Après avoir été servie par une bibliothèque datant du début des années 1980, Drummondville souhaitait se doter d’un établissement qui serait non seulement l’écrin parfait pour accueillir ses quelque 135 000 livres, journaux et autres ouvrages, mais aussi un lieu de rassemblement pour petits et grands. Un défi relevé par le consortium formé par Chevalier Morales architectes et DMA architectes récompensé par le grand prix des Prix d’excellence en architecture 2019 de l’OAQ.
« L’édifice précédent était devenu beaucoup trop exigu et n’était plus de son temps, rappelle le maire de Drummondville, Alexandre Cusson. Notre objectif était que cette nouvelle bibliothèque devienne un troisième lieu, qui évoluerait selon les besoins de la population et dont les citoyens pourraient être fiers. »
Afin de réaliser ce projet, la Ville a organisé un concours d’architecture. C’est Chevalier Morales, à qui l’on doit aussi la bibliothèque Saul-Bellow, à Montréal, et la Maison de la littérature, à Québec, qui a remporté le concours, en consortium avec DMA architectes. La proposition innovante et audacieuse du groupe a séduit le jury de ce concours. Elle a également fait l’unanimité lorsqu’elle a été présentée au conseil municipal de Drummondville.
Une vision élargie
« Nous ne nous sommes pas contentés de concevoir un bâtiment, explique l’architecte Stephan Chevalier. Nous avons examiné le contexte du projet et nous avons réalisé une étude pour voir quelles étaient les activités pratiquées par les citoyens de Drummondville. Nous nous sommes alors rendu compte que le hockey est populaire dans cette ville et que la culture y est importante. Nous avons donc misé sur cette mixité en ajoutant une patinoire extérieure au programme initial de la bibliothèque. »
Les Drummondvillois peuvent ainsi se rendre à la bibliothèque les patins sur l’épaule et se dégourdir les jambes après avoir passé des heures le nez dans un livre. Après s’être rosi les joues à l’extérieur, on peut se réchauffer en savourant une boisson chaude au café qu’abrite également l’édifice. Du deuxième étage de la bibliothèque, on peut d’ailleurs rêvasser en observant les patineurs en action.
Les systèmes mécaniques de la bibliothèque, qui doit être chauffée, et de la patinoire, qui doit être réfrigérée, travaillent de concert. Un transfert d’énergie entre les deux installations s’effectue en boucle durant près de la moitié de l’année, ce qui réduit la consommation énergétique de l’ensemble.
Un quartier à réinventer
Traversé par une ligne électrique et situé à proximité d’un chemin de fer et d’un centre commercial, le site a sollicité la créativité des architectes. C’est une lecture du terrain, faisant partie du processus, qui a inspiré la forme atypique de l’édifice tout en transparence. La bibliothèque est donc indissociable du sol sur lequel elle s’élève. « La principale contrainte, c’était l’absence de contexte. Le bâtiment devait vraiment façonner un morceau de la ville », souligne Stephan Chevalier.
Les concepteurs ont également modelé l’espace urbain pour que l’édifice s’insère de manière judicieuse au centre-ville de Drummondville. Fini, le site enclavé. Une promenade linéaire longe désormais le jardin des Voltigeurs, ouvrant ainsi l’ensemble sur la rue et offrant un nouvel espace public. « Comme le terrain était vacant, c’était une très belle occasion de restructurer le quartier », dit l’architecte, dont l’équipe de projet a eu la chance de ne rencontrer comme défis que des échéanciers serrés et la nécessité de coordonner le travail sur de multiples lots.
Pari tenu
Le cofondateur de Chevalier Morales est fier que cette œuvre ait remporté le grand prix des Prix d’excellence en architecture. « Nous concevons beaucoup de bibliothèques, et je crois que c’est une des meilleures actuellement au Québec. Elle offre une lumière naturelle abondante et de grands espaces, en plus d’être très flexible. Les élus de Drummondville ont vraiment choisi de faire de cette nouvelle bibliothèque un projet structurant. Avec sa facture contemporaine, le bâtiment marque un jalon pour l’ensemble de la ville. »
Selon Stephan Chevalier, le concours d’architecture à la base du projet est l’un des principaux éléments qui ont contribué à la valeur du résultat final. « Quand on organise un concours, on sélectionne quatre propositions sur une vingtaine. Le processus assure dès le départ une certaine qualité architecturale. Le défi, c’est de maintenir cette qualité jusque dans les détails et de convaincre tout le monde sur le chantier qu’on bâtit un édifice d’exception », estime-t-il.
Un véritable pôle d’attraction
Christophe Milot, un Drummondvillois qui fréquente régulièrement la bibliothèque, reconnaît cette qualité. « C’est l’endroit idéal pour étudier, surtout en fin de session. J’y vais deux ou trois fois par semaine. L’architecture est belle, les fenêtres apportent beaucoup de lumière naturelle, et je peux être dans ma bulle », explique cet étudiant.
L’emplacement de l’ensemble, à deux pas du terminus où convergent les circuits de transport en commun, l’incite également à se rendre plus souvent au centre-ville. « Après mon arrêt à la bibliothèque, j’en profite pour marcher dans les environs. Je pense que c’était une bonne idée pour la ville et les commerces », dit ce citoyen, qui a aussi disputé plus d’une partie de hockey sur la patinoire adjacente.
Ce témoignage a de quoi réjouir le maire Cusson, qui souligne que la fréquentation de la bibliothèque publique a explosé depuis l’inauguration du nouveau bâtiment, si bien que 42 % des Drummondvillois possèdent aujourd’hui leur carte d’abonné. « C’est beaucoup plus moderne, et les services sont plus nombreux. La bibliothèque inspire les gens et leur donne le goût du beau. Les jeunes et les moins jeunes ont envie d’y être. Les enfants des écoles voisines, par exemple, y viennent pendant l’heure du dîner, ce qui n’arrivait pas avant. Nous n’avons pas seulement construit quatre murs et un toit, nous avons lancé un signal : nous voulons valoriser le beau en architecture au cours des prochaines années. »
Commentaires du jury
Conçu dans le contexte d’un concours, ce projet brille par sa proposition esthétique particulièrement accomplie, qui démocratise l’accès à une architecture de classe internationale. Ses courbes audacieuses et ses teintes de blanc et de gris donnent à l’ensemble une forte cohérence interne, tout en insufflant une nouvelle identité au paysage bâti de Drummondville. L’horizontalité de la volumétrie évoque quant à elle la plaine montérégienne où l’édifice est implanté. Cette proposition architecturale d’exception s’accompagne d’un souci notable pour l’environnement, que traduit notamment la boucle énergétique qui unit la bibliothèque à la patinoire voisine. En offrant à la population locale un accès privilégié à une architecture de qualité muséale et en concrétisant la volonté collective de réduire la consommation d’énergie, ce projet se fait le porte-étendard de deux axes du développement durable : le social et l’environnemental.
LIEU
Drummondville
CLIENT
Ville de Drummondville
ARCHITECTES
Chevalier Morales architectes :
Stephan Chevalier, Sergio Morales, Alexandre Massé,
Ève Beaumont-Cousineau
DMA architectes : Céline Leclerc, François Lemoine, Michèle Malette
INGÉNIERIE
WSP
ARCHITECTURE DE PAYSAGE
Civiliti
ENVELOPPE
Construction Bertrand Dionne
FINITION
Construction Bugère
SYSTÈME INTÉRIEUR
Construction Michel Gagnon