Photo : Shandorgor, Adobe Stock
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Réunir les protagonistes de l’industrie pour façonner et déployer la construction circulaire au Québec : telle est l’ambitieuse mission que s’est donnée le laboratoire d’accélération en construction du CERIEC.

Les chantiers de construction produisent chaque année des quantités phéno­ménales de déchets (voir « L’avenir est circulaire »). Pas étonnant, donc, que le Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire (CERIEC) de l’École de technologie supé­rieure, à Montréal, lui consacre depuis avril dernier son premier laboratoire d’accélération. 

En collaboration avec Desjardins, l’équipe de ce laboratoire espère propulser la transition vers l’économie circulaire. Son approche : une démarche inspirée de la méthodologie living lab, axée sur la collaboration et la cocréation. 

Une démarche réfléchie

En petits groupes réunis virtuellement, plus de 115 personnes au total ont défini leur vision d’un secteur de la construction plus circulaire, avant d’énumérer les freins à cette transfor­mation et de formuler des pistes de solution (voir l’encadré). Parmi ces personnes, on compte notamment des maîtres d’ouvrage, des architectes, des spécialistes en recyclage et des membres des communautés étudiante et de recherche.

Les obstacles soulevés lors des ren­contres touchent à toutes les phases de vie du bâtiment, de sa commande à son recy­clage. Les participants et participantes ont par exemple remarqué que la règle du « plus bas soumissionnaire » pour les contrats publics ne prend pas en compte les stratégies d’économie circulaire, dont les retombées positives pour l’environnement se traduisent bien souvent par des coûts plus élevés. L’utilisation de matériaux re­cyclés demande également plus de temps et de travail et augmente les imprévus. Le Québec manque en outre d’expertise en matière de recen­sement et de traçabilité des matériaux tout au long de la vie d’un immeuble.

Du concret

Depuis juin, le laboratoire est entré dans sa phase d’expérimentation. « En groupes de 7 à 30 personnes, des universitaires, de même que des gens de l’industrie, élabo­rent un plan d’action pour chacune des 16 pistes de solution trouvées lors des ateliers », explique Hortense Montoux, chargée de projet au CERIEC et pivot du laboratoire.

Nathalie Drapeau, directrice générale de la Régie intermunicipale de traitement des matières résiduelles (RITMR) de la Gaspésie participe à différents chantiers. « Je travaille par exemple sur la rénovation circulaire d’un bâtiment existant, sur le développement d’une tarification qui favorise la réutilisation ou la récupération des matériaux et sur le soutien de la filière du réemploi », précise-t-elle. 

Après quelques rencontres, les groupes porteurs de chaque projet rédigeront un plan d’action qui sera dévoilé au cours de l’année 2022. « Ce plan servira à aller chercher du financement auprès du CERIEC et à l’externe. Au fur et à mesure qu’on avancera, les projets vont prendre vie et être menés par des gens issus du milieu », résume Hortense Montoux. 

Essentielle coopération

Le professeur adjoint à l’École d’archi- tec­ture de l’Université de Montréal Bechara Helal se penche quant à lui sur cinq solu­tions, dont le design pour la décons­truction. « Dans un horizon de trois ans, on veut mettre au point des outils, des prototypes ou des bases de données qui feront avancer le dossier », affirme le professeur. 

« C’est impossible de faire ce qu’on est en train de faire sans collaboration, ajoute-t-il. Tout le principe de l’économie circu­laire fait intervenir des gens de divers domaines, qui interagissent rarement ensemble. On a des points de vue très différents, mais très complémentaires. Les propositions et les objections formulées par chacun des acteurs sont prises en compte dans la formulation de solutions possibles, ce qui enrichit grandement le débat et, à mon avis, renforce d’autant la faisabilité des projets issus de ces échanges. »

Nathalie Drapeau, elle, pense déjà à l’avenir. La RITMR pourrait notamment devenir un terrain d’expérimentation pour l’un des projets pilotes. Le prochain plan de gestion des matières résiduelles con­joint des MRC du Rocher-Percé et de La Côte-de-Gaspé, qui entrera en vigueur en 2022, reflétera d’ailleurs quelques pistes de réflexion qui découlent du laboratoire. Ainsi, on considérera l’implantation d’une approche d’économie circulaire à l’échelle du territoire, tandis que les devis d’appels d’offres incluront des clauses pour favoriser de meilleures pratiques d’écoconstruction.

« La démarche cible des changements de comportements importants. Ça me donne l’espoir qu’on fera une différence », conclut la gestionnaire.

16 solutions pour un secteur de la construction plus circulaire tirées des ateliers du laboratoire

1      Développer une sensibilisation et des outils en amont

2     Contribuer à l’évolution de la réglementation

3     Mettre en place une standardisation des matériaux nouveaux ou secondaires

4    Quantifier les GES évités grâce à l’économie circulaire et développer un outil simplifié

5     Étudier l’impact de la construction modulaire sur l’économie circulaire

6     Design pour la déconstruction, adaptabilité, réutilisation : établir une feuille de route pour l’industrie

7      Analyser et promouvoir les leviers pour la réutilisation adaptative des bâtiments

8     Développer un outil de traçabilité des matériaux et des résidus de construction

9     Participer à la rénovation circulaire d’un bâtiment existant

10   Développer une tarification sur les matériaux

11   Mobiliser la filière Matériaux

12   Tester l’économie de fonctionnalité pour les opérations d’un bâtiment

13   Mettre en place une formation des propriétaires et des gestionnaires

14  Découvrir le potentiel d’un quartier en économie circulaire

15  Soutenir la filière du réemploi

16  Tester la mise en place d’une structure de démantèlement de certains matériaux issus de la rénovation ou de la reconstruction en vue de leur valorisation