Prix d’excellence en architecture, catégorie Aménagement intérieur
Pour son dixième anniversaire, Eidos-Montréal s’est offert des locaux à son image : un lieu convivial reflétant l’esprit de communauté qui anime ce studio de jeux vidéo de réputation internationale, à des années-lumière des codes d’aménagement traditionnels des espaces de travail.
Connue pour sa créativité et son sens de l’innovation, Eidos-Montréal occupait pourtant depuis sa fondation, en 2007, des locaux qui « manquaient d’âme et de personnalité », admet son chef de studio, David Anfossi. « Nos bureaux à aire ouverte étaient fonctionnels, mais ils étaient froids. » Sans compter qu’en raison de la croissance de l’entreprise, il était devenu impossible de rassembler les 500 employés dans une même pièce, ce que déplorait la direction.
Le moment était donc venu de rénover ses locaux du centre-ville – et Eidos-Montréal en a profité pour se doter d’un lieu de travail à son image. La solution retenue : tout arracher et repartir de zéro.
Afin de créer des bureaux où les employés se sentent comme à la maison, l’entreprise a fait appel à une firme d’architecture justement spécialisée en interventions résidentielles : la SHED architecture.
L’architecte Yannick Laurin qualifie ce projet de hautement stimulant. « Ça nous a sortis de nos réflexes de toucher à un projet d’un genre qu’on n’avait jamais abordé auparavant », reconnaît-il.
Un village intérieur
Pour répondre aux demandes de l’entreprise et incarner sa vision du travail, l’équipe de la SHED a carrément réinventé l’aire ouverte et imaginé un univers inspiré de concepts urbanistiques. L’espace central, une sorte de place publique visible depuis les deux étages du studio, constitue le point focal du projet. Toutes les circulations, qui évoquent les rues et placettes d’un village, convergent vers cette agora dotée d’escaliers en gradins.
Ce vaste espace sur lequel donne désormais l’ascenseur a pu être réalisé grâce à d’immenses ouvertures dans la dalle de béton qui sépare les deux étages qu’occupe le studio – une prouesse technique compte tenu du fait qu’il s’agit des cinquième et sixième étages. Pour installer les poutres d’acier servant à solidifier la structure afin de compenser les ouvertures pratiquées dans la dalle, il a d’abord fallu les hisser à l’aide d’une grue, puis les faire passer directement par les fenêtres !
À l’intérieur, aucune rangée d’ordinateurs en vue. « Pour briser la linéarité, éviter l’effet usine à clics et incarner l’imaginaire urbain, on a tracé un parcours sinueux ponctué de petites boîtes qui servent aux réunions informelles », explique l’architecte.
Le décor, à des lieues des univers virtuels des jeux conçus par le studio, se révèle chaleureux, apaisant et confortable, grâce à un amalgame de matériaux naturels tels que le bois des planchers et du mobilier ou le feutre qui recouvre les murs des salles de création sonore. L’attention apportée au bien-être des employés se reflète dans les détails, comme les sofas qui meublent les aires de repos, les tables et étagères fabriquées sur mesure par des artisans locaux, sans oublier l’éclairage, que chaque service peut moduler à sa guise.
Une identité graphique bien définie
Où qu’on pose le regard, le triangle de la signature visuelle d’Eidos est bien visible. Outre les bibliothèques et les poignées de porte de forme triangulaire, le plafond comporte une trame triangulée alternant extrusions de mousse acoustique d’épaisseurs variées et luminaires sur mesure. Ce plafond, « l’un des éléments les plus marquants du projet », selon Yannick Laurin, est aussi l’une des composantes les plus complexes de l’aménagement. « Chacun des milliers de triangles de mousse du plafond était identifié et devait être installé à un endroit précis », souligne-t-il.
De subtiles évocations de la culture nipponne signalent pour leur part l’affiliation d’Eidos-Montréal avec la compagnie japonaise Square Enix, comme le verre givré des salles de réunion imitant le papier de riz des dojos traditionnels ou encore les poufs gris rappelant les pierres d’un jardin zen.
L’ensemble a été longuement réfléchi afin de créer un tout harmonieux où les membres du personnel se sentent comme chez eux. À preuve, avant le confinement, ils et elles s’y rassemblaient régulièrement après leur journée de travail. En télétravail jusqu’à nouvel ordre, l’équipe rêve du moment où elle pourra s’y retrouver de nouveau.
EMPLACEMENT : arrondissement de Ville-Marie, Montréal
CLIENT : Eidos-Montréal
ARCHITECTES : la SHED architecture

Image : la SHED architecture
Commentaires du jury
Avec leurs doubles hauteurs et leurs multiples espaces interreliés, les locaux de ce studio de jeux vidéo sont aménagés avec une générosité, une inventivité et une précision exemplaires. Les architectes ont su imaginer un environnement intérieur riche et stimulant, offrant une gamme variée de zones de travail. L’aménagement témoigne d’une réflexion attentive et inventive sur les nouvelles façons de travailler et de collaborer, et sur le milieu de travail en tant qu’espace de vie. Cette vision s’incarne à merveille dans cet ensemble inspirant, où l’on a envie de se retrousser les manches.
Finalistes
Le Monarque, Alain Carle Architecte
La rénovation du siège social de la Banque de développement du Canada, Atelier TAG et Jodoin Lamarre Pratte architectes en consortium
Photo : Maxime Brouillet