Pas question pour les chirurgiens esthétiques Arash et Ali Izadpanah de recevoir leur clientèle dans un lieu anonyme. Ils ont donc fait appel à l’architecte Jean-Maxime Labrecque pour convertir un ancien bureau de poste construit en 1910 en une clinique au design unique en son genre. Une intervention qui a demandé une précision… chirurgicale.
Quand vous ouvrez la porte de Station L, vous n’avez pas l’impression de vous trouver dans une clinique médicale. En fait, vous ne savez pas si vous venez de mettre les pieds dans un spa, un hôtel ou ailleurs », décrit Arash Izadpanah. C’était l’objectif des deux chirurgiens lorsqu’ils ont pris possession de cet immeuble situé en plein cœur de Westmount. Ils voulaient une clinique à la fois chic et moderne.
Les bureaux existants étaient certes fonctionnels, mais plutôt génériques. Le projet de réaménagement les a complètement transformés. Aujourd’hui, l’intérieur du bâtiment propose des lignes épurées, des volumes généreux, des murs blancs et des planchers lisses tout en révélant son caractère patrimonial. Une esthétique à la fois moderne et minimaliste proposée par Jean-Maxime Labrecque. « C’est un vocabulaire qui se veut discret, modeste et serein, décrit l’architecte. Pour l’usager, ça permet de créer des lieux calmes, presque méditatifs. »
La beauté décloisonnée
En analysant les plans originaux, l’architecte a constaté que sous les plafonds suspendus se cachaient près de 2,5 m d’espace inutilisé au rez-de-chaussée. « J’ai alors réalisé à quel point les clients avaient un volume monumental entre les mains. Mon premier réflexe a été de chercher à exprimer cet espace dans son entièreté. » L’architecte a donc ouvert les plafonds, exposant la structure d’origine, composée d’imposantes colonnes et de poutres d’acier recouvertes de béton. Une manière de rendre hommage à l’architecte d’origine, l’Américain Willis Ritchie. Le même exercice a été réalisé au sous-sol, faisant passer la hauteur du plafond de 2,3 à près de 3 m.
« Peu importe l’endroit où on se trouve, on ne se sent jamais comprimé par l’espace, observe Arash Izadpanah. Ce travail sur les volumes nous a permis de récupérer de l’espace au sous-sol et d’y aménager différentes pièces, comme une salle d’opération et une autre de réveil. » Au rez-de-chaussée, l’espace ainsi gagné a permis l’ajout d’une mezzanine.
Or, cette opération signifiait de révéler les systèmes électromécaniques, autrefois camouflés sous les plafonds suspendus. « C’est bien d’exposer le béton, mais il faut que tous ces éléments soient disposés de façon harmonieuse, ce qui a demandé un effort colossal. Par exemple, nous voulions que tous les gicleurs soient alignés, avec une grande précision, avec les poutres du plafond, pour qu’ils se fondent dans l’espace. Mais les ouvriers ne sont pas habitués de travailler de façon aussi minutieuse », détaille Jean-Maxime Labrecque. Il a donc fallu revoir les plans un nombre incalculable de fois.
Les escaliers ont par ailleurs été refaits, et plusieurs cloisons ont été repensées pour fluidifier la circulation. Décloisonnés, les lieux se transforment en une « promenade architecturale riche », dont le parcours permet de découvrir les jeux de volume du bâtiment et de le voir sous différents angles et perspectives, mentionne Jean-Maxime Labrecque. Chaque mur est blanc et épuré; pas de cadres de fenêtres ou de portes ni de moulures au bas des murs, précise l’architecte.


Un pari ambitieux
S’il est facile d’aligner parfaitement tous les morceaux dans une nouvelle construction, arriver à un tel niveau de précision dans un bâtiment ancien a donné bien des maux de tête à l’architecte. « Vous avez beau calculer les choses au millimètre près, quand vous ouvrez, il y a souvent des surprises. Comment mettre droit ce qui ne l’était pas à la base ? »
Travailler dans un immeuble patrimonial, en plein cœur de la ville, tout en s’assurant que chaque détail est parfait s’est avéré un défi en soi. « J’avais avisé tous les intervenants du degré extrêmement élevé de complexité, explique l’architecte. En dépit du fait que j’ai beaucoup d’expérience dans ce genre de contexte, c’était encore plus exigeant que je ne l’avais pensé au départ. »
Pour arriver au résultat escompté, il a fallu refaire cinq fois le plancher en époxy, raconte Arash Izadpanah. La configuration du hall d’entrée, lieu particulièrement important pour la clientèle, a aussi donné du fil à retordre. Pour se rendre à la réception, il faut descendre trois marches d’acier qui laissent entrevoir le sous-sol et se réfléchissent sur un miroir posé sur le comptoir d’accueil. Or, disposer tous ces éléments lourds et imposants pour en arriver à une réflexion parfaite a demandé beaucoup de travail. « Il a fallu recommencer et j’ai dû moi-même créer des gabarits pour les marches », se rappelle l’architecte.
Un travail de finition qui a prolongé la durée des travaux, mentionne Arash Izadpanah. « Pour nous, c’était important que tout soit impeccable, à l’image de notre travail », explique le chirurgien. Or, les efforts en ont valu la peine. « Chaque fois que j’entre dans le bâtiment, je relaxe. Je n’ai pas l’impression de me trouver dans une clinique médicale. Et il n’y a pas un client qui entre dans le bâtiment sans s’exclamer sur les lieux. »
Photos : Jean-Maxime Labrecque (A),
Simon Lachapelle (B)
Illustration : Jean-Maxime Labrecque, architecte
Commentaires du jury
En ayant mis à nu la structure originale de cet ancien bureau
de poste, l’architecte a dévoilé une lecture radicalement transformée. Tout en contrastes, l’aménagement intérieur réussit à déjouer la perception des volumes, des matériaux
et de la lumière suivant une vision brutaliste originale qui se démarque aux yeux du jury.
- Année de livraison 2023
- Emplacement Westmount
- Client Izadpanah Brothers Holding Company Inc.
- Architecture Jean-Maxime Labrecque, architecte
- Ingénierie MJC Consultants, ingénieurs en structure