacteur et un apiculteur. « C’est tout à fait logique. Des liens se tissent entre les entreprises », constate Kassandra Hinrichsen. Plant Chicago exploite de son côté un élevage de poissons, une champignonnière, une culture d’algues et une culture sur butte à l’extérieur. Mieux connue sous le terme hugelkultur, il s’agit d’une tranchée remplie de matière organique en décomposition (ici, du bois non traité, récupéré du bâtiment, et des restes de nourriture) que l’on recouvre de terre et de plantes. Lorsqu’il pleut, le bois absorbe l’eau, ce qui fournit une réserve dans laquelle les végétaux peuvent ensuite puiser.

Des ateliers pour le grand public et les étudiants sont aussi offerts sur place. On peut notamment y apprendre les secrets de la fermentation ou de la culture de micropousses. Le samedi, le marché des agriculteurs est un évènement couru.

L’OBNL mène également divers projets de recherche sur l’économie circulaire. « Dans ce concept, les déchets peuvent être exploités; les rebuts d’une industrie peuvent devenir des matériaux utiles pour une autre. » À l’usine, les sous-produits de la brasserie nourrissent par exemple les poissons, qui à leur tour fertilisent les plantes avec leurs rejets.

Le projet est une réussite. De nouvelles entreprises s’y joindront bientôt, et Bubbly Dynamics recherche actuellement des fonds pour construire un méthaniseur qui permettra de transformer les matières organiques comme le fumier ou les restes de table en biogaz.

Agora Garden, Taipei

Projet Agora Garden, Taipei (Taïwan), Vincent Callebaut Architectures
Illustration : Vincent Callebaut Architectures

Ode à l’ADN

Pour Vincent Callebaut, l’avenir sera vert ou ne sera pas. L’un des projets de cet architecte connu pour ses idées avant-gardistes et utopiques prend forme à Taipei. La tour d’habitation Agora Garden (aussi appelée Tao Zhu Yin Yuan) devrait être achevée en septembre 2017.

Grâce à son concept qui évoque la double hélice de l’ADN, Vincent Callebaut a remporté un concours international d’architecture organisé par BES Engineering Corporation en novembre 2010. « La structure de 20 étages vise à limiter l’empreinte écologique des habitants en recherchant une symbiose entre l’être humain et la nature », souligne le concepteur.

La torsion à 90 degrés et le décalage entre les niveaux permettront d’offrir aux résidents un maximum de vues panoramiques et de jardins à ciel ouvert. Au total, 23 000 arbres seront plantés sur les terrasses et au sol. Ceux-ci absorberont, selon les calculs de la firme, 130 tonnes de CO2 par an.

Chaque habitant aura l’occasion de s’improviser jardinier : selon les étages, les balcons seront dotés de potagers, de fleurs, de plates-bandes aromatiques ou même de minivergers. Un espace pour le compost ainsi que des réservoirs d’eau de pluie permettant d’irriguer les plantes sont également prévus.

L’eau pluviale sera recyclée dans le réseau sanitaire du bâtiment, et 1000 m2 de panneaux photovoltaïques seront installés sur le toit. En somme, l’architecte voit son projet comme « un arbre habité au milieu d’une forêt urbaine ».