Les architectes exerçant en pratique privée sont appelés à travailler en collaboration avec d’autres professionnels pour de grands projets nécessitant des ressources considérables ou des compétences diverses. Tour d’horizon des dispositions à respecter.

AVIS JURIDIQUE
Afin de clarifier certains aspects de sa réglementation et de mieux accompagner ses membres, l’OAQ sollicite à l’occasion des avis juridiques. Cet article présente la position des avocats récemment consultés.

Par Me Manon Lavoie, associée, et Me Michel Jetté, avocat, tous deux chez Therrien Couture Joli-Coeur

Les maîtres de l’ouvrage, tant dans le domaine privé que public, trouvent pratique de regrouper dans un seul contrat l’ensemble des professionnels et des non-professionnels appelés à travailler à un projet. Dans ce contexte, l’ensemble des personnes concernées doivent se regrouper d’une quelconque manière. Ces types de regroupements évitent aux maîtres de l’ouvrage de gérer plusieurs contrats professionnels dans leurs projets. Au lieu d’une multitude de soumissions ou de contrats, les clients requièrent la présentation d’un seul et unique document qui définit l’ensemble du projet et le travail qui sera effectué par chaque contractant (architecte, ingénieur, designer d’intérieur, etc.).

Une forme de regroupement qui a gagné en popularité au fil des années est le consortium. Le Larousse le définit comme une « association d’entreprises constituée dans le but de réaliser un projet commun ». Quant au contrat de consortium, il est « un contrat innommé issu de l’imagination des praticiens pour répondre aux besoins d’entreprises qui souhaitent soumettre conjointement une soumission relative à un projet déterminé commandé par un maître d’ouvrage. Il s’agit d’un contrat conclu pour répondre à des exigences particulières et propres au cas d’espèce1».

Il n’y a aucune prohibition de regroupement de type consortium dans la législation applicable aux membres de l’Ordre. La loi s’intéresse à la conduite personnelle des membres de l’Ordre en leur imposant des devoirs et des prohibitions. Elle ne s’intéresse pas, ou très peu, aux structures d’organisation du travail professionnel. Le Règlement sur l’exercice de la profession d’architecte en société qui régit les sociétés à responsabilité limitée est une exception.

Le plus grand défi pour les architectes qui participent à ces regroupements en consortium consiste dans le respect de la législation qui encadre l’exercice de leur profession. Plus précisément, les contrats de consortium ne doivent pas faire échec aux obligations imposées aux architectes en vertu de toute la législation régissant la conduite des membres de l’Ordre.

L’architecte travaillant en consortium avec des non-architectes doit maintenir un contrôle réel sur le travail qu’il effectuera dans le cadre du consortium et participer à la gestion de sa partie du travail et du projet. Évidemment, le fardeau de maintenir un contrôle certain sur son travail et sur sa gestion incombe uniquement à l’architecte qui choisit de se regrouper en consortium. Si un architecte ne s’assurait pas que l’exercice de ses activités professionnelles au sein d’un consortium respectait la législation qui lui est applicable, il contreviendrait à la loi. Les devoirs et les prohibitions qui lui sont imposés le sont à titre personnel. Il ne peut s’y soustraire en invoquant la responsabilité d’un tiers.

L’entente conclue par des architectes avec des non-architectes pour agir en consortium doit nécessairement respecter, dans son libellé même comme dans son exécution, toute la législation qui régit l’exercice de la profession d’architecte, à commencer par son Code de déontologie, qui prévoit les devoirs et obligations de l’architecte envers le client. L’architecte est tenu aux mêmes obligations de compétence et de professionnalisme, peu importe la structure au sein de laquelle il exerce et les autres personnes et professionnels avec lesquels il collabore.

Certaines dispositions du Code de déontologie, notamment les articles 3 à 5, prévoient expressément que l’architecte doit s’assurer que toute personne qui collabore avec lui dans l’exercice de sa profession, en société ou non, respecte les dispositions de ce code et de toute législation qui lui est applicable.

Quant à la responsabilité civile de l’architecte, l’article 17 du Code de déontologie prévoit des obligations spécifiques :

17. L’architecte doit, dans l’exercice de sa profession, engager pleinement sa responsabilité civile. Il ne doit pas l’éluder ou tenter de l’éluder ni requérir d’un client ou d’une autre personne une renonciation à ses recours en cas de faute professionnelle de sa part. Il lui est interdit de prévoir, dans un contrat de services professionnels, une clause excluant, directement ou indirectement, en totalité ou en partie, cette responsabilité. Il ne peut non plus invoquer la responsabilité de la société au sein de laquelle il exerce ses activités professionnelles ni celle d’une autre personne qui y exerce aussi ses activités pour exclure ou limiter sa responsabilité personnelle.

Cette disposition du Code de déontologie vise à protéger le public des actes qui sont commis par un architecte dans l’exercice de sa profession et qui engageraient sa responsabilité civile professionnelle. Elle interdit spécifiquement à l’architecte d’éluder sa responsabilité en se cachant derrière la société dans laquelle il travaille ou derrière une personne qui exerce ses activités avec lui dans cette société. Cette prohibition s’applique aussi dans le cadre de l’exercice en consortium.

L’architecte qui exerce en consortium devra aussi s’assurer qu’il respecte ses obligations découlant du Règlement sur la souscription obligatoire au Fonds d’assurance responsabilité professionnelle de l’Ordre des architectes du Québec.

L’architecte qui exerce ses activités professionnelles en consortium doit donc s’assurer de respecter toute la législation à laquelle il est assujetti. Il lui est fortement recommandé d’analyser minutieusement le contrat de consortium et de consulter un avocat à cet effet.


1 Me Vincent Karim, Le consortium d’entreprises, joint venture–nature et structure juridique : rapports contractuels, partage des responsabilités, règlement des différends, 2e éd., 2016, Montréal, Wilson & Lafleur, chap. 1, paragr. 22.