Accompagné par Atelier TAG, le Centre culturel Desjardins de Joliette a réussi à conserver sa salle de spectacle presque centenaire, tout en l’adaptant à de nouveaux usages.
Photos : Adrien Williams
Les salles de spectacle centenaires restent assez rares à l’extérieur de Montréal. Celle du Centre culturel Desjardins a d’abord servi d’auditorium aux Clercs de Saint-Viateur. De style beaux-arts, elle a été construite en 1927, d’après les plans des architectes montréalais Louis-Alphonse Venne (1875-1934) et Dalbé Viau (1881-1938).
« Son histoire a une valeur qui ne s’achète pas, souligne le directeur général et artistique Jean-Sébastien Martin. La communauté y est très attachée. Presque tout le monde l’a fréquentée à un moment ou à un autre. »
Mise en valeur
La salle de 775 places devait toutefois faire l’objet d’une rénovation majeure pour continuer à répondre aux besoins de la communauté, des artistes qui s’y produisent et du personnel. L’objectif principal du réaménagement consistait à adapter le lieu aux nouveaux usages comme le théâtre et les spectacles musicaux, qui se sont développés au fil des ans. « C’était une salle d’enseignement au départ, qui est devenue multifonctionnelle, indique l’architecte Manon Asselin, d’Atelier TAG. Nous devions la moderniser, mais en mettant en valeur l’œuvre architecturale originelle. »
Le Centre culturel souhaitait, par exemple, conserver les sièges amovibles au parterre, mais en remplaçant l’ancien système, très artisanal, dont l’utilisation complexe abîmait les fauteuils. Le projet prévoyait aussi de revoir les loges et les infrastructures techniques et scéniques. La direction du centre voulait également créer des espaces de travail plus conviviaux.
Le projet ne portait pas au départ sur la restauration de la salle, mais Atelier TAG a rapidement proposé de remettre certains éléments en valeur, afin d’en assurer la pérennité. Les moulures ornementales du cadre de la scène ont par exemple été restaurées à l’aide de moules en silicone, d’après des plans d’origine et des photographies d’archives. Les architectes ont également réaménagé les espaces pour rétablir la symétrie d’origine.
Nouvelle palette

L’un des plus grands défis consistait à améliorer les capacités acoustiques de la salle. Des panneaux acoustiques avaient été ajoutés dans les années 1980, de manière assez parcellaire. Cette fois, les architectes ont procédé avec une approche « mur à mur ». Ils ont installé des panneaux latéraux courbes pleine hauteur, conçus en collaboration avec Raphaël Duée, directeur acoustique et vibrations d’Atelier 7hz. Certains de ces panneaux absorbent le son, alors que d’autres le répercutent, ce qui favorise sa circulation.
« Ces panneaux ne jouent pas qu’un rôle technique; ils exercent aussi une fonction architecturale, explique Manon Asselin. Leurs courbes très douces contribuent à la géométrie de la salle. » Ils s’intègrent bien aux moulures d’origine, qui elles-mêmes renforcent la qualité acoustique.
Le lieu, auparavant peint dans les tons de crème, a en outre hérité d’une nouvelle couleur. Le choix s’est effectué non seulement sur la base de photos d’archives, mais aussi en réponse à des considérations d’ordre technique. Lorsqu’on fait le noir dans une salle, par exemple pendant une pièce de théâtre ou un concert, les murs doivent être de couleur sombre afin d’augmenter le sentiment d’immersion. Mais une salle complètement noire n’aurait pas permis de mettre en valeur la beauté des bas-reliefs.
« La solution a été de faire un rez-de-chaussée noir, puis de réaliser un gradient qui va vers le rouge très vif au plafond, indique Manon Asselin. »
Créer des liens


Les architectes ont également transformé le foyer, créé dans les années 1990. Il s’agit d’un espace très longiligne, coincé entre deux bâtiments et privé de lumière naturelle. « Nous l’avons découpé en différentes séquences qui amènent les visiteurs de l’entrée jusqu’à la porte de la salle », explique l’architecte Ange Sauvage. Une première séquence d’entrée est toute en blanc. Le public passe ensuite dans un espace enveloppant, entièrement noir avec des accents de noyer, qui loge le bar, où l’on peut prendre un verre avant le spectacle.
Jean-Sébastien Martin a beaucoup apprécié l’ouverture d’esprit d’Atelier TAG dans ce processus. « Nous pouvions toujours discuter librement de chaque idée, sans nous censurer, note-t-il. Nous sentions que les architectes valorisaient notre point de vue, et cela a contribué à créer des liens forts et une grande confiance. »
Il rappelle qu’au quotidien ce sont les membres du personnel du Centre qui doivent justifier les choix architecturaux du projet. Il était donc très important pour eux et elles de les comprendre et d’y adhérer. Cette vision rejoint bien celle de Manon Asselin. « Notre rôle n’est pas de dire aux clients quoi faire, souligne-t-elle. C’est le client qui connaît le mieux les besoins techniques et les goûts des usagers de la salle. C’est toujours un travail qui nécessite de l’écoute et de l’ouverture. »
Commentaires du jury
Ce réaménagement d’un bâtiment patrimonial a été mené de manière à la fois inventive, respectueuse et maîtrisée. L’équipe de conception s’est inspirée du génie du lieu tout en se permettant l’ajout d’une palette de matériaux et de couleurs spectaculaires pour créer une série d’expériences et d’ambiances habilement scénographiées.
■ Livraison 2022
■ Emplacement Joliette
■ Maîtrise d’ouvrage Centre culturel Desjardins
■ Architecture Atelier TAG
■ Ingénierie EXP, GBI
■ Scénographie et audiovisuel Trizart Alliance
■ Ingénierie acoustique Atelier 7hz