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Le nouveau contrat CCDC 2 est entré en vigueur en décembre 2020. Nouveauté notable : il comporte un jalon additionnel entre ceux de réception provisoire et de réception définitive, nommé « prêt pour occupation ». Les architectes auront à en évaluer la portée. Explications.

Largement utilisé dans l’industrie de la construction, le CCDC 2 est le modèle de contrat à forfait du Comité canadien des documents de construction (CCDC). Comme il s’agit d’une entente entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur général, les architectes ne le signent pas. 

Pourtant, son contenu les concerne, puisque ce contrat définit le rôle de l’architecte et ses obligations dans le déroulement d’un chantier. Les membres de la profession ont donc tout intérêt à prendre connaissance des change­ments apportés à la nouvelle version. Voici les principales modifications qui les touchent.

Un ajout bienvenu

Le CCDC 2 a la réputation d’être équitable et de répondre aux attentes des différentes parties prenantes d’un projet. Pourtant, dans la version de 2008, un bâtiment pouvait être livré avec l’étiquette « réce­ption provisoire », sans être à la satisfaction du maître d’ouvrage, quitte à ce que certains travaux soient achevés plus tard, en vue de la « réception définitive ». « Un entrepreneur aurait pu livrer une école sans avoir fini la peinture, ni enlevé les déchets de construction », illustre Yvon Lachance, architecte, associé principal chez BGLA et administrateur de contrats de construction certifié par Devis de Construction Canada.

Pour éviter de telles situations, maîtres d’ouvrage et architectes ajoutaient au contrat des clauses limitant par exemple le coût des travaux résiduels à effectuer après la réception provisoire. « C’est pour remédier à ce décalage entre la réception provisoire et les exigences propres au maître d’ouvrage que la version 2020 a ajouté un nouveau jalon nommé “prêt pour occupation” », explique Rodrigue Gilbert, vice-président aux affaires publiques à l’Association canadienne de la construction. 

Ce seuil s’insère entre la réception provisoire et la réception définitive, et reprend l’essentiel du contenu des clauses additionnelles qu’il fallait auparavant prévoir. « Avant, il fallait ajouter une clause pour que l’entrepreneur fasse un nettoyage final. Mais maintenant, c’est exigé pour atteindre l’étape “prêt pour occupation”. L’entrepreneur ne pourra plus dire qu’on peut donner des cours dans une salle de classe alors que le conteneur à déchets se trouve encore dans la cour d’école », illustre Yvon Lachance.

Ce jalon supplémentaire oblige aussi l’entrepreneur, entre autres, à fournir des dessins d’atelier à jour, à remettre les documents d’exploitation au maître d’ouvrage et à vérifier le bon fonction­nement des équipements mécaniques.

Il revient au maître d’ouvrage de juger si les clauses associées au jalon « prêt pour occupation » lui permettent de prendre possession du bâtiment. « Si ce n’est pas le cas, il pourra toujours recourir à d’autres clauses additionnelles, mais la grande majorité des maîtres d’ouvrage devraient se satisfaire de ce jalon », croit Yvon Lachance. 

De nouvelles clauses à vérifier

Cette étape supplémentaire a des effets sur un ensemble de clauses du CCDC 2. EIle marque notamment le début des périodes des garanties et l’entrée en vigueur des assurances, et permet à l’entrepreneur de demander les derniers paiements au maître d’ouvrage. 

Les architectes interviennent aussi à ce stade, puisqu’il leur faut alors vérifier la réalisation des clauses permettant d’établir que le bâtiment est prêt pour l’occupation. « Ils sont tenus de procéder à une visite de l’ouvrage pour valider les demandes de paiement présentées par les entrepreneurs qui estiment que l’ouvrage est prêt pour l’occupation », souligne Rodrigue Gilbert.

« Les architectes doivent apprivoiser cette nouvelle notion, mais une fois qu’ils la maîtrisent, ils ne courent pas de risques additionnels ni de risques différents de ceux auxquels ils sont normalement confrontés dans leur pratique », estime Yvon Lachance.

