Porter les chapeaux d’architecte et d’entrepreneur général a ses avantages, mais présente aussi son lot de défis. Voici quelques balises pour mieux se diriger sur ce sentier peu fréquenté.
Concerné par l’ensemble des tâches que comportent la conception et la construction d’un projet, l’architecte-entrepreneur exerce un contrôle direct sur la qualité des travaux. Ce double rôle est un argument de vente convaincant auprès d’un client qui veut s’assurer de la réalisation soignée de son ouvrage.
L’essentiel contrat
Dans cette situation, la transparence est de mise ! Faites preuve de vigilance lors de l’élaboration du contrat avec le client pour lequel vous comptez aussi agir à titre d’entrepreneur, car vous serez automatiquement en situation de conflit d’intérêts. Il est obligatoire de divulguer ce conflit d’intérêts et d’obtenir l’approbation écrite du client afin de pouvoir agir sur les deux fronts (art. 38, Code de déontologie), et ce, dès le début du projet.
Assurez-vous que le contrat décrit clairement votre mandat et vos rôles. Évitez par ailleurs les clauses visant à vous délester de certaines de vos responsabilités professionnelles. Vos obligations demeurent malgré le double rôle que vous assumez (art.17, Code de déontologie).
Puisque les contrats entre un client et un architecte-entrepreneur ne sont pas monnaie courante, il est préférable de consulter un conseiller juridique pour l’élaboration de ce type d’ententes. C’est ce document qui établira les règles du jeu; il serait dommage de partir du mauvais pied !
Une structure administrative particulière
Afin d’éviter tout malentendu, exposez clairement à votre client la structure administrative des différentes entités qui prendront part au projet. Assurez-vous que les sociétés qui se chargeront de la conception et de la construction sont conformes à la réglementation et qu’elles sont dûment immatriculées au Québec (Règlement sur l’exercice de la profession d’architecte en société).
Ensuite, veillez à organiser le champ d’action de chacune des sociétés de façon que le contrat respecte les règles concernant les ententes de services professionnels d’architecture (art. 12 et 40, Code de déontologie). Dans le doute, communiquez avec l’Ordre pour vous assurer que votre structure administrative est adéquate.
Gare aux documents incomplets !
Un architecte qui agit en tant qu’entrepreneur général pour un projet qu’il a conçu peut être tenté de prendre des raccourcis dans les plans et devis puisqu’il sera présent sur le chantier. Lors de l’inspection professionnelle, nous avons constaté que plusieurs architectes-entrepreneurs réduisent la quantité ou la qualité des détails de construction dans les plans. Tout architecte est soumis à l’obligation de fournir des plans complets pour les fins auxquelles ils sont préparés (art. 29, Code de déontologie). Pour obtenir plus d’information à ce sujet, voir l’article « Documents incomplets : Gare aux poursuites! », paru dans Esquisses au printemps 2019.
Et la surveillance des travaux ?
Le fait que l’entrepreneur sur le chantier porte aussi le titre d’architecte ne doit en aucun cas être invoqué comme moyen d’assurer la surveillance des travaux. Il est en effet contraire au bon exercice de la profession qu’un architecte surveille les travaux qu’il a lui-même effectués en tant qu’entrepreneur (art. 60 du Code de déontologie). La raison de cette interdiction est claire : si l’architecte combine les rôles de concepteur et de constructeur, il ne possède pas l’indépendance nécessaire à la charge de surveillant des travaux. D’ailleurs, la police d’assurance du Fonds des architectes ne s’appliquera pas en cas de réclamation relative aux services de surveillance dans une réalisation où l’architecte agit également comme entrepreneur (art. 2.03.13). Si le client souhaite obtenir des services de surveillance des travaux, il devra faire appel à un architecte indépendant.
L’architecte-entrepreneur doit expliquer au client ce qu’est la surveillance des travaux et en quoi sa présence sur le chantier ne constitue pas une façon adéquate de l’assurer (art. 23, Code de déontologie). Le processus d’accompagnement et d’information du client à cet égard doit être documenté et conservé au dossier du projet.
Travailler à la fois à la conception et à la construction d’un projet peut présenter des avantages conceptuels et financiers. Mais pour assumer cette double fonction dans les règles de l’art, il faut être bien préparé… et avoir deux chapeaux bien ajustés !