Photo : Adobe Stock / Kues1
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Il est fréquent que des membres de l’OAQ se fassent approcher pour reprendre des concepts ou des plans qui ont déjà été amorcés par des personnes qui ne sont pas architectes. Or, cette pratique contrevient à la réglementation. Voici trois mises en situation inspirées de cas réels qui mettent en scène Noah, un architecte fictif. Que feriez-vous à sa place ?

1. Un projet immobilier déjà bien avancé

Un promoteur immobilier désire retenir les services de Noah pour un projet résidentiel de cinq étages. Lors de leur rencontre, le client lui transmet des esquisses qu’il qua­lifie de préliminaires, réalisées par une firme-conseil. Préliminaires ? Pas vraiment ! Noah constate que le concept est déjà bien avancé : plan d’implantation détaillé, plan d’un étage type, rendu 3D, nombre et emplacement des logements, stationne­ment sous-terrain… À son grand étonne­ment, le projet a même déjà reçu l’appro­bation du comité consultatif d’urbanisme de la Municipalité !

Que doit faire Noah ? Même si le mandat est alléchant, il doit clarifier sa position auprès du client avant de l’accepter. En effet, l’architecte ne peut reprendre les documents soumis, car ils n’ont pas été préparés par un ou une architecte ou sous sa direction. Il doit donc avoir les coudées franches pour repartir à zéro dans l’élaboration du projet.

2. Un plan pour des travaux déjà réalisés

Le patron de Bozos inc. appelle Noah en panique. L’entreprise a construit une mezzanine dans son usine sans demander de permis à la Municipalité. Cette dernière exige maintenant un plan d’architecte pour régulariser les travaux effectués, à défaut de quoi l’entreprise devra démolir la nouvelle mezzanine. Est-ce que Noah devrait accepter de préparer les plans ?

Attention ! Les architectes ne peuvent pas préparer après coup les plans de tra­vaux qui ont déjà été réalisés, qu’il s’agisse de plans pour permis ou pour construction. Noah devrait donc refuser le mandat.

Dans des situations de ce genre, qui demeurent exceptionnelles, les proprié­taires s’enten­dent parfois avec la Munici­palité pour que les travaux effectués sans permis fassent l’objet d’un relevé de l’existant et d’une étude de conformité.

Les architectes peuvent préparer de tels relevés et de telles études — il ne s’agit pas d’activités professionnelles réservées, soit dit en passant. À noter que la Municipalité ne doit pas confondre le relevé de l’existant et le plan pour permis ou pour cons­truction. C’est pourquoi il est de bonne pratique de ne pas apposer son sceau et sa signature sur ce type de document et d’y indiquer clai­rement qu’il s’agit du relevé d’un bâtiment existant.

De plus, si l’étude de conformité révèle des éléments dérogatoires, l’architecte doit obtenir un mandat de la part des proprié­taires avant de produire les plans néces­saires à leur correction.

3. Une étude de conformité pour régulariser des plans

Une firme de designers contacte Noah à propos d’un projet d’aménagement intérieur pour un local vide, situé dans une nouvelle tour de bureaux. La locataire désire y aménager différentes pièces fermées : quelques bureaux, une salle de conférence et une cuisinette. La firme de designers a déjà réalisé les plans de la configuration des pièces souhaitée par la locataire.

Un seul hic : puisque les locaux sont situés dans un bâtiment assujetti à la Loi sur les architectes, la Municipalité exige de recevoir des plans d’architecte avant de délivrer le permis de rénovation. La firme de designers propose donc à Noah de pré­parer une étude de conformité de l’amé­nagement déjà conçu ainsi qu’un plan indiquant l’emplacement des séparations coupe-feu et les différents parcours menant à l’issue. Ces documents, signés et scellés par Noah, seraient par la suite soumis à la Municipalité avec les plans de la firme de designers.

Noah devrait-il accepter cette propo­sition ? Non ! En effet, comme les locaux sont situés dans un bâtiment assujetti et que la configuration des pièces affecte les sépara­tions coupe-feu, les issues et leurs accès, la préparation des plans relève des activités professionnelles réservées à l’architecte.

La réalisation d’une étude de conformité, même par l’architecte, ne régulariserait pas les plans préparés par une personne qui n’est pas membre de l’OAQ. De plus, dans ce cas, contrairement à la situation précé­den­te, les travaux n’ont pas encore été réalisés, et il n’y a pas d’entente de déroga­tion à la réglementation entre la Munici­palité et la locataire.

Pour résoudre cette impasse, Noah devrait obtenir un nouveau mandat de la locataire et reprendre depuis le début et dans son entièreté l’élaboration du concept d’aménagement.

Dans le cadre de ce nouveau mandat, Noah pourrait engager la firme de desi­gners comme pigiste et superviser directe­ment son travail. Il n’y aurait alors qu’un jeu de plans pour l’ensemble du projet d’aménagement, préparé par l’architecte.

Noah pourrait également avoir un contrat distinct de celui de la firme de designers. Il y aurait alors plusieurs jeux de plans. Celui de Noah ferait minima­lement état des modifications touchant l’intégrité structurale du bâtiment, les murs et les séparations coupe-feu, les issues et leurs accès ainsi que l’enveloppe.

De sérieuses conséquences pour l’architecte

Selon son Code de déontologie, l’architecte doit sauvegarder son indépendance professionnelle en tout temps et assurer la direction de ses projets à toutes les étapes. L’architecte ne peut donc pas signer et sceller un document qui reprend une conception élaborée par des personnes qui ne sont pas architectes et qui n’ont pas travaillé sous sa direction.

Contribuer à l’exercice illégal de la profession, même sans le savoir, peut entraî­ner pour l’architecte de lourdes consé­quences qui peuvent aller jusqu’à la radia­tion de l’Ordre. La prudence est donc de mise avant d’accepter un nouveau mandat qui a déjà été commencé par d’autres.