Siège social de Fondaction, Montréal, Chevalier Morales
Illustration : Chevalier Morales

Désertés pendant la pandémie, les centres-villes ont été durement frappés par l’adoption rapide et généralisée du télétravail. Si les activités reprennent, il semble néanmoins que les usages des édifices et des espaces publics soient appelés à s’adapter à la nouvelle réalité du travail « flexible ». Comment ?

À Montréal, les secteurs centraux se raniment depuis le relâchement des mesures sanitaires : un sondage de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), mené en septembre 2022, annonce le retour de 81 % du personnel de bureau au moins un jour par semaine, contre 47 % il y a un an. Mais la vulnérabilité du centre-ville reste visible : les locaux pour bureaux affichent des taux élevés d’inoccupation. Selon la cinquième édition du rapport L’état du centre-ville de Montréal de l’Institut de développement urbain du Québec et de Montréal centre-ville, le cœur de la métropole québécoise comptait près de 40 millions de pieds carrés d’espaces offerts au deuxième trimestre de 2022, un nombre qui demeure plus important qu’avant la pandémie. 

Quel rôle peuvent jouer les architectes afin de redonner vie aux cœurs urbains ? Pour Daniel Pearl, architecte, associé et cofondateur de L’ŒUF Architectes et professeur titulaire à l’École d’architecture de l’Université de Montréal, nos centres-villes sont en crise. « C’est une occasion de réinventer ces espaces urbains de manière radicale, affirme-t-il. On ne peut plus se satisfaire d’une seule fonctionnalité, qui active l’espace pendant quelques heures de pointe. Il faut rechercher des synergies plus localisées. » 

« Le partage des espaces publics, le double ou triple emploi des environnements, les connexions entre chacun des usages sont fondamentaux pour créer des milieux de vie plus vivants, poursuit-il. Et ce design régénératif peut s’appliquer aux centres urbains de toutes les tailles. » Des projets de revitalisation s’inscrivent déjà dans cet esprit. En voici trois. 

Revitalisation du centre-ville de Trois-Rivières 

Le centre-ville de Trois-Rivières, qui fait l’objet d’un vaste plan de revitalisation économique et culturelle déployé par la Ville et ses partenaires, incarne bien les transformations à l’œuvre dans les espaces urbains québécois. 

Parmi les initiatives, un programme de subventions pour l’aménagement de bureaux au centre-ville, lancé en 2022, a permis à BLH Architectes d’acquérir un édifice situé rue Royale, au cœur de la capitale mauricienne. « La transformation radicale des bureaux s’achève, commente Jonathan Boucher, architecte, associé du bureau trifluvien. Nous avons conçu des espaces de travail collaboratifs modulables, adaptés à nos besoins, offrant un grand confort visuel, acoustique et thermique. » L’équipe bénéficie en outre de l’expérience urbaine de la rue des Forges, piétonnisée chaque été depuis 2020 et agrémentée d’un marquage au sol signé Atelier Silex, d’un parcours de découverte original et d’expositions temporaires. 

Bureaux de BLH Architectes, Trois-Rivières, BLH Architectes
Photo : Jean-Sébastien Désilets

Siège social de Fondaction : créer des synergies à l’échelle du bâtiment 

Devant le succès du télétravail depuis mars 2020, la direction de Fondaction – le fonds d’investissement de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), dont la mission est de soutenir l’économie équitable et verte en participant au financement d’entreprises québécoises innovantes – a choisi d’accompagner le retour en mode hybride en revitalisant son siège social, situé sur le boulevard De Maisonneuve Est, tout près du pont Jacques-Cartier. 

La firme Chevalier Morales a conçu le projet, encore en cours de réalisation. Pour Stephan Chevalier, architecte, associé principal, l’objectif était d’offrir des espaces de vie attractifs et conviviaux qui soutien­nent les nouveaux modèles de travail et répondent aux besoins spécifi­ques des différentes équipes. « Nous passons de volumes intérieurs très réduits, accessibles par un seul escalier, à de vastes espaces collaboratifs confortables, complè­tement revus dans leur programmation, desservis par quatre escaliers, explique l’architecte. Ainsi, les occasions de ren­contre et les modes de collaboration sont multipliés. » 

Le projet favorise également les synergies avec les partenaires d’affaires de Fondaction, qui pourront s’installer dans les nouveaux locaux et utiliser les mêmes outils collectifs. « Sans cloisons, le concept prévoit notamment le recours massif aux technologies de communication pour nourrir la collaboration entre les entre­prises », précise Stephan Chevalier. Une terrasse sur le toit enrichit également l’expérience vécue dans les lieux. 

