Télétravail
Photo : Roberto Nickson, Unsplash

Comment gérer les enjeux déontologiques et maintenir de bonnes pratiques quand vos collaborateurs se trouvent à l’extérieur de vos bureaux ?

Alors que le télétravail était déjà bien implanté dans plusieurs firmes, certaines ont dû instaurer des mesures au pied levé afin d’assurer la poursuite de leurs activités dans le contexte du Grand Confinement. Mais en temps normal comme dans des circonstances exceptionnelles, il faut respecter certaines obligations et maintenir les meilleures pratiques. En voici un rappel utile.

Conservez la maîtrise globale de vos projets

Le Code de déontologie prévoit que l’architecte responsable d’un dossier doit s’assurer d’en avoir le contrôle et la maîtrise globale (article 29). L’architecte qui signe et scelle des documents doit aussi s’assurer qu’ils sont complets relativement aux fins qui y sont indiquées. Dans un tel cas, vous devez donc diriger directement le travail, même s’il est effectué à l’extérieur du bureau. Il est important de conserver des traces écrites de cette direction à chacune des étapes du projet : advenant un litige, elles serviront de preuve pour démontrer que vous avez respecté vos obligations en ce qui a trait à la maîtrise globale. Notez que la vérification des plans et devis réalisée après coup ne répond pas aux exigences déontologiques à cet égard.

Adaptez la direction

Quant aux moyens à mettre en œuvre pour assurer une direction adéquate, ils sont à la discrétion de l’architecte : à distance, cela peut se traduire entre autres par des rencontres virtuelles régulières, l’échange de documents ou l’utilisation d’outils collaboratifs. Bien que le marché foisonne de tels outils, faites preuve de vigilance et informez-vous sur la sécurité avant d’en adopter un. Favorisez les outils hébergés sur des serveurs canadiens afin de pouvoir recourir à la même autorité territoriale en cas de faille. N’hésitez pas à vous adresser à des conseillers en technologies de l’information quand vient le temps de comparer et d’implanter de nouveaux outils : ils sont vos meilleurs alliés !

Soignez quand même la tenue de dossiers 

Le télétravail et l’incertitude n’excusent pas le laxisme en ce qui a trait au classement, à l’archivage ou au respect du système de nomenclature. En toute circonstance, l’architecte doit tenir un dossier pour chaque mandat, y intégrer tous les documents prescrits à l’article 2.01 b) du Règlement sur la tenue des dossiers, du registre et des bureaux des architectes et les y conserver au moins cinq ans, conformément à l’article 2.04.

N’oubliez pas que cette obligation concerne aussi les courriels. Pour les archiver, vous pouvez utiliser une fonction offerte dans la plupart des logiciels de messagerie, qui permet de générer en quelques secondes un document PDF continu (ou .pst) de tous les messages sélectionnés. Le cas échéant, il est possible d’ajouter au logiciel des modules d’extensions (plugins) gratuits tels que CloudHQ.

Lors de la reprise des activités, le temps manquera pour corriger une tenue de dossier négligente. En ayant des dossiers bien documentés en tout temps, vous réduisez votre risque face aux imprévus.

Consultez l’article « Documenter ses projets : laisser une trace » et le Guide de gestion des archives des bureaux d’architectes (accessible dans l’espace-membre de l’OAQ) pour plus d’information à ce sujet.

Signez et scellez en numérique

Que vous soyez en mode télétravail ou non, les dispositions à prendre quant à l’authentification des documents demeurent les mêmes : l’article 30 du Code de déontologie indique les documents qui doivent être signés et ceux qui doivent être scellés et signés, alors que l’article 33 autorise la signature entièrement numérique sous certaines conditions. D’ailleurs, pourquoi ne pas profiter des mesures de confinement pour entreprendre le virage numérique ? 

Consultez l’article « Sceau et signature : mode d’emploi » pour en savoir plus.

Protégez la confidentialité

La pratique du télétravail peut compromettre le respect des exigences de confidentialité de la profession. Or, l’architecte est tenu de respecter le secret professionnel et de prendre les moyens raisonnables pour que celui-ci soit préservé, comme le stipule l’article 42 du Code de déontologie. Pour contrôler ces risques, il est fortement recommandé d’adopter un protocole encadrant le télétravail. Un ouvrage tel que le Guide d’implantation du télétravail en entreprise, de TECHNOCompétences peut vous offrir des balises générales sur les mesures à mettre en place.

