Stylo qui coche des cases
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Les architectes doivent s’acquitter de plusieurs types d’obligations dans le contexte de leurs activités professionnelles. Voici un tour d’horizon pour les distinguer et bien comprendre ce qui en découle.

Jongler avec les multiples obligations rattachées à la profession d’architecte peut sembler lourd à première vue. Or, il faut se rappeler qu’elles existent pour assurer la qualité, l’efficacité et l’efficience des mandats. De plus, les architectes peu­vent les invoquer pour convaincre leur clientèle d’éviter des situations fâcheuses. Les respecter constitue aussi un moyen de défense en cas de litige. D’où l’importance de bien les connaître. 

Obligation de résultat et obligation de moyens

Dans leurs contrats de services professionnels, les architectes sont habituellement soumis à un de deux régimes d’obligations selon l’activité exercée : l’obligation de résultat ou l’obligation de moyens.

Obligation de résultat

L’obligation de résultat s’applique lors de la préparation ou de la modification de plans et devis. Elle impose à l’architecte d’atteindre un objectif de conformité aux codes et normes en vigueur (les règles de l’art) et, le cas échéant, de répondre à des exigences supplémentaires établies dans l’entente contractuelle.

L’obligation de résultat est sans équivoque. Il est donc important que les architectes vérifient l’exactitude et la conformité de leurs documents avant de les remettre. Même s’il existe des voies d’exonération, il est plutôt difficile de les invoquer. En cas de force majeure, il faut démontrer l’occurrence d’un événement suffisamment imprévisible et impossible à contrer pour justifier l’erreur ou l’omission reprochée. En ce qui concerne la respon­sabilité d’un tiers, elle demeure plausible, mais il faut alors démontrer que le préju­dice subi découle d’une erreur d’exécution de l’entrepreneur ou encore d’une erreur ou omission d’un autre professionnel ou d’une autre profes­sionnelle au dossier.

Obligation de moyens

L’obligation de moyens s’applique dans le contexte d’activités de conseil, d’estimation, de surveillance de chantier et d’admi­nistration de contrat de construction. Elle impose à l’architecte de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour atteindre un objectif donné.

Ici, les points de repère sont moins objectifs que pour l’obligation de résultat. C’est pour cette raison qu’en cas de litige, les juristes et les témoins experts et expertes se tournent habituellement vers le concept dit du « test de l’architecte normalement compétent ». Cette méthode compare la conduite de l’architecte en cause à la conduite qu’auraient d’autres architectes dans un contexte similaire. Sa conduite sera considérée adéquate si elle se situe dans la moyenne. Pour se protéger, l’architecte a donc tout avantage à bien documenter l’ensemble de ses inter­ventions et à conserver le dossier pour référence ultérieure. Le tableau ci-dessous présente un récapitulatif.

OBLIGATION DE RÉSULTATOBLIGATION DE MOYENS
En quoi consiste l’obligation ?Livrer des documents conformes aux codes et normes en vigueur et répondre aux exigences particulières du contrat.Déployer les moyens nécessaires en vue d’atteindre l’objectif visé.
À quel moment la responsabilité de l’architecte peut-elle être invoquée ?L’obligation n’a pas été remplie.L’obligation n’a pas été remplie et la conduite professionnelle de l’architecte est mise en doute.
À qui appartient le fardeau de la preuve en cas de litige ?À l’architecte.Au/à la client·e, qui doit démontrer le manque de diligence dans l’exécution des obligations de l’architecte.
De quelle manière peut-on exonérer l’architecte ?Démontrer un cas de force majeure  ou la responsabilité d’un tiers.Démontrer que l’architecte a agi raisonnablement au regard des règles de l’art.
Quelles sont les activités professionnelles visées ?Préparation ou modification de plans et devis.Activités de conseil, d’estimation,  de surveillance de chantier et d’administration de contrat de construction.