Bien entendu, les architectes ont recherché l’abondance de lumière naturelle en plus d’optimiser le confort thermique et la qualité de l’air. Cette approche intégrée nécessite des modifications majeures de l’enveloppe du bâtiment, de la toiture, des ouvertures et des systèmes mécaniques. 

Siège social de Fondaction, Montréal, Chevalier Morales
Illustration : Chevalier Morales

La Place Ville Marie, un laboratoire 

L’Esplanade PVM, Montréal, Sid Lee Architecture en association avec Menkès Shooner Dagenais LeTourneux Architectes Photo : David Boyer
L’Esplanade PVM, Montréal, Sid Lee Architecture en association avec Menkès Shooner Dagenais LeTourneux Architectes
Photo : David Boyer
Sid Lee Biosquare, Montréal, Sid Lee Architecture Photo : David Boyer
Sid Lee Biosquare, Montréal, Sid Lee Architecture
Photo : David Boyer

Mis en œuvre depuis 2017 et baptisé Projet Nouveau Centre, le plan de revitalisation de l’emblématique quartier des affaires montréalais est ambitieux. L’investisseur immobilier Ivanhoé Cambridge a confié à la firme Sid Lee Architecture le développement du nouveau concept de campus d’affaires à Place Ville Marie (PVM), qui fonctionne en synergie avec la Galerie PVM et l’Esplanade PVM. 

Commentant la transformation de l’Esplanade PVM, réalisée entre 2017 et 2021 en association avec Menkès Shooner Dagenais LeTourneux Architectes, Jean Pelland, architecte, associé principal chez Sid Lee Architecture, explique sa démarche : « Nous avons commencé par nous interroger sur l’usage des espaces publics, qui étaient encore peu activés. Le centre-ville, avec ses fonctions urbaines encore surspécialisées, démontrait une certaine vulné­rabilité dans sa capacité à absorber le changement.  Il s’agissait de créer un lieu de rassemblement à échelle humaine, catalyseur de l’activité sociale du centre-ville. Après l’expérience de la pandémie, les usagers se sont réapproprié l’Esplanade, suscitant une nouvelle dynamique urbaine. » 

Cette recherche a abouti à une véritable métamorphose, opérée grâce à trois éléments : la nouvelle configuration du lien au réseau souterrain, l’escalier monumental qui relie PVM à l’avenue McGill College et le remarquable pavillon de verre, qui ouvre un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur. 

Située sous le pavillon, une aire de restauration innovante, où règnent végétation et lumière naturelle, anime également l’environnement urbain. 

L’Esplanade PVM célèbre la créativité et la collaboration : en témoignent l’exposition extérieure du Musée d’art contemporain de Montréal (MAC), organisée en 2021 lors de la relocalisation temporaire du MAC, et l’Anneau, installation artistique majeure signée CCxA (anciennement Claude Cormier + Associés), qui sublime l’Esplanade et affirme sa vocation culturelle. 

Ancrant leur présence au centre-ville, l’agence créative Sid Lee et Sid Lee Architecture ont installé en 2021 leur siège social dans le basilaire de la tour cruciforme de PVM. Comme le dit son nom, Biosquare, le nouvel espace emprunte à l’univers du vivant, avec la lumière, la végétation et les matériaux naturels, ainsi qu’à l’idée du square, de la place publique, en écho à l’Esplanade PVM.  

Tel un microcosme inscrit dans le prolongement de l’environnement urbain, Sid Lee Biosquare favorise la circulation des idées : « La fluidité entre les espaces, pensée autour d’une grande structure de grille aérienne offrant une zone ouverte, magnifie les moments de travail et d’échange », résume Jean Pelland. 

Une réponse pleine de vie pour renverser la dévitalisation.