Les relations contractuelles entre architectes et clients promoteurs font régulièrement l’objet de demandes d’information adressées au Fonds. Parmi les situations pouvant avoir un impact sur la responsabilité professionnelle, examinons la vente de projets entre promoteurs.

Prenons l’hypothèse suivante : vous avez obtenu un contrat de services professionnels portant sur la préparation des plans pour construction d’un immeuble d’une vingtaine d’appartements en copropriété. Vos honoraires ont été entièrement payés. Or, votre client décide, pour des motifs qui ne sont pas portés à votre connaissance, de céder les droits qu’il détient dans le projet.

Le promoteur ayant acquis ces droits communique avec vous pour vous demander d’effectuer certaines modifications aux plans. Quels sont vos droits liés aux plans déjà produits pour votre client initial ?

Ces plans constituent une œuvre artistique au sens de la Loi sur le droit d’auteur. Cette œuvre présente une valeur objective, et elle constitue un actif qui appartient à votre client. Lorsque le client paie des honoraires pour la préparation de plans et devis, on considère que ce paiement lui donne le droit ou la licence implicite d’ériger l’œuvre. Ce droit ou cette licence peut être cédé à un tiers.

Dans ce contexte, le nouveau titulaire de cette licence a le droit de procéder à des modifications mineures (déplacer une garde-robe, par exemple). Par contre, en l’absence de cession formelle des droits moraux dont l’architecte demeure titulaire, il ne peut y avoir de modifications substantielles aux plans (soit des modifications susceptibles de dénaturer l’œuvre ou de porter atteinte à son intégrité). Toute modification de cette nature nécessite votre autorisation préalable. Rien ne vous empêche alors de conclure une convention de services professionnels avec le nouveau promoteur pour modifier vos plans à sa demande.

Retenez que votre client peut valablement céder à un tiers les plans que vous avez préparés, à moins qu’une disposition du contrat ne l’empêche de le faire. Toute modification substantielle devra cependant faire l’objet de votre autorisation préalable.

Reprenons maintenant notre hypothèse de départ, mais brouillons un peu les cartes. Vos plans sont pratiquement terminés quand votre client vous informe qu’il doute de pouvoir réaliser le projet, en raison de difficultés financières. À ce stade, il ne vous a payé qu’une partie de vos honoraires. Puis, un autre promoteur souhaitant utiliser ces plans vous propose de signer une nouvelle entente de service. Pouvez-vous procéder ?

Rappelons que, lorsque le contrat initial ne comporte aucune mention particulière en lien avec les droits d’auteur et les droits moraux, les tribunaux considèrent tout de même que le contrat d’architecture comporte implicitement le droit, pour le promoteur, de réaliser l’œuvre. Ainsi, en raison des honoraires versés, le promoteur initial pourrait considérer qu’il est titulaire de ce droit, à tout le moins en partie.

Cela dit, à titre d’architecte, vous demeurez titulaire des droits d’auteur et des droits moraux sur vos plans. Vous pouvez donc les réutiliser. Il faut cependant éviter qu’un litige ne survienne avec votre client initial. Est-ce que celui-ci pourrait vouloir réclamer les honoraires qu’il vous a versés s’il était informé que les plans seront utilisés par un tiers ? Peut-être…

Il faudra donc vous assurer de connaître les intentions de votre client initial quant à la suite du projet et quant au paiement de vos honoraires avant d’accepter de conclure une entente avec un nouveau promoteur. Dès lors, vous serez en mesure d’évaluer les risques. Rappelez-vous également que ce type de situation peut soulever des enjeux liés à la couverture d’assurance applicable.

Dans ce genre de situation particulière, consultez l’équipe du Fonds, qui saura vous conseiller.