Prix d'excellence en architecture 2022, catégorie Bâtiments institutionnels publics et Prix du public
Qualifié de « deuxième Baie-James » au cœur de Montréal, le chantier du nouveau Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) a accumulé les superlatifs. Dès son ouverture, le mégahôpital a suscité l’enthousiasme général. Sa phase 3 a d’ailleurs remporté le Prix du public ainsi que le Prix d’excellence en architecture pour un bâtiment institutionnel public. Anatomie d’une réussite.
Les phases 1 (Centre de recherche) et 2 (bâtiments C, D et F) du CHUM ont représenté un chantier de plus d’une décennie qui s’est terminé en 2017. La phase 3, achevée en 2021, a couronné la construction du complexe hospitalier. Elle comprenait la délicate démolition d’un pavillon de l’ancien hôpital Saint-Luc, situé à un jet de pierre du nouveau CHUM, puis l’érection de deux tours jointes de 16 et 17 étages hébergeant une bibliothèque publique, des cliniques externes, des bureaux clinico-administratifs, les archives médicales et un stationnement souterrain. La phase 3 englobait aussi l’amphithéâtre Pierre-Péladeau, un immeuble aux lignes courbes détaché du reste de l’hôpital, qui semble flotter sur une nouvelle place publique dans un quartier où l’espace est restreint. Il constitue déjà une icône de la métropole.
Cette esplanade est devenue la porte d’entrée principale du CHUM et offre une vue sur les édifices historiques situés de l’autre côté de la rue Saint-Denis. Le cuivre qui enveloppe l’amphithéâtre rappelle le patrimoine architectural de Montréal, la ville aux cent clochers, et l’hôtel de ville, situé tout près.
« C’est un des projets les plus intenses qu’on a jamais vécus. On a éprouvé du plaisir à le faire, mais pas toujours ! » se souvient Michel Broz, associé principal chez Jodoin Lamarre Pratte architectes (JLPa) et architecte principal du projet. « Nous étions régis par un contrat rigide, un échéancier serré, et il y a eu la COVID-19… Ce qui ne nous a toutefois pas freinés dans notre créativité. Ça fait partie de notre fibre : créer la meilleure architecture malgré les contraintes. »
De l’esquisse au monument

Photo : Adrien Williams
De multiples firmes d’architectes ont collaboré au projet du CHUM depuis ses débuts, certaines plus d’une fois*. Pour la phase 3, Michel Broz et son équipe ont dû prendre le relais à partir d’esquisses sommaires préparées lors des phases initiales. « Nous sommes partis de ces dessins et nous avons concrétisé ce projet après avoir mené une série de rencontres avec les responsables du CHUM, pour mieux établir les besoins, précise-t-il. Notre effort représente 95 % du travail architectural de cette phase. »
L’architecte explique qu’il a été nécessaire de repenser les espaces en fonction de besoins qui n’existaient pas en 2010, au début du chantier des phases précédentes. « Il a fallu, par exemple, changer l’emplacement des ascenseurs, de certains départements ou services pour maximiser le flux de circulation du personnel ou des patients. » L’architecte a aussi proposé un design minimaliste, misant fortement sur la blancheur, pour accorder un maximum d’importance à la lumière. « Les tours sont très minces et le bâtiment est tourné vers l’extérieur : nous avons valorisé les vues sur la ville », ajoute-t-il.
Michel Broz et son équipe ont hérité d’un mandat additionnel : le changement de vocation de l’amphithéâtre. « Le concept original remontait à 2011, reprend l’architecte. Les besoins avaient changé. En lieu et place d’un auditorium classique, Fabrice Brunet, le PDG du CHUM, préférait une salle multifonctionnelle (de 325 places, avec 246 sièges rétractables) où l’on pouvait offrir un enseignement magistral, immédiatement suivi d’un cocktail de financement. Nous en avons fait les plans avec MSDL : c’était un énorme défi technique, avec un échéancier très serré. » Ici encore, les architectes ont privilégié le blanc, ponctué par un revêtement de bois qui instaure une atmosphère chaleureuse et réconfortante. Ils ont aussi percé les planchers des étages pour laisser passer la lumière provenant du lanterneau qui occupe toute la toiture. « L’enveloppe métallique perforée visible depuis l’intérieur accentue l’effet de cocon », ajoute Michel Broz.
L’architecte loue d’ailleurs le design d’origine du CHUM, un concept fort et bien réfléchi dans son intégration urbaine, ainsi que l’équipe maître du projet, qui a produit des documents exprimant parfaitement les exigences élevées de qualité et de fonctionnalité. ●
* Le concept architectural original a été réalisé par CannonDesign et NEUF architect(e)s, qui faisaient partie du consortium Collectif Santé Montréal, ayant obtenu le contrat en partenariat public-privé du gouvernement du Québec. Le Centre de recherche a été réalisé par les architectes en consortium NFOE, Menkès Shooner Dagenais LeTourneux (MSDL), Jodoin Lamarre Pratte architectes, Lemay et Parkin.
Commentaires du jury
C’est surtout la morphologie et la position stratégique de l’amphithéâtre qui ont retenu l’attention du jury dans cette dernière phase de construction du nouveau CHUM. Par sa hauteur bien calibrée, ses parois arrondies et son revêtement de cuivre partiellement perforé, ce bâtiment contraste avec les tours rectilignes qui encadrent l’esplanade. L’immense complexe hospitalier acquiert ainsi une échelle humaine bienvenue dans ce secteur à forte densité du centre-ville de Montréal.
Prix du public
Michel Broz se réjouit particulièrement qu’un hôpital ait remporté un Prix du public, ce qui est rarissime. « Les hôpitaux offrent un service public important dans notre société, dit-il. Ça nous donne des ailes pour des projets similaires. »
L’architecte a insisté pour que le client monte sur scène avec lui lors du gala pour accepter le prix. Michel Broz aime travailler avec des gens qui recherchent l’excellence.
« Nous n’étions pas un client facile, mais ce n’est pas déplaisant d’être exigeant ! » lance Jacques Morency, directeur de projet pour le CHUM, qui se réjouit de cette reconnaissance. « Nous avons construit un hôpital pour la collectivité, poursuit-il, un environnement propice aux plus grands actes médicaux possibles. L’hôpital est habituellement un lieu de malheur et de souffrances. Nous voulions un bâtiment conçu pour que nos patients oublient quelque peu leur peine. »

