Photo : Kirill Gorlov, Adobe Stock

La rédaction d’un devis est l’occasion parfaite de préciser des choix de matériaux et des conditions de mise en œuvre favorisant le développement durable. Même dans un projet ne visant pas de certification écologique, certains choix peuvent s’avérer plus verts, et l’architecte est le professionnel tout indiqué pour les effectuer. Voici quelques pistes pour « verdir » vos devis.

La gestion des déchets

Selon RECYC-QUÉBEC, les débris provenant du secteur de la construction, de la rénovation et de la démolition repré­sentent plus du tiers des rebuts générés au Québec. Avec un peu de préparation, il est possible de détourner plusieurs des matériaux de démolition des sites d’enfouissement en les recyclant. C’est le cas du placoplâtre, du bois, des bardeaux d’asphalte, de la peinture, des métaux, du carton et des plastiques. Pour y arriver, prévoyez un endroit sur le site pour l’entreposage des matériaux de démolition dans l’attente de leur ramassage. Assurez-vous de demander un plan de gestion des déchets à l’entrepreneur dans votre devis et effectuez un suivi lors du chantier à l’aide d’un formulaire de gestion de matières résiduelles ou d’un audit des déchets. 

Dans le cas où le client ou la cliente ou l’entrepreneur seraient réticents face au travail supplémentaire que nécessite le tri, faites valoir l’économie sur le coût de dépôt de déchets aux sites d’enfouissement. Inciter le client ou la cliente à prévoir une pénalité en cas de non-respect de la gestion résiduelle dans les conditions générales de ses documents contractuels peut aussi motiver le travail de l’entrepreneur. Pour les projets de petite envergure, notez que les écocentres de la Ville de Montréal acceptent gratuitement les volumes de résidus semblables à ceux des projets résidentiels. Mario Patenaude, titulaire d’un doctorat en aménagement, suggère de réduire les déchets à la source en spécifiant au devis que les produits livrés au chantier doivent être peu emballés ou l’être dans des emballages réutilisables ou recyclables.

Des choix déterminants

Tous les choix que vous effectuez dans votre conception ont un impact environ­nemental. Bien sûr, ne pas démolir, récu­pérer ou réutiliser sont les solutions à privilégier. Lorsque vous spécifiez des matériaux neufs dans votre devis, favo­risez les produits fabriqués localement, recyclés, ayant une plus longue durée de vie, contenant peu ou pas de composés organiques volatils (COV) et se recyclant facilement. 

André Cazelais, architecte, chef de la division Transition écologique et innovation au Service de la gestion et de la planification immobilière de la Ville de Montréal, propose de sélectionner des matériaux ayant une déclaration environnementale conforme à la norme ISO 14 025 ou des produits certifiés Greenguard ou Green Seal. Il recommande aussi d’éviter les produits énumérés dans la liste rouge de l’International Living Future Institute.

Rendement du capital investi

Certains choix plus écologiques peuvent augmenter le coût de construction, mais engendrer des économies au chapitre de l’exploitation d’un bâtiment, par exemple sur le plan de la consommation énergétique ou de l’entretien. Initiez le client ou la cliente à la notion de coût global de possession (total cost of ownership), qui prend en compte toute la durée de vie d’un bâtiment. Les choix des vitrages, des systèmes de revêtement de toit et de l’isolation sont autant d’éléments pouvant contribuer à la rentabilité à long terme des investissements. En démontrant l’incidence de ces choix, vous aurez certainement plus de facilité à convaincre votre client ou cliente de réduire l’impact environnemental de son projet.

Carolyne Fontaine, architecte chez EVOQ et PA LEED, incite les architectes à s’intéresser aux logiciels qui peuvent faciliter la compréhension et l’analyse des cycles de vie. Elle ajoute que certains organismes peuvent accompagner les analyses de cycle de vie, comme le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services.

D’autres choix écologiques n’offrent pas de rendement du capital investi, mais ont un impact positif majeur sur le plan environnemental. C’est le cas, par exemple, des matériaux fabriqués localement ou entièrement recyclables. Assurez-vous de discuter avec votre cliente ou client de ses intentions avant de lui présenter ces options. Par ailleurs, si les solutions que vous proposez comportent de l’innovation, explorez les possibilités de subventions pour pallier l’augmen­tation des coûts. 

L’aménagement compte aussi

Lors de la planification de votre projet, n’hésitez pas à proposer des supports à vélos, des stations de vélos libre-service, des bornes de chargement pour automobiles électriques ou des places de stationnement réservées aux véhicules des programmes de covoiturage tels que Communauto. Faites valoir les gains que représentent ces éléments en matière de mobilité durable et mentionnez qu’ils peuvent faire l’objet de subventions. 

Au début de la conception, abordez également avec le ou la propriétaire ou le personnel d’entretien la question de la gestion des déchets liés à l’utilisation du bâtiment. En effet, certains dispositifs peuvent inciter les usagers et usagères à poser des gestes plus verts. Dans le cas d’un grand immeuble, par exemple, vous pouvez suggérer l’ajout de chutes à déchets permettant le tri à la source des matières recyclables et compostables. 

En ce qui a trait aux espaces de travail, Mario Patenaude suggère de les concevoir flexibles et modifiables afin d’éviter des travaux subséquents générateurs de déchets. Il recommande aussi de spécifier au devis du mobilier de bureau remis à neuf, comme celui de Réseau bureautique. Enfin, il est pertinent selon lui de proposer l’implantation de programmes de recon­naissance tels qu’ICI on recycle +, qui sont souvent accompagnés d’une séance de consultation avec des spécialistes.

Collaboration interdisciplinaire

Parlez de vos convictions écologiques aux autres professionnelles et professionnels qui collaborent à vos projets. Il se peut par exemple qu’une partie de la structure d’un bâtiment existant puisse être conservée ou qu’il soit possible de renforcer des éléments plutôt que de les remplacer. Sans discussion préalable avec les ingénieurs ou ingénieures, ces éléments risquent d’être détruits pour faire place à du neuf. Discutez aussi des options peu coûteuses qui font diminuer la consommation d’énergie, comme l’utilisation d’un récupérateur de chaleur des eaux usées (power pipe) ou la réduction du trajet de l’eau chaude à travers le bâtiment. Faites aussi valoir les solutions favorisant la préfabrication, qui minimisent les pertes de matériaux.

Effet d’entraînement

Plus les architectes effectueront des choix durables dans leurs devis, plus l’industrie de la construction se transformera et plus ces choix deviendront des normes de l’industrie, pour le bénéfice de tous. ●

En savoir plus

• Groupe Agéco, Espace de concertation sur les pratiques d’approvisionnement responsable, Conseil du bâtiment durable du Canada, RECYC-QUÉBECLa réduction à la source des matériaux et résidus de construction – Guide pour la planification et la gérance de chantier, 2019.

• Living Building Challenge, «The Red List », « The Watch List »

• Ministère de l’Économie et de l’Innovation, « Obtenir du financement/Environnement »