Même si on la souhaitait conviviale, ni la Ville de Montréal ni les architectes de la firme FABG n’avaient prévu que la population adopterait l’esplanade Tranquille avec autant d’enthousiasme.
Photos : Steve Montpetit
L’administration municipale avait décidé qu’une patinoire extérieure réfrigérée viendrait parachever le Quartier des spectacles. « L’intention conceptuelle était de donner à cette esplanade une ambiance de cour arrière des Montréalais », révèle Simon Pouliot, chargé de projets – Grands projets au Service de l’urbanisme et de la mobilité de la Ville.
Ainsi, la surface glacée se transforme en scène ou en place publique à l’arrivée des beaux jours. Le fait qu’elle soit bordée sur toute sa longueur par un bâtiment de service orné de balcons accentue également l’impression de ruelle. « Le lieu se veut complémentaire à la place des Festivals, mais à une échelle plus intime et plus compacte », fait valoir Éric Gauthier, architecte associé chez Les architectes FABG et concepteur principal du bâtiment.
« Le client ne voulait pas de gradins extérieurs autour de la patinoire », précise-t-il. FABG a donc proposé d’inclure un « chalet urbain » au deuxième étage du bâtiment de service. Cette zone s’inspire des espaces communs aménagés aux derniers étages des nouveaux complexes d’habitation.
Logé dans un écrin de bois massif, ce chalet urbain trône au-dessus du vestiaire avec lequel il forme la « boîte » centrale de l’édifice, qui en compte trois. Celle qui a pignon rue Sainte-Catherine accueille un restaurant et une salle de banquet. À l’opposé, celle qui avoisine le Parterre du Quartier des spectacles sert de loge et de salle de conférence en plus d’abriter une salle mécanique et l’indispensable garage pour la surfaceuse Zamboni.
Chaque « boîte » est abondamment fenestrée, ce qui renforce le lien avec l’espace public. « Les architectes ont aussi suggéré des portes accordéon au rez-de-chaussée; elles permettent une perméabilité complète entre l’extérieur et l’intérieur », consolidant ainsi l’intention conceptuelle, mentionne Simon Pouliot.

Du vert et du bois
Au départ, Montréal aspirait à obtenir une certification LEED pour ce projet. « En cours de conception, l’équipe s’est rendu compte que la patinoire réfrigérée était incompatible avec les critères, mais la Ville a choisi d’aller de l’avant, malgré tout, avec les mesures écoresponsables proposées », précise le chargé de projet.
Parmi celles-ci, mentionnons l’îlot végétalisé au cœur de la surface bétonnée de la patinoire et le toit vert du bâtiment de service, dont le potager approvisionne les restaurants environnants. Sans oublier le recours à la géothermie. « Ça demeure un défi d’en faire la source d’énergie principale du site », admet Éric Gauthier, qui avait déjà opté pour un tel système lors du réaménagement de la Biosphère.
« Le tour de magie, ajoute-t-il, c’est qu’il ne faut pas que les éléments mécaniques paraissent. » Pas plus que les équipements saisonniers lorsqu’ils ne sont pas utilisés, tels les bandes de la patinoire et le mobilier urbain, qui sont entreposés dans une énorme remise située sous la patinoire.
À l’inverse, le bois est visible partout. En plus d’avoir été privilégié pour la structure afin de favoriser la séquestration de carbone, « il joue un rôle extrêmement important dans le caractère chaleureux du lieu », souligne l’architecte.
Cette ambiance, l’équipe de conception la voit comme un clin d’œil à la Librairie Tranquille, mythique commerce qui a donné son nom au site, sur lequel il a prospéré de 1948 à 1974.
Un troisième lieu

Autant l’architecte que le représentant de la Ville estiment que c’est « l’étroite collaboration » au sein de l’équipe multidisciplinaire qui a fait le succès du projet. Ils s’entendent aussi sur le rôle central du Partenariat du Quartier des spectacles, qui a été mandaté pour gérer et animer les lieux. Sans ces éléments, il n’aurait pas été possible de proposer un endroit qui surpasse à ce point les normes habituelles pour les bâtiments municipaux, considère Simon Pouliot.
Chose certaine, la population montréalaise répond présente. « On est agréablement surpris de voir que les gens se sont vraiment approprié le lieu », se réjouit-il en donnant l’exemple de l’étudiant qui s’installe pour plusieurs heures, branchant son ordinateur et retirant ses souliers.
« On n’aurait jamais imaginé que des gens l’adopteraient pour travailler, avoue Éric Gauthier. Constater que c’est devenu un troisième lieu, c’est notre plus belle surprise ! Ça donne confiance pour les prochains projets. »
Commentaires du jury
L’esplanade Tranquille offre à une population diversifiée des espaces inclusifs qu’il fait bon fréquenter en toute saison. Cette dernière phase de l’aménagement d’un secteur névralgique du Quartier des spectacles participe considérablement à la vitalité du centre-ville de Montréal, particulièrement grâce à la forte relation, tout en longueur, qu’entretiennent ses espaces publics intérieurs et extérieurs.
Livraison 2021
Emplacement Montréal
Maîtrise d’ouvrage Ville de Montréal
Architectes Éric Gauthier et Marc-Antoine Fredette, Les architectes FABG
Architecture de paysage Fauteux et associés
Ingénierie WSP
Ingénierie en réfrigération Petropoulos, Bomis et Associés
Design d’intérieur Atelier Zébulon Perron
Mobilier urbain ALTO Design et Dikini
Intégration technologique Scéno Plus
Entrepreneur général TEQ inc.