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Par défaut, le Code de déontologie exige que l’architecte signe un contrat de services professionnels directement avec le maître de l’ouvrage. Or, il prévoit des exceptions, notamment dans le cas d’un projet clés en main. L’architecte doit cependant être en mesure de bien reconnaître ce qui constitue un tel projet avant de s’engager.

La particularité du mode de réalisation clés en main, aussi appelé conception-construction, est que le maître de l’ouvrage conclut un contrat avec une entité  
– par exemple un entrepreneur – qui offre l’ensemble des services nécessaires à la conception et à la réalisation de l’ouvrage, dont ceux de l’architecte. L’entité en question peut recourir à son propre personnel ou engager des sous-traitants. Le lien contractuel de l’architecte est donc établi avec cette entité et non avec le maître de l’ouvrage. À la fin des travaux, l’entité est tenue de remettre au maître de l’ouvrage un produit fini à 100 %, dans les temps et prêt à être utilisé pour les fins citées au contrat. 

L’article 40 du Code de déontologie autorise l’architecte à offrir ses services dans le contexte d’un projet clés en main (voir encadré). Cependant, certaines vérifications s’imposent au préalable.  

Reconnaître l’entente clés en main 

Lorsqu’une entité autre que le maître de l’ouvrage vous propose de signer un contrat de services relevant du champ d’exercice exclusif de l’architecte, vous devez vous assurer que le Code de déontologie l’autorise. Le cas échéant, il vous faut vérifier auprès de l’entité que ce contrat découle d’un contrat clés en main. Voici une liste de contrôle qui regroupe les caractéristiques d’un contrat clés en main1 : 

  1. Le besoin du maître de l’ouvrage doit être clairement identifié dans le contrat avec l’entité. 
  2. L’entité s’engage à fournir tous les services professionnels de conception et de préparation des plans et devis nécessaires à la réalisation du projet. En tout temps, le maître de l’ouvrage a le droit d’examiner ces documents pour s’assurer de leur conformité avec le contrat.  
  3. L’entité s’engage à fournir toute la main-d’œuvre et les matériaux nécessaires à la réalisation du projet, conformément aux plans et devis. 
  4. L’entité doit réaliser tous les travaux sous sa responsabilité, qui inclut celle de tous les professionnels ou professionnelles et de tous les sous-traitants et sous-traitantes qu’elle engage pour la réalisation du projet. Elle dispose normalement de toute la latitude décisionnelle quant au déroulement des travaux, à condition de respecter l’échéancier et le degré de qualité de l’ouvrage prévus au contrat. 
  5. Les travaux supplémentaires non indiqués au contrat et demandés par le maître de l’ouvrage doivent faire l’objet d’une entente séparée avec l’entité ou encore d’un avenant signé au contrat initial. 
  6. Toujours selon les termes du contrat, le maître de l’ouvrage pourra fournir, pour l’installation par l’entité, quelques équipements spécialisés. Dans ce cas, l’entité n’est pas tenue responsable de la qualité des équipements fournis. 
  7. Le maître de l’ouvrage doit vérifier le projet dans son ensemble pour s’assurer que les travaux sont conformes aux clauses du contrat. Tout travail non conforme doit alors être réparé par l’entité avant sa livraison.

Contrats multiples 

Un contrat clés en main suppose souvent l’existence de plusieurs contrats. Le premier concerne le maître de l’ouvrage et l’entité qui offre le projet clés en main. Les autres encadrent les relations entre cette même entité et chacun des fournisseurs concernés : architectes, ingénieurs et ingénieures, entrepreneurs spécialisés, etc.  

Or, il faut savoir qu’un changement au premier contrat peut entraîner des change­ments aux autres contrats, mais pas toujours. Voici trois cas d’espèce qui touchent l’architecte. 

  • Tant dans le contrat entre l’entrepre­neur et le maître de l’ouvrage que dans celui entre l’entrepreneur et l’architecte, il est prévu qu’il y aura deux ascenseurs dans un bâtiment commercial de six étages. À la suite de l’exécution des plans par l’architecte, le maître de l’ouvrage demande l’ajout d’un troisième ascen­seur, et l’entrepreneur transmet cette nouvelle exigence à l’architecte. Puisque cela change les deux contrats, deux avenants distincts doivent être signés. 
  • Le contrat entre l’entrepreneur et le maître de l’ouvrage comme celui entre l’entrepreneur et l’architecte indiquent que le bâtiment à construire doit avoir 6000 m2 de superficie totale. Or, en examinant les plans, le maître de l’ouvrage constate qu’ils ne représentent que 5000 m2 de superficie totale. L’entrepreneur en avise l’architecte afin que les plans soient modifiés. Ce type de changement ne nécessite pas d’avenant, puisqu’il vise à corriger une erreur de l’architecte afin de rendre son travail conforme aux ententes initiales. 
  • Selon le contrat entre l’entrepreneur et le maître de l’ouvrage, le bâtiment à construire doit avoir 6000 m2 de superficie totale. Cependant, le contrat entre l’entrepreneur et l’architecte indique 5000 m2 de superficie totale, et l’architecte exécute les plans en consé­quence. Par la suite, le maître de l’ouvra­ge s’aperçoit que les plans ne sont pas conformes à ses attentes, et l’archi­tecte doit en conséquence modifier ses plans. Un avenant au contrat entre l’entre­preneur et l’architecte est alors requis afin de refléter le contrat entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur. 

On le voit, le mode de réalisation clés en main comporte des subtilités contrac­tuelles que l’architecte doit maîtriser. En cas de doute sur vos obligations déon­tologiques, communiquez avec le bureau de la syndique.

1. Ces caractéristiques sont librement inspirées de la jurisprudence Groupe Guy Pépin (1999 CanLII 11086 (QC CS), paragr. 269). 

40. L’architecte doit conclure toute entente concernant ses services professionnels relevant de son champ d’exercice exclusif directement avec le maître de l’ouvrage ou son représentant. 

Toutefois, l’architecte peut conclure une entente concernant ses services professionnels avec : 

1° toute personne pour qui il prépare des plans ou devis pour des édifices ou bâtiments destinés à l’usage de cette personne ou dont elle sera propriétaire; 

 tout architecte ou société au sein de laquelle un architecte est autorisé par règlement à exercer sa profession; 

3° toute personne qui offre un édifice ou bâtiment au terme d’un marché clé en main, qui offre des éléments d’édifices ou bâtiments ou qui offre des systèmes de construction d’édifices ou bâtiments; 

 toute personne qui fournit des services pour la réalisation de constructions accessoires à des travaux de génie et dont la destination est de les abriter; 

 toute personne qui a recours à ses compétences pour des services autres que ceux relevant de son champ d’exercice exclusif.