Conversions de bâtiments, rénovations d’édifices centenaires, engagement dans leur milieu et leur profession… Tout au long de leur carrière, Maude Thériault et Daniel Paiement se sont mis au service de leur communauté. L’OAQ leur rend hommage.
Mettre l’architecture au service du bien commun : voilà l’une des multiples facettes de la carrière de Daniel Paiement et de Maude Thériault, qui laissent leur marque sur le paysage architectural du Saguenay–Lac-Saint-Jean à plus d’un égard. Un engagement de longue date qui vaut au couple d’architectes le prix Engagement social remis par l’OAQ.
Formant un couple dans la vie depuis près de 50 ans, les deux architectes ont créé leur firme – Daniel Paiement architecte – en 1980. Précurseur à sa façon, le duo amorce son association en convertissant l’école primaire Sainte-Famille, à Jonquière, en coopérative d’habitation de 38 logements. « C’était le premier projet de recyclage de bâtiment dans la région, se souvient Maude Thériault. Comme nous étions jeunes et ambitieux, nous nous sommes lancés ! » Et cela a donné le ton au reste de leur carrière.
Au fil du temps, les deux architectes ont signé près de 3000 logements dans la région, dont plusieurs coopératives d’habitation, résidences pour personnes âgées et espaces communautaires. « Nous avons réalisé à quel point il fallait se mettre à l’écoute des besoins des utilisateurs, et même de leurs rêves, pour proposer une conception intelligente des lieux, durable dans le temps, souligne Maude Thériault. Nous avons la chance de poser un regard différent sur notre environnement, en tant qu’architectes, et il est possible d’en faire profiter la communauté. » Cette approche humaine a toujours guidé leurs actions.
Un patrimoine à préserver

Si Maude Thériault est originaire de la région, Daniel Paiement est plutôt un « enfant adopté », comme il se décrit lui-même. En y débarquant dans les années 1970, ce natif de Beauharnois, en banlieue de Montréal, en découvre la richesse architecturale. « J’avais travaillé avec Phyllis Lambert à faire l’inventaire patrimonial de Westmount, raconte Daniel Paiement. Quand je suis arrivé, j’ai constaté que plusieurs maisons laissées à l’abandon ressemblaient à celles que j’avais répertoriées à Montréal. »
L’architecte, titulaire d’une maîtrise en urbanisme, a multiplié les démarches pour préserver et mettre en valeur cette architecture de grande valeur et convaincre la population ainsi que les instances municipales et régionales de son importance. Il réalise les premiers inventaires du patrimoine architectural au Saguenay–Lac-Saint-Jean, notamment à Chicoutimi et à Saint-Félicien. Il s’investit également dans la Société historique du Saguenay, organisant conférences, circuits patrimoniaux et concours de mise en valeur des résidences anciennes. Après le déluge de 1996, le tandem travaille à la revalorisation du quartier du Bassin, à Chicoutimi, où se trouve la désormais célèbre petite maison blanche, qui avait résisté aux assauts d’une rivière Chicoutimi sortie de son lit et transformée en torrent.
Autre exemple de l’engagement du couple envers l’architecture régionale : sa participation dans la restauration du patrimoine religieux, notamment de l’église du Sacré-Cœur, à Chicoutimi, construite il y a 120 ans et classée immeuble patrimonial. Les deux architectes ont été de toutes les étapes de cette ambitieuse rénovation. Les travaux, en cours depuis une dizaine d’années, devraient s’achever en 2026. « Ils nous ont vraiment aidés en dressant le carnet de santé de l’église, de la cave au grenier, une analyse très détaillée, illustrée de nombreuses photos. Ils nous ont aussi expliqué quelles étaient les actions à prioriser », raconte Joseph-Marie Bouchard, membre du comité de gestion de la paroisse.
Le couple travaille aussi avec la Pulperie de Chicoutimi, d’anciens bâtiments industriels transformés en espace culturel. « Le fait d’avoir accès à leur expertise en matière de patrimoine est un atout, non seulement pour intervenir adéquatement, mais aussi pour nous aider à naviguer à travers les programmes gouvernementaux d’aide financière », renchérit Jacques Fortin, directeur général de l’établissement.
Bien implantés dans leur communauté
La contribution de Maude Thériault et Daniel Paiement dépasse largement le cadre bâti. Bénévoles infatigables, les deux architectes ont siégé aux conseils d’administration de plusieurs organismes en lien avec l’éducation, la culture, le patrimoine et même la santé. En toile de fond : tout à la fois le rayonnement de leur région et de la profession d’architecte. Détentrice d’un baccalauréat en histoire et d’une maîtrise en administration des affaires, en plus de son titre d’architecte, Maude Thériault a été la première femme membre de l’OAQ au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Elle a été élue à quatre reprises au CA de l’OAQ, de 2012 à 2024, et a siégé au Conseil des arts et des lettres du Québec, y représentant l’architecture, de 2013 à 2024. Des engagements constants qui lui ont valu de nombreuses distinctions, dont la Médaille de l’Assemblée nationale, en 2012, et le prix Hommage Bénévolat-Québec, plus haute distinction gouvernementale en matière d’action bénévole, en 2014.

L’importance de transmettre
Chez ce couple, parent de quatre enfants, la famille a toujours occupé une place centrale. Pour faciliter la conciliation travail-famille, il a aménagé ses bureaux à la maison, sur le toit de laquelle le drapeau du Saguenay–Lac-Saint-Jean flotte au vent. « Quand les employés partaient le soir, les enfants s’installaient à leur place pour faire leurs devoirs, se rappelle Daniel Paiement. Et ils nous accompagnaient souvent lors de nos activités bénévoles. » Une proximité qui a permis au couple de leur transmettre ses valeurs.
Ce désir de transmission ne s’est pas limité qu’à leur famille. Pendant plusieurs décennies, les deux architectes ont enseigné au Cégep de Chicoutimi et formé quelque 1500 technologues en architecture.
Le sociologue Jean-Marie Tremblay, qui les a côtoyés à l’époque, se rappelle combien leurs élèves les appréciaient. « Toujours créatifs, ils tentaient de les impliquer concrètement, en les faisant participer à leurs projets d’architecture. Cela venait bonifier leur formation, mais demandait certainement plus de temps à Maude et Daniel. »
Professeur associé à l’Université du Québec à Chicoutimi, Jean-Marie Tremblay a mis sur pied les Classiques des sciences sociales, une bibliothèque virtuelle contenant près de 10 000 publications universitaires. Daniel Paiement a participé, en tant que bénévole, à la création de l’organisme sans but lucratif qui la chapeaute.
Quand les deux architectes font le bilan de leur carrière, c’est leur engagement auprès de la relève qui les rend le plus fiers. « Quand je vois ce qu’ils accomplissent, je me dis que nous leur avons peut-être insufflé la passion, que nous avons laissé notre trace en eux pour assurer la qualité architecturale des projets », résume Maude Thériault.
Ce qui concorde avec leur philosophie de vie, qu’il et elle résument en quatre mots : vivre, aimer, apprendre et… transmettre.