La politique de sécurité incluse dans le protocole de télétravail de votre firme devrait prévoir les mesures suivantes :

  • Offrir un accès sécurisé à l’aide d’un réseau privé virtuel (RPV, en anglais VPN pour Virtual Private Network);
  • Protéger le compte de l’utilisateur par un mot de passe;
  • Verrouiller manuellement la session lorsqu’on quitte l’ordinateur (même si le verrouillage automatique est actif);
  • Utiliser un ordinateur exclusivement consacré au travail plutôt que l’ordinateur familial (si c’est impossible, créer deux comptes utilisateurs sur l’ordinateur partagé et les protéger par des mots de passe différents);
  • Toujours favoriser l’utilisation d’un réseau Internet sans fil privé plutôt que les réseaux sans fil publics qu’on trouve dans les bibliothèques ou les cafés par exemple;
  • Utiliser un logiciel antivirus à jour et actif;
  • Effectuer les mises à jour du système d’exploitation;
  • Éviter de sauvegarder des documents sur les ordinateurs personnels (privilégier les sauvegardes sur les serveurs utilisés par l’entreprise);
  • Avant de saisir des informations de connexion sur un site Internet (ex. : nom d’utilisateur, mot de passe), valider le nom de domaine et l’adresse https;
  • Supprimer directement les courriels d’hameçonnage (les messages qui entrent dans les boîtes de pourriels en sont généralement).  

Enfin, notez que les attaques de type hameçonnage et le piratage psychologique (social engineering) sont en hausse actuellement. Redoublez de méfiance devant tout courriel, message texte ou appel téléphonique qui semble louche.

Ne vous fiez qu’à vos relevés

Lorsque des circonstances particulières compromettent l’accès au site d’un projet, il peut être tentant de se fier uniquement aux relevés d’un tiers ou à des photos transmises. C’est une tentation à laquelle il faut résister ! En effet, l’architecte a la responsabilité de veiller à l’exactitude des documents qu’il émet et doit être raisonnablement certain de la solution préconisée. Ainsi, lors d’une intervention sur un bâtiment existant, les relevés doivent être effectués par l’architecte, conformément à l’article 16 du Code de déontologie.

Il est vrai qu’un client pourrait vous reprocher un excès de zèle si vous refusiez de considérer ses propres relevés ou photos, et votre relation pourrait s’envenimer. Dans ce cas, rappelez-vous que l’article 25 du Code de déontologie autorise l’architecte à interrompre la prestation de services sous certaines conditions, dont « le fait que l’architecte soit (…) dans un contexte tel que son indépendance professionnelle pourrait être mise en doute ».

Par ailleurs, notez que vous êtes en droit de refuser de vous déplacer pour effectuer des activités de relevé ou de surveillance de chantier si votre employeur ou votre client vous l’impose et que vous avez des motifs raisonnables de croire que cela comporte un risque pour votre santé ou celle d’autrui, comme le prévoit l’article 12 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST). Vous devez alors signifier votre refus par écrit avec des explications claires à l’appui.

Pour ce qui est des consignes relatives aux déplacements et aux mesures de sécurité à respecter dans le contexte de la COVID-19, consultez régulièrement les sites de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), de l’Institut national de santé publique (INSPQ), le site officiel du gouvernement du Québec, ainsi que celui de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ).

Consignez rigoureusement les heures 

Il est important de continuer à consigner rigoureusement les heures travaillées pour chaque projet afin de préparer une facturation qui permettra au client de bien comprendre le détail et la portée des services rendus, conformément à l’article 55 du Code de déontologie. De plus, cet exercice vous aidera à évaluer la productivité de votre entreprise en mode télétravail et, le cas échéant, à apporter les changements qui s’imposent.

Voir à ce sujet les articles « Documenter ses projets : laisser une trace » et « Facturation : tact et précision ».

Et les stagiaires ?

L’OAQ encourage les firmes à poursuivre l’encadrement des stagiaires, même dans le contexte du travail à distance. Essayez de planifier leurs activités en fonction des tâches qui doivent être accomplies pour leur rapport de stage et leur progression professionnelle, tant comme futurs architectes que comme employés de votre firme. À cet égard, vous gagnerez à instaurer du mentorat entre les architectes d’expérience et les stagiaires afin de favoriser la communication, d’évaluer la charge de travail et de discuter des enjeux générés par le télétravail ou de tout autre aspect découlant d’une situation de crise.

La poursuite des affaires

Il est rassurant pour une firme de détenir un Plan de continuité des affaires (PCA) afin de pouvoir s’y référer lors de bouleversements. Un tel document sert à consigner tous les protocoles d’urgence de la firme, dont ceux qui sont liés au télétravail, aux communications et à la réorganisation des tâches. Il permet aussi de prévoir des mesures correspondant à l’article 18 du Code de déontologie, qui stipule que « l’architecte doit informer le plus tôt possible le client de tout événement susceptible d’entraîner ou ayant entraîné des conséquences significatives à l’égard de ses services professionnels ». Pourquoi ne pas profiter des leçons apprises pendant la crise pour élaborer un PCA ou mettre à jour celui que vous avez déjà ?

Pour plus de renseignements, consultez l’article « Bien réagir en cas d’urgence ».

Merci à Code3 pour ses recommandations en matière de sécurité.