Après des années de développement, Provencher_Roy a réussi à relever le défi lancé par l’Administration portuaire de Montréal (APM) : donner à la population montréalaise un nouveau point de vue sur sa ville tout en lui offrant un accès au fleuve.
Au 20e siècle, la jetée Alexandra était le lieu par lequel les immigrants et immigrantes arrivaient au Canada, et c’est désormais l’endroit où débarquent les bateaux de croisière.
« La gare d’Iberville [existait déjà] et elle était restée [en l’état] depuis Expo 67 », se souvient le directeur du Grand Quai et des croisières, Philippe Bertout. Mais plutôt que de s’en tenir aux travaux nécessaires de consolidation du quai, l’APM a préféré en faire un projet majeur à l’occasion du 375e anniversaire de la ville de Montréal afin « de laisser un legs aux Montréalais », précise-t-il.
Pour réaliser le projet désormais connu sous le nom de Grand Quai, l’APM avait invité cinq firmes à soumettre des idées. C’est Provencher_Roy qui a remporté le mandat. « Ce qu’on a proposé à l’époque, se souvient Sonia Gagné, architecte associée principale de Provencher_Roy, c’était de rendre accessible [au public] la jetée, qui était [uniquement consacrée aux opérations portuaires]. On a alors abaissé le bout du quai à l’extrémité de la grande place pour offrir une plus grande proximité avec l’eau. »
L’équipe de conception a ensuite cherché une solution pour inciter le public à se rendre au bout de la jetée. « C’est là qu’est venue l’idée d’intégrer une tour, qui deviendrait une porte d’entrée maritime pour Montréal et qui pourrait aussi servir pour les évènements », relate-t-elle.
Un nouveau point de vue pour Montréal
Avant de créer la tour, l’équipe de conception avait réaménagé la gare existante, qui se trouve à l’entrée du Grand Quai. En plus d’accueillir les bateaux de croisière environ 60 jours par année, l’espace permet désormais la tenue d’évènements grâce à l’intégration de salles multifonctionnelles.
Diverses mesures écologiques ont été intégrées au projet. Les quais ont été électrifiés, ce qui a permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 2800 tonnes par année et d’améliorer la qualité de l’air. Au-dessus de la gare, on a remplacé l’ancienne toiture d’asphalte par un toit vert, où près de 20 000 végétaux ont été plantés. Une petite station météorologique y a même été intégrée pour pouvoir les arroser dès que cela est nécessaire. Cet espace est désormais accessible au public à partir de la promenade du Vieux-Port par un large escalier. Il surplombe les quais où accostent les bateaux de croisière.
Après avoir traversé ce parc, on atteint l’entrée de ce qui s’appelle maintenant la Tour du Port de Montréal, culminant à 65 m. Les architectes ont veillé à ne pas masquer le paysage et les autres bâtiments iconiques du secteur, comme Habitat 67 ou le Silo no 5.


De multiples défis
L’empreinte au sol du bâtiment vertical devait être restreinte le plus possible : une contrainte qui a représenté de nombreux défis pour l’équipe de conception. La forme de l’ouvrage est inspirée des tours de convoyeurs visibles à plusieurs endroits le long du port de Montréal. Sa structure a été ancrée dans le sol en roc. « On a travaillé la structure en béton comme quatre équerres en angle aux quatre coins du bâtiment, précise l’architecte. Au lieu d’avoir des murs pleins, l’espace vide entre les équerres a permis de créer un effet de profondeur une fois qu’il a été enveloppé avec le mur rideau. »
La présence de béton précontraint dans les éléments porteurs verticaux a notamment permis de créer d’importants porte-à-faux. La structure d’acier dont ils sont constitués vient s’accrocher à ces éléments porteurs. « On a pu déployer une plateforme d’observation à 360 ° au treizième étage, avec une vue vraiment extraordinaire sur la montagne et sur le centre-ville », se réjouit Sonia Gagné.
À cause de sa faible emprise au sol, le bâtiment oscille au vent. L’équipe de conception a dû mener plusieurs études avant d’en arriver à la forme définitive de la tour. « Pour définir le niveau acceptable d’oscillation, on est allés faire des tests dans un simulateur à Terre-Neuve », explique l’architecte. L’équipe du projet a ensuite intégré à la tour un amortisseur de masse qui permet de réduire l’ampleur des oscillations et d’améliorer le confort des visiteuses et visiteurs.
L’architecte s’est inspiré des escaliers typiques de Montréal pour concevoir un escalier hélicoïdal en laiton et en bois qui mène au sommet de la tour à partir de la plateforme d’observation. Sa couleur dorée évoque d’ailleurs le blé qui transitait par le port vers les marchés étrangers. « Cet escalier est une œuvre d’art », affirme Philippe Bertout.
Le directeur du Grand Quai voulait offrir aux visiteurs et visiteuses « des sensations fortes ». C’est dans cet esprit qu’il a demandé aux architectes d’ajouter au sommet de la tour une boîte entièrement vitrée. « Ça a été un grand défi de venir intégrer cette boîte en verre suspendue, avec le moins possible d’attaches visibles », ajoute Sonia Gagné.
Un lieu unique
Philippe Bertout confie que la demande est forte pour les espaces événementiels de la tour : « Ce qui plaît beaucoup, c’est la proximité avec la ville, le fleuve et la lumière naturelle. »
La fondatrice de l’agence Rox-Out, Eliana Akl, a été l’une des premières à y organiser des évènements. Elle souligne l’avantage que les cuisines soient adaptées à tous les types de fournisseurs, contrairement à d’autres espaces du genre. Elle a récemment organisé une réception où la mariée était originaire de Corée. « Sa famille a pu découvrir la ville, se souvient-elle. Pour moi, c’est l’une des plus belles vues de Montréal. »
Photos : Olivier Blouin (A), James Brittain (B)
Illustration : Provencher_Roy
Commentaires du jury
Fruit d’une recherche structurale impressionnante,
cette tour évoque le passé portuaire de la métropole grâce
à son esthétique et au choix judicieux de ses matériaux.
En tant qu’infrastructure à vocation internationale, elle incite
à l’exploration en offrant un accès singulier à un lieu traditionnellement enclavé. Ce projet se profile déjà
comme un repère incontournable de Montréal.
- Année de livraison 2023
- Emplacement Montréal
- Client Administration portuaire de Montréal (APM)
- Architecture Provencher_Roy
- Entrepreneur Pomerleau
- Ingénierie des structures NCK Inc.
- Ingénierie civile Génipur
- Ingénierie électromécanique Pageau Morel
- Infrastructure maritime WSP
- Architecture de paysage NIPPAYSAGE
- Verre structural Elema
- Éclairage CS Design
- Consultant en développement durable Arup