L’équipe de Lapointe Magne & associés a relevé un grand défi en concevant une tour qui loge des bureaux et des habitations abordables au-dessus d’une station de métro et d’un terminus d’autobus.
Le projet de l’îlot Rosemont, à Montréal, constitue en quelque sorte le point d’exclamation de la requalification du quadrilatère des anciens ateliers municipaux, amorcée il y a un peu moins de 20 ans.
Sa grande particularité est qu’il se greffe au terminus d’autobus et à la station de métro Rosemont de la Société de transport de Montréal (STM). Cela en fait un TOD (transit-oriented development), c’est-à-dire un aménagement qui vise à densifier les quartiers situés autour des infrastructures de transport en commun et à y favoriser le transport actif.
« Nous voulions construire des logements abordables pour des personnes autonomes ou en légère perte d’autonomie de 75 ans et plus, décrit Isabelle Garon, conseillère en développement des actifs à l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM). Nous souhaitions aussi rassembler dans un nouveau siège social nos 300 employés, qui étaient dispersés dans l’île, et avoir des locaux plus facilement accessibles au public. »
L’immeuble est disposé en deux ailes, l’une de 8 étages et l’autre de 10, qui forment une équerre s’ouvrant sur le boulevard Rosemont et la bibliothèque Marc-Favreau à l’est. Le Centre administratif et de services de l’OMHM occupe l’espace qui va du rez-de-chaussée au troisième étage alors que les étages 4 à 10 abritent la Résidence des Ateliers.
Utiliser les contraintes
Le fait de construire au-dessus du terminus obligeait à prévoir une grande portée, puisqu’il était impossible d’installer plusieurs colonnes dans la boucle de circulation des autobus.
« Nous avons conçu et développé avec les ingénieurs en structure d’immenses colonnes en forme de V, composées de grandes poutres précontraintes en béton, qui soulèvent visuellement l’aile de huit étages », explique l’architecte Frédéric Dubé, associé chez Lapointe Magne.
Autre contrainte : les véhicules venant chercher ou déposer les personnes habitant l’immeuble ne devaient pas circuler dans la boucle d’autobus de la STM. Il fallait donc prévoir un débarcadère indépendant et couvert le long de la rue Saint-Denis. Or, les architectes souhaitaient à tout prix que ce lieu ne devienne pas lugubre.
Par chance, la boucle de circulation des autobus exigeait un dégagement de 5,5 m, donc tout le rez-de-chaussée est très haut. « Ça évite d’avoir un débarcadère sombre et triste, raconte l’architecte. Nous avons aussi utilisé la transparence, des murs rideaux et une brique vernissée à motif pour égayer ce passage. »
Bien s’intégrer au milieu
« Nous savions que le projet représentait un saut d’échelle dans un quartier où les immeubles sont généralement moins élevés, poursuit Frédéric Dubé, donc nous l’avons abordé comme un défi d’insertion urbaine qui viendrait consolider la revitalisation de ce secteur. »
Dans cette optique, la première tour a été parée d’une maçonnerie anthracite avec des insertions de briques de couleur aubergine, et la seconde, de briques pâles qui créent un lien avec les revêtements gris de la bibliothèque. Le contraste ainsi produit diminue l’effet visuel de la volumétrie de l’immeuble.
L’équipe a également réalisé une étude d’ensoleillement afin d’éviter de plonger dans l’ombre les Habitations Saint-Vallier, bâtiment voisin au sud de l’îlot. L’aile de huit étages a quant à elle été située un peu en recul de la rue.
Un bâtiment efficace
L’OMHM souhaitait aussi que l’on tienne compte de considérations écologiques, notamment en matière d’efficacité énergétique. Ainsi, le chauffage et la climatisation du bâtiment sont assurés par des poutres thermiques. Ces systèmes à l’eau sont plus efficaces que les systèmes à l’air, qui emploient des gaines de ventilation traditionnelles. De plus, la consommation énergétique est réduite grâce à des systèmes de ventilation à récupération d’énergie. Ces derniers récupèrent une grande partie de l’énergie contenue dans l’air évacué pour réchauffer ou refroidir, selon la saison, l’air de remplacement. En ce qui a trait aux sources d’énergie, la combinaison électricité et gaz naturel permet de diminuer les pointes de consommation électrique en hiver. Le gaz naturel est utilisé pour alimenter les équipements très énergivores.
Au chapitre du transport actif, le bâtiment comprend des supports à vélos au garage et des vestiaires avec douches à l’usage du personnel des bureaux.
La convivialité est également au rendez-vous à l’îlot Rosemont. « Les passants peuvent tous accéder au site, notamment grâce à un parvis aménagé de plantations et de bancs publics », ajoute Isabelle Garon. Elle loue en outre la qualité spatiale des logements, tous baignés de lumière naturelle et dotés d’un balcon ou d’une terrasse.

Des équipes engagées
Frédéric Dubé estime que la grande stabilité des équipes, malgré des délais occasionnés par la pandémie, a beaucoup contribué à la réussite de ce projet. « Notre équipe d’architectes est demeurée relativement la même tout au long de la conception et de la réalisation, et il n’y a pas eu beaucoup de changements de personnel du côté de l’entrepreneur, Pomerleau, ni du côté du donneur d’ouvrage pendant le chantier », note-t-il.
« Les parties prenantes de ce projet ont fait preuve de créativité, d’ingéniosité et d’ouverture, ce qui a permis de concevoir et de réaliser un bel exemple de densification intelligente », soutient Isabelle Garon. l
Photos : David Boyer
Illustration : Lapointe Magne & associés

Commentaires du jury
Par sa composition éclectique, ce projet s’éloigne nettement de l’uniformité qui caractérise trop souvent les immeubles
à logements multiples. Le résultat se révèle exemplaire sur les plans social et environnemental, et constitue un modèle éloquent des possibilités offertes par une densification urbaine qui favorise la mixité et l’inclusivité.
- Année de livraison 2022
- Emplacement Montréal
- Client Office municipal d’habitation de Montréal
- Architecture Lapointe Magne & associés
- Groupe de ressources techniques Bâtir son quartier
- Entrepreneur Pomerleau
- Ingénierie de structure Tetratech
- Ingénierie civile AECOM
- Ingénierie mécanique et électrique Norda Stelo
- Gestion en échéancier CIMA+
- Architecture de paysage VLAN Paysages
- Design graphique (signalisation) Pastille rose