La phase 3 de la promenade Samuel-De Champlain incarne une vision ambitieuse : permettre à la population québécoise de se réapproprier un bout de son fleuve, le Saint-Laurent. Vu l’affluence sur le site, aménagé par Daoust Lestage Lizotte Stecker, on peut dire que c’est réussi !
Il a fallu déplacer des montagnes – ou presque – pour réaliser la phase 3 de la promenade Samuel-De Champlain, à Québec. En fait, c’est la voie ferrée qui longeait le fleuve au pied de la falaise qui a dû être déplacée, une opération
des plus complexes sur le plan logistique. Il a aussi fallu négocier avec de multiples parties prenantes pour requalifier une zone de 150 000 m² et ainsi libérer une bande riveraine précieuse pour le projet.
« Il y a eu beaucoup de défis à relever, concède Réal Lestage, urbaniste et associé chez Daoust Lestage Lizotte Stecker (DLLS). Toutefois, celui qui nous a mis le plus de pression a été de s’assurer que le projet soit dans la continuité de la phase que nous avons réalisée en 2008, un succès d’estime autant que de fréquentation. C’est comme un artiste qui fait un premier bon disque. Il a toujours plus de pression pour le deuxième. »
Située entre la côte de Sillery et la côte Gilmore, la nouvelle promenade piétonne et cycliste serpente le long du fleuve sur 2,5 km, offrant une alternance d’expériences allant de la contemplation du panorama à l’activité récréative. À mi-chemin, on trouve une station balnéaire avec bassin de baignade, miroir d’eau et plage de sable naturel. Trois pavillons de services ponctuent le parcours en s’intégrant harmonieusement au paysage.
Un long délai
Même si DLLS avait déjà été sélectionnée pour poursuivre l’aménagement de la promenade, les architectes n’ont pas pu procéder comme prévu. Pour diverses raisons, le gouvernement a décidé de reporter le projet. Avant de le relancer, il a choisi d’effectuer les travaux pour relier le quai des Cageux au sentier des Grèves jusqu’à la plage Jacques-Cartier. Cette deuxième phase a été réalisée en 2016 par une autre firme.
Ce n’est qu’en 2017 que DLLS a eu le feu vert pour la phase 3, qui prolonge la promenade vers l’est. Il y a donc eu un délai de neuf ans avant que les architectes puissent ressortir les esquisses préliminaires déjà réalisées. Il a aussi fallu reformer une équipe de conception, qui s’est enrichie d’architectes de la relève. « Ils ont apporté un regard neuf sur le concept et une plus grande précision dans les détails de construction », indique l’urbaniste.
Eric Lizotte est l’un des jeunes architectes qui ont intégré l’équipe. « La promenade touchait à plusieurs échelles, soit le paysage, l’architecture, le design industriel. On exigeait le même degré de précision de tous les entrepreneurs, que ce soit pour les grands ouvrages civils ou l’assemblage du mobilier urbain. Par exemple, les alignements ont demandé une grande coordination, puisque l’entrepreneur qui fait les traits de scie dans les trottoirs n’est pas nécessairement le même qui installe le mobilier urbain », illustre-t-il.
Grégory Taillon, quant à lui, a trouvé très motivant de collaborer avec une équipe consacrée au bien du projet et de ses usagers et usagères. « Au final, le client, c’est tout le monde. Chaque décision est prise pour les générations à venir. Pour être durable, un projet public doit rester pertinent et garder son sens au fil des décennies. C’est pour cela que nous avons misé sur la simplicité, loin des effets de mode et des tendances. »

Une prouesse technique
Dans un projet de cette envergure, la présence de nombreuses parties prenantes autour de la table, du donneur d’ordre aux entrepreneurs spécialisés, en passant par différentes instances réglementaires, devient un défi en soi, selon Réal Lestage. « La grande difficulté, c’est de conserver l’esprit de départ du projet malgré les demandes et les objections de certains par rapport à un concept. On doit parfois faire des compromis, mais on s’assure qu’ils ne dénaturent pas l’ensemble du projet », soutient-il.
Les architectes n’ont toutefois fait aucun compromis sur la conception du bassin d’eau, l’une des pièces maîtresses de cette phase. Véritable prouesse technique, il donne à ceux et celles qui y plongent l’illusion de se baigner dans le fleuve, grâce à son débordement qui se fond dans l’horizon.
Pour des raisons de salubrité, le bassin ne pouvait être alimenté directement avec l’eau du fleuve. Afin de remédier à la situation, un système complexe de canalisations permettant de pomper, de chauffer et de filtrer l’eau a été dissimulé sous la piscine. Il fallait aussi assurer la sécurité. L’équipe de conception a vite rejeté l’idée d’installer une clôture, qui aurait rompu l’harmonie esthétique du lieu. On a plutôt opté pour des garde-corps escamotables dénichés en Pologne. Il suffit d’appuyer sur un bouton pour qu’ils descendent dans un caniveau technique. « C’était un élément essentiel au concept pour que la magie opère », fait valoir Réal Lestage.
Philippe Plante, directeur de l’exploitation à la Commission de la capitale nationale du Québec, se réjouit que la promenade Samuel-De Champlain remporte un tel succès de fréquentation. « Elle se voulait un projet signature pour Québec, et c’est réussi. En tant que donneur d’ouvrage, cela nous encourage à mettre de l’avant d’autres projets de cette nature. » L’idée d’une phase 4 pour revitaliser les berges vers l’est fait d’ailleurs son chemin. Le projet est actuellement à l’étude. À suivre donc. l

Photos : Maxime Brouillet (A),
Stéphane Groleau (B, C) et Érik Chouinard (D)
Illustration : Daoust Lestage Lizotte Stecker
Commentaires du jury
Cette métamorphose d’un site chargé d’histoire et largement défiguré au cours des dernières décennies a d’abord le mérite d’avoir restauré l’accès citoyen au fleuve Saint-Laurent. Elle incarne une sobriété exquise dans les gestes architecturaux et les aménagements, qui transcendent et subliment les panoramas entre falaise et fleuve sans toutefois s’y imposer.

Livraison 2023
Emplacement Québec
Client Commission de la capitale nationale du Québec (CCNQ)
Architecture Daoust Lestage Lizotte Stecker
Architecture de paysage Daoust Lestage Lizotte Stecker
Entrepreneurs
Construction BML – station de la Côte, station de la Voile et boulevard
Construction Deric – station de la Plage, bassins miroir et baignade
Construction Citadelle – pavillon de la Côte et pavillon de la Voile
Beauvais & Verret – pavillon des Baigneurs
Ingénierie
SNC-Lavalin
WSP
Tetra Tech
Gérant de construction Pomerleau
Mécanique de procédé François Ménard