Photo : Adrien Williams

Illustration : CannonDesign + NEUF architect(e)s et Jodoin Lamarre Pratte / Menkès Shooner Dagenais LeTourneux architectes en consortium
▶ MAÎTRISE D’OUVRAGE Pomerleau, CHUM
▶ ARCHITECTES CannonDesign + NEUF architect(e)s et Jodoin Lamarre Pratte / Menkès Shooner Dagenais LeTourneux architectes en consortium : Michel Broz, Azad Chichmanian, Anik Shooner, Jose M. Silva
▶ ARCHITECTURE DU PAYSAGE NIP Paysage
▶ COLLABORATIONS Christy Cavataio, Martine Gévry, Andrew King, Jean-Pierre LeTourneux, Joanne Parent, Elizabeth Rack
▶ INGÉNIERIE Structure : SDK et associésÉlectromécanique : Pageau Morel et associésAcoustique : SNC-Lavalin
Corrections apportées à cet article depuis sa publication initiale : photo no 1 par Adrien Williams (et non par Olivier L. Gariépy); Jodoin Lamarre Pratte architectes (ou JLPa) (et non Jodoin Lamarre Pratte (JLP)); la phase 3 du CHUM n’a pas fait l’objet d’un consortium formé des quatre firmes CannonDesign, NEUF architect(e)s, Jodoin Lamarre Pratte architectes et Menkès Shooner Dagenais LeTourneux architectes. La phrase qui le laissait entendre a été retirée. Les regroupements étaient les suivants : conception : CannonDesign + NEUF architect(e)s ; finalisation de la conception, exécution et surveillance des travaux : Jodoin Lamarre Pratte / Menkès Shooner Dagenais LeTourneux architectes en consortium.
Finalistes, Bâtiments institutionnels publics
Centre de services du secteur Camp-de-Touage-les-Îles, parc national de la Pointe-Taillon
Commentaires du jury
Ce pavillon d’accueil d’un parc de la Sépaq, conçu par Blouin Tardif et Éric Painchaud, architectes en consortium, retient l’attention par sa simplicité maîtrisée, ses détails soignés et l’impression de sérénité quis’en dégage.

Photo : Stéphane Groleau
Centre communautaire YMCA de Saint-Roch
Commentaires du jury
Construit dans un quartier de Québec longtemps délaissé, mais en pleine revitalisation, ce bâtiment, conçu en consortium par CCM2 Architectes et STGM Architecture, se caractérise par les jeux dynamiques de transparence et d’opacité de ses façades et par les liens que le rez-de-chaussée entretient avec la rue.

Photo : Stéphane Groleau