Personnages de bois sous un parapluie
Photo : Adobe Stock / Meow Creations

Dans le contexte d’un projet de construction impliquant plusieurs intervenants et intervenantes, le risque qu’une situation problématique survienne à un moment ou à un autre et que la responsabilité de l’architecte soit mise en cause n’est pas à négliger.

Considérant les risques inhérents à l’exercice de sa profession, l’architecte peut recourir à certains moyens dans le but de les minimiser. En voici quelques-uns.

1. L’assurance responsabilité professionnelle

Une structure d’assurance adéquate est un élément indissociable d’une stratégie de protection d’actifs efficace.

Avant toute chose, l’ensemble des architectes qui exercent en pratique privée au Québec doivent souscrire une police d’assurance auprès de la direction du fonds d’assurance de l’OAQ. Le montant de cette dernière peut atteindre jusqu’à 1 M$ ou 1,5 M$ par réclamation (sous réserve des conditions qui y sont prévues). Cela étant dit, bien que la couverture offerte par cette police soit large et vise à protéger les firmes d’architecture ainsi que les architectes qui y exercent, celle-ci n’est pas absolue et prévoit notamment des sous-limites d’assurance ainsi que des exclusions. Par exemple, la limite de garantie par sinistre est réduite à 100 000 $ pour les réclamations découlant de la présence de moisissures, et les réclamations en rembour­sement d’hono­raires professionnels versés à l’architecte sont exclues de la couverture d’assurance puisque ces situa­tions ne constituent pas des dommages au sens de la police.

Dans ce contexte, et vu l’envergure de leurs projets, des firmes ou des architectes choisissent de souscrire une assurance responsabilité excédentaire. Cette dernière peut offrir une protection supplémentaire si la limite de couverture de la police de la direction du fonds d’assurance de l’OAQ s’avère insuffisante.

2. Les clauses de limitation de responsabilité

Selon l’article 17 de leur Code de déontologie1 (voir encadré), les architectes ne peuvent limiter leur responsabilité. Cela veut dire que l’architecte assume personnellement les risques liés à l’exercice de sa profession, sans égard à la forme juridique de son entreprise.

Ainsi, il serait illégal d’incorporer au contrat de services professionnels une dispo­sition visant à limiter la responsabilité de l’architecte à un montant correspondant à la limite d’assurance prévue à sa police d’assurance.

Article 17 du Code de déontologie 

L’architecte doit, dans l’exercice de sa profession, engager pleinement sa responsabilité civile. Il ne doit pas l’éluder ou tenter de l’éluder ni requérir d’un client ou d’une autre personne une renoncia­tion à ses recours en cas de faute professionnelle de sa part. Il lui est interdit de prévoir, dans un contrat de services professionnels, une clause excluant, directement ou indirectement, en totalité ou en partie, cette responsabilité. Il ne peut non plus invoquer la responsabilité de la société au sein de laquelle il exerce ses activités professionnelles ni celle d’une autre personne qui y exerce aussi ses activités pour exclure ou limiter sa responsabilité personnelle.

3. L’incorporation

La responsabilité de l’entreprise peut être engagée en raison des contrats auxquels elle est partie, qu’il s’agisse de contrats portant sur la prestation de services profes­sionnels ou d’autres ententes et obligations. L’entreprise répond également de la faute commise par les membres de son personnel dans l’exercice de leurs fonctions.

Dans le cas d’une société par actions, l’actionnaire ne répond pas de la respon­sabilité que sa société pourrait encourir, et ce, tant en ce qui concerne la responsabilité professionnelle que ses contrats et obligations. Cette règle découle du principe de la person­nalité juridique distincte de la personne morale. Il s’agit d’ailleurs du principal avantage lié à l’exercice de la profession sous cette forme. En clair, il n’existe aucun risque associé à la détention d’actions, si ce n’est la perte de leur valeur marchande.

Comme indiqué précédemment, l’exercice dans une société par actions ne limite pas la responsabilité personnelle de l’architecte en ce qui a trait aux fautes professionnelles qu’il ou elle est susceptible de commettre. Cepen­dant, l’incorporation peut s’avérer utile pour limiter les risques que sa responsabilité personnelle soit engagée face aux fournis­seurs de la firme d’architectes ou en regard des fautes commises par d’autres profession­nels ou professionnelles de la société.

4. Société en nom collectif et société en nom collectif à responsabilité limitée

Il est important de distinguer la portée des sociétés en nom collectif (SENC) et des sociétés en nom collectif à responsabilité limitée (SENCRL) en matière de responsabilité profes­sion­nelle et de protection des actifs personnels.

Dans le cas des SENC, les associés et associées assument solidairement l’ensemble des risques relatifs à l’exercice en commun de leur profession. Chacun et chacune est suscep­tible de répondre des dommages résultant de la faute commise par un·e autre associé·e. L’exercice de la profession d’archi­tecte dans cette forme juridique soulève donc des risques importants.

Les risques relatifs à l’exercice de la profession d’architecte au sein d’une SENCRL sont différents. L’architecte assume unique­ment la responsabilité des dommages qui découlent de sa propre faute. Il ou elle ne peut être personnellement tenu au paiement des réclamations découlant des erreurs imputables à l’un·e de ses associé·e·s.

Le choix de la forme juridique de la société est donc de toute première importance.

5. La protection des actifs

Il est permis d’exercer sa profession de façon à limiter les conséquences défa­vorables pouvant résulter d’une faute. Cette approche n’est pas contraire à l’article 17 du Code de déontologie. Tout en continuant d’engager pleinement sa responsabilité civile, l’architecte peut recourir à des stratégies de protection d’actifs portant exclusivement sur la nature des biens qui seraient saisissables dans l’hypothèse d’un jugement défavorable.

Les stratégies les plus fréquentes con­cer­nent notamment la création de fiducies ou de sociétés de gestion. Il y a aussi des architectes qui préfèrent limiter la nature des actifs saisissables dont ils ou elles pourraient être personnellement propriétaires.

La bonne protection

Bien que la responsabilité de l’architecte puisse être lourde à porter, l’assurance responsabilité de la direction du fonds d’assurance de l’OAQ joue un rôle important dans la gestion des risques liés à l’exercice de la profession, tout comme le recours à une assurance excédentaire.

Par ailleurs, il est parfaitement légal de conduire ses affaires de façon à limiter les risques associés à l’exercice de la profession. Il appartient à chaque architecte de requérir les services juridiques spécialisés en la matière afin de mettre en place la structure de protection la mieux adaptée à sa situation.

1 RLRQ c A-21, r 5.1.