Un bâtiment qui change de vocation doit être mis aux normes, et cela passe souvent par une demande de mesures différentes à la Régie du bâtiment du Québec (RBQ). Voici quelques pistes pour obtenir le feu vert.
En 2015, le Monastère des Augustines, à Québec, n’a pas seulement fait peau neuve. En plus de restaurer l’enveloppe du bâtiment, on a modifié la vocation de son aile la plus ancienne, qui date du 17e siècle, pour l’ouvrir au public. ABCP architecture avait le mandat de la transformer pour y loger des services d’hôtellerie et de restauration ainsi que des espaces muséaux, et de la relier par un hall d’accueil au bâtiment plus récent, où résident encore les sœurs.
Classé site patrimonial par le ministère de la Culture et des Communications et situé dans l’arrondissement historique du Vieux-Québec, le Monastère ne pouvait pas être défiguré. Mais ses nombreuses boiseries apparentes ne permettaient pas d’atteindre le degré de résistance au feu exigé par le Code de construction. Par ailleurs, l’absence d’ascenseur et de système de ventilation contrevenait aux normes en matière d’accessibilité et de salubrité.
Pour corriger des non-conformités, une équipe de conception peut généralement se prévaloir de la partie 10 du Code qui porte sur les bâtiments existants, mais il arrive que les directives de cette partie ne soient pas réalisables et qu’il faille proposer à la Régie du bâtiment des mesures différentes permettant d’atteindre les objectifs du Code. C’est ainsi que, pour mettre le Monastère aux normes, ABCP a déposé pas moins de 28 demandes de mesures différentes à la RBQ. ‘
Remédier aux non-conformités

A49/DFS/STGM architectes en consortium
Photo : Stéphane Groleau
De façon générale, un bâtiment doit être mis aux normes s’il change d’usage ou si le nombre de personnes qu’il accueille augmente. Stephan Langevin, architecte associé principal chez STGM, donne l’exemple du Manège militaire Voltigeurs de Québec. Initialement réservé aux militaires et gravement endommagé par un incendie en 2008, le bâtiment a été restauré, agrandi et réhabilité en salle multifonctionnelle avec une augmentation de la capacité d’accueil.
Les non-conformités concernent souvent la sécurité incendie, la résistance de la structure, l’accessibilité universelle et les équipements mécaniques de ventilation. Les déceler demande un exercice minutieux. L’architecte Marc-André Massé est chef d’expertise – Code, normes et sécurité incendie chez Technorm. Il suggère de commencer par examiner la structure du bâtiment et d’affiner progressivement l’analyse en vérifiant la compartimentation des espaces relativement à la propagation d’un incendie, les moyens d’évacuation, les finitions des murs et des planchers, les équipements sanitaires et l’accessibilité universelle. « On a une filiale, Codex, qui analyse ces aspects, mais pour les bureaux qui n’ont pas les ressources à l’interne, il est préférable de consulter des spécialistes », recommande Stephan Langevin.
Dany Blackburn, architecte associé chez ABCP architecture qui a agi comme chargé de projet et surveillant de chantier au Monastère des Augustines, énumère quelques-unes des 28 mesures présentées lors de ce projet. Dans le couloir du troisième étage, le platelage de bois aurait dû être recouvert de gypse comme le prescrit le Code, mais les architectes ont proposé d’insérer le gypse sous le platelage pour laisser le bois apparent. À l’entrée de ce couloir, une cloison vitrée munie de gicleurs fait office de porte pare-fumée. Des signalisations attirent l’attention sur la faible hauteur des portes des chambres. Une voûte du sous-sol a aussi été renforcée, et des ascenseurs ont été installés.
« La mise aux normes électrique et mécanique exige le passage de conduits, et il faut parfois user de stratagèmes et de créativité pour ne pas altérer le bâtiment », commente Stephan Langevin. « Au Monastère, on ne pouvait pas passer les gaines de ventilation dans les plafonds des chambres. On a donc monté la mécanique dans les combles et on a fait passer les conduits dans les murs des chambres du quatrième étage pour atteindre les chambres du troisième étage », décrit Dany Blackburn.
Pour une demande réussie
Pour faciliter le développement des solutions et l’acceptation des demandes, Marc-André Massé préconise de rencontrer la RBQ dès le début du projet pour
en présenter la vision et discuter des solutions envisageables. Cela évite aux architectes de partir sur de fausses pistes, et la RBQ, ainsi prévenue de la nature du projet, est alors plus encline à valider certaines propositions.
La demande doit décrire de façon précise les non-conformités, expliquer pourquoi il n’est pas possible d’appliquer les prescriptions du Code et comment les mesures différentes proposées permettent d’atteindre un niveau de sécurité conforme au Code.
Il faut compter six mois pour recevoir la réponse de la RBQ. Or, pendant ce temps, le projet continue. « L’équipe de projet va présumer que la demande
sera acceptée, mais c’est une gestion de risques », prévient Marc-André Massé. En effet, la RBQ peut demander de renforcer la sécurité, voire refuser la proposition et exiger de modifier les plans et devis. C’est pourquoi il est recommandé d’entamer la démarche le plus tôt possible.