Il est courant pour la clientèle du secteur privé de ne pas recourir aux services d’architecture pendant la construction, lesquels incluent notamment la surveillance des travaux. Quelles sont les obligations de l’architecte dans un tel contexte ?
Les services d’architecture pendant la construction sont essentiels pour s’assurer que les travaux sont exécutés conformément aux plans et devis. Malheureusement, une bonne partie de la clientèle, soit par ignorance ou par souci d’économie, préfère s’en passer. Comme architecte, vous devez bien connaître les enjeux entourant cette décision, tant pour vous que pour votre client ou cliente.
Avant le chantier
En premier lieu, assurez-vous que vos plans et devis ont été bien expliqués à la personne qui vous confie le mandat, comme le prescrit l’article 23 du Code de déontologie :
23. En plus des avis et des conseils qu’il prodigue au client, l’architecte doit lui fournir les explications nécessaires à la compréhension et à l’appréciation des services professionnels qu’il lui rend
Ensuite, prenez le temps de lui expliquer la nature des services que vous pourriez lui rendre pendant la construction ainsi que leur valeur ajoutée. C’est particulièrement important si vous êtes en présence d’un ou d’une néophyte. Si, malgré tout, la personne préfère ne pas recevoir ces services, vous devez la mettre en garde contre les risques auxquels elle s’expose en procédant ainsi.
Cette mise en garde est également indiquée si vous avez négocié un mandat complet (conception et services pendant la construction), mais que la cliente ou le client souhaite résilier votre contrat de services pendant la construction ou limiter votre mandat à cette étape.
Enfin, si vous parvenez à convaincre la personne de la pertinence de ces services, il est de bonne pratique de lui expliquer le fonctionnement des étapes à venir.
Pendant le chantier
En l’absence d’un mandat pendant la construction, votre prestation de services est désormais terminée, et les obligations rattachées à l’article 23 s’appliquent uniquement aux documents relatifs au mandat de plans et devis. En effet, vous n’avez pas à fournir d’explications à propos de services que vous ne rendez pas, à plus forte raison si on les a refusés…
Mais qu’advient-il si, pendant le chantier, la ou le maître d’ouvrage vous pose une question concernant l’interprétation de vos plans et devis ? Même si cela peut être chronophage, il est fortement recommandé d’y répondre. En effet, la question pourrait faire ressortir une erreur ou une omission dans vos documents. En les réexaminant, vous vous donnez l’occasion de les corriger. Rappelez-vous que même si vous n’avez pas de mandat de services pendant la construction, vos plans et devis demeurent régis par une obligation de résultat. Il vous sera impossible d’exiger des honoraires pour effectuer les corrections requises, mais, au moins, vous éviterez une possible réclamation qui pourrait vous valoir une condamnation.
En revanche, si vous vous rendez compte que répondre à la question reviendrait à accompagner la cliente ou le client ou l’entrepreneur, vous pouvez décliner poliment, étant donné que ces services ont déjà été refusés.
Sachez par ailleurs que si la personne qui vous a confié le mandat souhaite faire modifier les documents émis pour construction afin de prendre en compte un changement de programme ou une condition de chantier qui était inconnue au moment de la conception, vous seriez alors en position de négocier avec elle des honoraires pour apporter les ajustements nécessaires.
Et si le ou la maître d’ouvrage souhaite finalement vous octroyer un mandat de services durant la construction ? Cela peut arriver si, par exemple, ses relations avec l’entrepreneur deviennent tendues ou encore si la personne réalise qu’elle n’est pas suffisamment outillée pour répondre aux besoins du chantier. En pareil cas, la décision vous revient, et vous n’avez aucune obligation d’accepter si vous n’êtes pas à l’aise. Le niveau d’avancement du chantier sera alors un bon facteur à considérer. Plus le chantier est avancé, plus il est difficile de convenir d’un mandat. Pour certains services, cela peut même être impossible au terme de certaines étapes charnières.
Attestations de conformité ou d’avancement
Certains projets nécessitent des attestations de conformité ou d’avancement pour répondre aux exigences des créanciers ou de certaines autorités compétentes. Cet aspect crucial doit faire l’objet de discussions avant le chantier. En effet, il vous sera impossible de vous prononcer sur la conformité de l’ouvrage en fin de parcours si vous n’avez pas eu un mandat de surveillance suffisamment étoffé. D’ailleurs, l’article 59.1 du Code de déontologie l’interdit :
59. Outre les actes mentionnés aux articles 57, 58, 58.1, 59.1 du Code des professions (chapitre C-26) et ceux qui peuvent être déterminés en application du deuxième alinéa de l’article 152 de ce Code, est dérogatoire à la dignité de la profession le fait pour un architecte :
1° d’attester de l’avancement ou de la conformité de travaux aux plans et devis ou au Code de construction (chapitre B-1.1, r. 2) sans en avoir assuré, personnellement ou par l’entremise de son personnel ou d’un autre architecte, la surveillance nécessaire;
Au mieux, vous pourriez émettre des attestations d’avancement sans égard à la conformité de l’ouvrage. À cet effet, la direction du fonds d’assurance de l’OAQ a produit une info-fiche, accessible dans l’Espace membre de son site. Elle détaille les précautions à prendre en pareil cas, en plus de fournir des libellés qui peuvent être utilisés ou adaptés dans vos contrats ou dans vos communications avec la ou le maître d’ouvrage.
Le plus tôt le mieux
En matière de services professionnels durant la construction, la clé est d’en discuter avec le client ou la cliente le plus tôt possible et de maintenir le dialogue tout au long du projet. En plus de lui éviter de mauvaises surprises, vous démontrez ainsi à votre clientèle que le recours aux services d’architecture pendant la construction est avantageux. En effet, il est fréquent que de tels services permettent d’économiser des sommes plusieurs fois supérieures au coût des honoraires. Un pensez-y-bien.