Fondé en 2006 par l’architecte Martin Houle, Kollectif s’est rapidement imposé comme une plateforme de nouvelles et de contenu incontournable pour la communauté architecturale du Québec et le grand public. Un exploit que l’OAQ a récompensé en lui attribuant le prix Ambassadeur de la qualité en architecture.
Ce n’est pas d’hier que Martin Houle diffuse de l’information sur l’architecture. Il était étudiant à l’Université de Montréal lorsqu’il a constaté un manque flagrant de communication et de collaboration entre les différentes instances de la discipline. « À l’époque, c’était difficile d’être au courant des activités des autres écoles d’architecture », souligne celui qui est aujourd’hui associé chez ELEMA experts-conseils.
Pour pallier ce déficit d’information, il commence à envoyer régulièrement de l’information à une liste de contacts établie grâce à son engagement dans diverses associations étudiantes et professionnelles. Devant l’intérêt croissant des membres de son réseau, il décide de passer à la vitesse supérieure en fondant Kollectif afin de toucher un public plus large.
Du simple bulletin de nouvelles des débuts, Kollectif s’est transformé depuis en une plateforme au contenu diversifié qui renseigne sur les évènements, les expositions et les concours d’architecture en plus de tenir à jour un babillard d’offres d’emploi. Le site renferme aujourd’hui au-delà de 12 000 articles.
Unique au Canada, cette plateforme va bien au-delà d’une simple source d’information. Pour Maxime-Alexis Frappier, président et architecte associé chez ACDF Architecture, elle représente également un moteur de changement et d’innovation. « Kollectif a toujours été une plateforme extraordinaire pour aborder les enjeux de la profession et la faire progresser. Sa force, c’est d’avoir été capable de fédérer toute la communauté, permettant à chacun d’exprimer son opinion et de débattre de manière constructive, malgré les divergences, dit-il en évoquant les évènements comme les tables rondes. Kollectif, c’est la colle qui manquait à notre écosystème. »
Valoriser la qualité en architecture
Kollectif s’est aussi donné comme mission de promouvoir et de soutenir la qualité architecturale dans sa rubrique Projet du mois, qui se veut une vitrine des réalisations québécoises. La sélection s’effectue selon des critères bien définis. « Le projet doit être innovant et inspirant, précise Martin Houle. Ces deux dernières années, nous avons favorisé les projets accessibles au grand public plutôt que les projets résidentiels, dans une perspective de démocratisation de l’architecture de qualité. Nous tentons également d’encourager les firmes de plus petite envergure, moins connues, mais avec un grand potentiel. »
Kollectif publie aussi le Top 100 des firmes québécoises, un répertoire présenté par ordre alphabétique et révisé tous les six mois. « On sélectionne les firmes en fonction de leur créativité, de leur portfolio et de leur dynamisme dans le milieu architectural », indique Martin Houle.
Une gestion collective
Ce dernier a dirigé Kollectif seul pendant plusieurs années avant que Marc-André Carignan vienne lui prêter main-forte en 2014. « Lorsque je l’ai contacté pour lui proposer de me joindre à son équipe, il m’a répondu en riant que l’équipe, c’était lui », se souvient Marc-André Carignan, qui agit comme chef de contenu multiplateforme.
« L’arrivée de Marc-André, qui a étudié en architecture et en journalisme, nous a permis de développer du contenu original pour valoriser l’architecture. On a pu réaliser des projets comme nos séries Web », explique Martin Houle. Il y a d’abord eu Bienvenue chez…, dans laquelle des architectes et des designers faisaient visiter leur domicile tout en discutant d’architecture. Il y a eu aussi la série Suivez le guide !, produite en collaboration avec la Ville de Québec, qui allait à la rencontre de citoyens et de citoyennes ayant à cœur de préserver la valeur patrimoniale de leur propriété. « On essaie toujours de donner une tangente ludique à nos productions, raconte Marc-André Carignan. On veut que ce soit le fun d’entendre parler d’architecture. »
Il y a cinq ans, Grégory Taillon s’est joint à l’équipe en tant que gestionnaire du compte Instagram et collaborateur sur divers projets. « Notre petite équipe est très flexible et réactive, ce qui est une grande force », explique celui qui est architecte chez Daoust Lestage Lizotte Stecker. « On travaille tous les trois dans le domaine. Grâce à nos interactions quotidiennes avec nos collègues, on peut prendre la mesure des enjeux de la profession. Cette proximité influence directement nos choix éditoriaux », signale Martin Houle.
Une campagne marquante
L’un des succès de Kollectif a été la campagne #Quiestlarchitecte, qui a permis de mettre des visages sur l’architecture québécoise. « Tout a commencé par un simple hashtag sur les réseaux sociaux, et c’est Grégory qui a eu l’idée d’en faire une campagne où les architectes seraient photographiés devant leur réalisation. C’est bien de parler des qualités architecturales d’un projet, mais il ne faut pas oublier ceux et celles qui l’ont conçu », affirme Martin Houle.
L’initiative, soutenue par l’OAQ, a capté l’attention au Québec en plus de résonner à l’international. « On a marqué un coup de circuit avec cette campagne qui a été reprise par l’Ordre des architectes de Belgique. Elle a aussi été lancée à Dundee, en Écosse, qui a le statut de Ville UNESCO de design. D’autres villes de ce réseau montrent également de l’intérêt », ajoute-t-il.
Le concept de la campagne s’est en outre étendu aux designers avec le mot-clic #Quiestledesigner.
« Le hashtag a servi de levier pour valoriser non seulement des lieux, mais aussi les concepteurs qui sont derrière », affirme Patrick Marmen, chef d’équipe au Bureau du design de la Ville de Montréal, en rappelant que la naissance de Kollectif a coïncidé avec la désignation de Montréal comme Ville UNESCO de design en 2006. « Dès le départ, on a eu un partenaire de diffusion privilégié qui embrassait les mêmes valeurs que nous. Il nous a permis de faire connaître nos différentes initiatives, notamment en favorisant la participation des bureaux d’architectes aux concours d’architecture. La présence de Kollectif a certainement contribué à l’engagement du milieu dans nos projets. Il a été et reste un outil de communication complémentaire qui nous permet d’aller au-delà de nos réseaux de contacts habituels. ».
Liberté financière
Kollectif se distingue aussi par son modèle économique qui repose en grande partie sur le travail bénévole de l’équipe. La principale source de revenus de la plateforme est la publication des offres d’emploi. « Le fait d’être indépendant financièrement nous permet de prioriser la qualité de ce que nous produisons, soutient Martin Houle. Nous ne sommes pas tributaires, par exemple, d’un commanditaire. Avoir la liberté de dire non à des propositions nous tient extrêmement à cœur, même si c’est exigeant de gérer deux carrières en même temps. »
Martin Houle consacre une journée par semaine à la gestion de Kollectif. Il a toutefois dû faire une pause en 2012, quand il a reçu un diagnostic de cancer de la moelle osseuse. Il a pu reprendre le travail deux ans plus tard à la suite de traitements. « En 2024, je célèbre mes dix ans de rémission. Cette année marque également les 18 ans d’existence de la plateforme, les 10 ans de collaboration avec Marc-André et les 5 ans depuis l’arrivée de Grégory », confie-t-il.
Avec le prix Ambassadeur de la qualité en architecture qui vient couronner le tout, Kollectif a une autre raison de célébrer !