En cas d’occupation anticipée

Un maître d’ouvrage peut, dans certains cas, vouloir prendre possession d’une partie du bâtiment même si l’ensemble du projet n’est pas achevé. Comme cette situation n’était pas prévue dans le CCDC 2 de 2008, il devait dans un tel cas s’entendre avec l’entrepreneur. La nouvelle version du contrat prévoit ce genre de situation. « Il y a maintenant une clause qui encadre l’occupation anticipée pour permettre au maître d’ouvrage d’investir une section du bâtiment avant qu’il ne soit officiel­lement prêt pour occupation », décrit Yvon Lachance. 

Dans ce cas aussi, l’occupation anticipée déclenche les garanties, tandis que le maître d’ouvrage devient responsable de la section du bâtiment concernée.

Des coûts mieux encadrés

Le CCDC 2 étant un contrat à forfait, l’entrepreneur et le maître d’ouvrage s’engagent à ne pas changer le prix fixé. Mais il arrive qu’en cours de route des modifications apportées aux plans augmentent les coûts. Par exemple, si le maître d’ouvrage demande de séparer une salle de réunion en deux, l’entrepreneur doit commander les matériaux et payer les sous-traitants qui vont exécuter ces travaux supplémentaires. « C’est souvent une zone de friction en chantier, parce que l’entrepreneur n’est pas certain qu’il se fera payer pour ce travail », observe Yvon Lachance. 

La version de 2020 apporte des précisions sur les frais que l’entrepreneur peut réclamer. Quant à l’architecte, outre la tâche de préparer les plans de la modification voulue par le maître d’ouvrage, « il doit bien analyser et maîtriser le contenu du contrat avant d’évaluer la recevabilité de la demande de l’entrepreneur et de formuler son opinion au client », dit l’architecte et associé principal chez BGLA.

« Des documents contractuels robustes deviennent des outils de design, parce qu’ils évitent les soucis durant le chantier et facilitent le bon déroulement des travaux. »

–Yvon Lachance

Vers la division 01 du devis

Parallèlement à la révision du CCDC 2, l’équipe du CCDC a préparé un ensemble de sections de devis modèles, en particulier les sections de la division 01, où certaines clauses du CCDC 2 ont été transférées. De façon générale, les clauses de nature contractuelle et juridique restent dans le CCDC 2 de 2020, alors que les prescriptions de nature technique appartenant au champ de pratique de l’architecte sont reportées dans les sections de devis. 

Par exemple, « le fait que l’entrepreneur doit fournir les dessins d’atelier reste dans le CCDC 2, mais ce que doivent contenir les dessins, la façon de les présenter et les conséquences si ces dessins sont fournis en retard sont maintenant décrits dans des sections de la division 01 », dit Yvon Lachance. 

D’autres clauses sur les documents de chantier, les travaux de découpage et de réparation de même que le nettoyage ont connu le même sort. « Les architectes doivent être conscients que certains éléments de l’ancien CCDC 2 ont été déplacés dans les sections modèles. Si un client veut inclure des clauses juridiques dans les sections 00 ou 01, il faut lui proposer de les inclure dans les conditions générales supplémentaires qui, elles, relèvent du client », ajoute-t-il. 

Quant aux conditions générales, supplémentaires ou non, Yvon Lachance recommande à l’architecte de les laisser telles quelles. Puisque ces conditions sont hors de son champ de pratique, une modification pourrait entraîner des conséquences négatives sur sa couverture d’assurance. 

C’est aussi la mise en garde de Me Marie-Pierre Bédard, directrice du service des sinistres à la direction du fonds d’assurance de l’OAQ. « Si le client demande à l’architecte d’apporter des modifications au contrat type, l’archi­tecte devrait refuser. Donner suite à la demande du client l’exposerait à des risques significatifs, notamment en regard de la couverture d’assurance qui est offerte. » 

Elle rappelle que l’assurance couvre les dommages découlant d’une faute commise dans l’exercice de la profession d’architecte. Or, la direction du fonds d’assurance pourrait considérer que les dommages découlant d’une faute commise en rédigeant un contrat s’éloignent du risque couvert. L’architecte devrait plutôt diriger son client ou sa cliente vers un conseiller ou une conseillère juridique. 

Cela dit, Yvon Lachance recommande aux architectes de bien connaître l’entente intervenue entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur, non seulement pour cerner leurs rôles et responsabilités, mais aussi pour leur permettre un design plus audacieux. « Des documents contractuels robustes deviennent des outils de design, soutient-il, parce qu’ils évitent les soucis durant le chantier et facilitent le bon déroulement des travaux. » ●