La plupart des architectes connaissent bien le processus de surveillance de chantier. Cependant, il est indispensable de rappeler les principes de base et de souligner quelques précautions à prendre pour éviter les réclamations qui peuvent en découler.
Comprendre son rôle
Selon le Manuel canadien de pratique de l’architecture, la surveillance de chantier se définit comme suit :

Dans le contexte d’un tel mandat, l’architecte supervise l’exécution des travaux afin de veiller à leur conformité avec les plans et devis, gère les modifications nécessaires et conseille son client ou sa cliente en s’adaptant à son niveau d’expertise et de connaissances. En effet, cette personne doit être en mesure d’avoir une compréhension générale des enjeux afin de prendre des décisions éclairées. La surveillance correspond à une obligation de moyens, c’est-à-dire que l’architecte doit prendre les moyens requis pour s’assurer que les travaux sont exécutés conformément aux spécifications et normes en vigueur.
Ce que la loi prévoit
Les articles 2118 et 2120 du Code civil du Québec ont un impact considérable sur les risques encourus par l’architecte qui effectue la surveillance de chantier.
L’article 2118 C.c.Q.
Selon cet article, « l’entrepreneur, l’architecte, l’ingénieur et le technologue professionnel qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux ». Par « perte de l’ouvrage », on entend toute déficience qui :
- affecte significativement la capacité du ou de la propriétaire de jouir pleinement du bien; ou
- menace la pérennité du bâtiment.
Il est important de noter que l’article 2118 C.c.Q. ne fait aucune distinction entre les différents types de surveillance (générale, accrue ou en résidence). Dès lors qu’un contrat prévoit une forme quelconque de surveillance de l’exécution des travaux, ou que l’architecte a, en pratique, exercé une telle surveillance, même en l’absence d’une stipulation contractuelle à cet effet, le régime de responsabilité prévu par cet article peut s’appliquer.
Cela dit, il est possible de s’exonérer en prouvant que les dommages réclamés ne sont pas causés par un manquement dans la surveillance des travaux. Toutefois, ce fardeau est lourd, car la surveillance vise justement à assurer au ou à la propriétaire que les travaux ont été exécutés conformément aux documents contractuels.
L’article 2120 C.c.Q.
Cette disposition prévoit que l’entrepreneur, l’architecte, l’ingénieur ou l’ingénieure et le ou la technologue garantissent conjointement l’ouvrage contre les malfaçons qui existent (sans être dénoncées) lors de sa réception ou qui sont découvertes dans l’année suivante. Encore une fois, cet article ne distingue pas les types de surveillance.
Or, comme il s’agit d’une garantie, il n’existe aucun moyen de défense. L’architecte et l’entrepreneur sont tenus conjointement à cette obligation, chacun pour sa part.
Limitation du mandat par le client ou la cliente
De plus en plus, la clientèle des architectes tend à limiter les honoraires alloués pour la surveillance, ce qui peut accroître les risques de responsabilité professionnelle. Il est donc crucial que le plan ou le programme de surveillance soit détaillé et qu’une note claire sur les risques associés à la réduction du budget d’honoraires par le client ou la cliente soit incluse.
La clause suivante pourrait être utilisée :

Cas particulier : l’architecte qui n’a pas conçu les plans
L’architecte qui surveille des travaux basés sur des plans conçus par une autre firme doit s’assurer d’avoir une compréhension approfondie de ces documents. Bien que la conception initiale n’ait pas à être approuvée, l’architecte doit être en mesure d’identifier les erreurs ou lacunes visibles lors d’un examen raisonnablement attentif des plans.
Les bonnes pratiques
Bien baliser son mandat de surveillance
La responsabilité des architectes est avant tout évaluée en fonction du cadre posé par le contrat de services professionnels. Il est ainsi primordial que ce contrat comporte des balises précises en regard de la surveillance des travaux.
Généralement, c’est à l’architecte de définir le plan de surveillance en fonction de la nature de l’ouvrage, de ses principaux enjeux et de son cheminement critique. Il lui faut notamment préciser la fréquence des visites de chantier, les éléments à vérifier et les personnes à rencontrer. Consultez la ligne directrice émise par l’OAQ à ce sujet, accessible dans l’Espace membre.
Produire une documentation adéquate
Une documentation complète et précise des visites de chantier pourra servir de preuve en cas de litige. Les comptes rendus de chantier doivent inclure les discussions, les décisions prises, les problèmes à surmonter et les actions à entreprendre. Chaque visite de chantier doit être consignée en mentionnant non seulement les observations sur l’avancement des travaux et les non-conformités détectées, mais aussi les éléments inspectés, les zones visitées et celles qui, pour diverses raisons, n’ont pas pu être examinées.
Bien s’assurer et gérer les risques
Souscrire une assurance responsabilité professionnelle adéquate est indispensable pour protéger son patrimoine contre les réclamations. La couverture doit être suffisante pour couvrir les risques spécifiques du projet envisagé, et selon le cas, une assurance excédentaire pourrait être requise. En outre, il est judicieux d’identifier les risques dès le début du projet et de mettre en place des mesures d’atténuation.
Dernières réflexions
Une surveillance attentive, une docu-men-tation exhaustive et une communication claire avec toutes les parties prenantes permettent aux architectes de livrer des projets de qualité, conformes aux attentes. Ces bonnes pratiques protègent également leur réputation professionnelle et renforcent leurs relations avec la clientèle et les entrepreneurs.