Obligation de renseignement

Découlant de l’obligation de bonne foi à laquelle sont tenues les parties en vertu du Code civil du Québec, l’obligation de renseignement concerne autant l’architecte que le client ou la cliente. Elle prescrit que chaque partie doit transmettre à l’autre les informations relatives à l’exécution du mandat, dans la mesure où elles sont disponibles. Par exemple, une cliente doit renseigner l’architecte sur la présence d’amiante ou d’autres matières dangereuses dans le bâtiment, la nature du sol ou les plans et devis existants. Les architectes ne doivent pas hésiter à exiger qu’on leur communique ce type d’informations. En contrepartie, les architectes doivent faire preuve de transparence quant à l’étendue et aux modalités de leur mandat en déterminant, notamment :

  • les conditions générales d’exécution  du contrat;
  • les honoraires professionnels;
  • les risques liés à l’exécution du contrat  de services professionnels;
  • les risques liés à la réalisation  de l’ouvrage.

L’objectif de l’obligation de renseignement est de permettre aux parties de déterminer la nature de leurs engagements respectifs. En cas de litige, la Cour évaluera si l’une des parties était raisonnablement en mesure de déterminer ces engagements en fonction des infor­mations qui ont été communiquées ou étaient disponibles. Il s’avère donc pri­mordial de fournir et de recevoir tout ce qui est ou peut sembler pertinent.

Obligation de conseil

L’obligation de conseil est satisfaite lorsque le client ou la cliente bénéficie d’une compréhension générale des enjeux du projet et qu’il ou elle est en mesure de prendre des décisions éclairées. Rappelons que c’est la personne qui donne le mandat qui doit prendre les décisions relatives au projet. Le rôle de l’architecte est de l’accompagner dans ce processus en la conseillant en fonction des circonstances particulières du projet et dans son intérêt.

L’obligation de conseil n’est pas réciproque. Elle revient à l’architecte seulement, car on s’attend de sa part à un niveau d’intervention et d’analyse supérieur à celui de sa clientèle. De plus, cette obligation est modulée selon le niveau de connaissances et de compétence du client ou de la cliente : plus cette personne est néophyte, plus l’architecte doit la conseiller. Inversement, plus elle s’y connaît, moins l’architecte a besoin de l’éclairer.

Devant un tribunal, le respect de cette obligation sera principalement évalué sur la base de la crédibilité des parties. Il est donc essentiel pour l’architecte de bien docu­menter ses recommandations. Par exemple, si un client refuse de les suivre et que le différend concerne des éléments qui touchent la qualité, la sécurité ou la pérennité de l’ouvrage, l’architecte doit aussitôt dénoncer la situation et refuser de s’y associer. Il ou elle doit alors aviser ce client de ses réserves de manière explicite en lui faisant parvenir un document qui comprend :

  • une description générale de la problématique;
  • une description précise des risques encourus par la demande du client;
  • un avertissement que l’architecte ne pourra terminer le mandat si le client maintient cette approche, et ce, tant pour des motifs déontologiques qu’en raison du risque en matière de responsabilité professionnelle.

Ce document constitue le premier moyen de défense de l’architecte en cas de litige.

Obligation de collaboration

Comme pour l’obligation de renseignement, l’obligation de collaboration découle du prin­cipe de bonne foi prévu dans le Code civil  du Québec. En plus d’être réciproque, elle lie toutes les parties concernées directement ou indirectement par un projet de construction : l’architecte, les autres professionnels et profes­sionnelles, les entrepreneurs et le client ou la cliente.

Son objectif est de les faire collaborer en toute transparence en fonction d’un but commun, soit la construction, l’agrandis­sement ou la modification d’un bâtiment. Les parties doivent donc se comporter de façon à faciliter l’exécution du mandat. Par exemple, on doit éviter de systéma­tiquement dépasser les délais prévus pour certaines tâches ou encore, si on connaît une solution à un problème, on doit la communiquer sans délai.

Respecter ces obligations sert non seulement les intérêts de la clientèle, mais aussi ceux de l’architecte, qui, en cas de litige, doit démontrer que ses agissements correspondent à ce qu’on attend de sa part. Il faut les avoir en tête avant, pendant et après chaque mandat.

Cet article a été en partie alimenté par le Guide de prévention 2015 (tome 2), publié par la direction du fonds d’assurance de l’OAQ